EN CORSE SOUS LA REVOLUTION :

LE TEMPS DU GOVERNO SEPARATO

(JUIN 1793 - JUIN 1794) *

La période d'histoire de la Corse considérée ici s'étend sur un peu plus d'un an, de l'été 1793 à l'automne 1794. Elle est prise entre deux temps forts de la Révolution en Corse. En amont, celui du différend survenu entre les Paolistes et la Convention au lendemain du lamentable fiasco de l'expédition de Sardaigne et de la déclaration de guerre de la France à l'Angleterre, deux événements qui avaient eu pour effet de rendre Paoli suspect aux yeux du gouvernement révolutionnaire saisi de dénonciations calomnieuses à son encontre. En aval, ce sont les débuts d'application de l'"acte d'union" entre la Corse et l'Angleterre. Il n'est pas indifférent de noter que cette période qui n'a pas toujours retenu l'attention qu'elle mérite, correspond -en débordant quelque peu- au temps du pouvoir des Montagnards en France... et de la Terreur qui n'a donc pas sévi dans 111e. Remarquons aussi -et c'est ce qui a justifié notre choix dans cette rencontre consacrée à Gio Maria Angioi e il suo tempo- qu'elle est contemporaine des troubles qui ont agité la Sardaigne, troubles à propos desquels le professeur Sotgiu a pu parler d'émergence ou de velléités d'un nationalisme sarde risquant de remettre en question la domination de la Savoie sur cette île.

En cette année 1793-1794, la Corse a vécu sous un régime constitutionnel flou désigné dans certains textes du nom de governo separato ou de governo provisorio, pour reprendre l'expression la plus usitée alors. Période de transition par excellence dont on a surtout retenu les épisodes militaires qui correspondent à la "conquête" de l'île par les Anglais, en omettant de s'interroger sur la nature et les formes de cette expérience au cours de laquelle l'île se trouva "entre France et Angleterre".

Rappelons comme jalons chronologiques que Pascal Paoli a été cité à la barre de la Convention le 2 avril 1793, qu'il a refusé d'obtempérer ; que la consulte de Corte du 27 mai, sans aller jusqu'à la sécession, marquait déjà une nette prise de distance de l'administration départementale de la Corse par rapport à la Convention et qu'en dépit d'un report provisoire de cette mesure infamante (juin), Paoli fut finalement (le 17 juillet 1793) décrété hors la loi et traître à la République française. La rupture était consommée mais ce fut seulement en juin de l'année suivante qu'une nouvelle consulte "constitutionnelle" tenue à Corte le 15 juin 1794 marqua l'avènement du