Bulletin de la SOCIÉTÉ
PRÉHISTORIQUE FRANÇAISE 1982 /TOME 79/3
Demi-relief aungnacien en ivoire de la grotte Geissenklôsterle, près dulm (Allemagne fédérale)
par Joachim Hahn
Lors de ses fouilles dans la Brillenhôhle, à une vingtaine de kilomètres à l'Ouest d'Ulm, dans le Jura souabe, Gustav Riek a découvert en 1957 ou 1958 le Geissenklôsterle (grotte de la Chèvre) sur l'autre rive de la vallée de Г Ach. Cette grotte, actuellement le reste d'une grotte plus vaste, effondrée, s'ouvre sur la rive droite, à l'Ouest, à 60 m au-dessus du thalweg. En 1973, E. Wagner avait pratiqué un sondage qui a été suivi de fouilles annuelles systématiques par l'Institut fiir Urgeschichte, Tubingen, chargé et financé par le Landesdenkmalamt, Stuttgart, et, jusqu'en 1979, également financé par le Sonderforschungsbe- reich 53 « Palécologie » (1).
Les fouilles ont été limitées à l'entrée sud d'un large réseau karstique ; un sondage dans l'entrée nord a aussi révélé la présence de couches paléolithiques.
Les fouilles ont été pratiquées avec des méthodes qui essaient de documenter la plupart des vestiges visibles, y inclus l'éboulis. Un échantillonnage serré de prélèvements de sédiment est destiné aux analyses sédimentologiques, chimiques et palynologiques, sur le plan horizontal et sur le plan vertical.
Une équipe de plusieurs chercheurs participe à la détermination des sédiments, de la flore, de la faune et des vestiges archéologiques purs. L'analyse des sédiments par H. Laville a donné une séquence climatique, qui peut être comparée avec celle de l'Europe de l'Ouest [1]. Les pollens, par contre, montrent une séquence monotone, dominée par des graminées et des herbacées [2] ; leur composition est déterminée par des pollens introduits dans la grotte par des animaux et par une conservation différen-
(1) Nos remerciements vont à ces institutions et la ville de Blaubeuren qui ont rendu possible les fouilles et l'analyse des données dont une publication est en cours de préparation.
tielle. La micro faune, par contre, se prête mieux à une interprétation climatique et écologique.
La séquence des couches contenant du Paléolithique supérieur est la plus complète pour l'Allemagne du Sud. En effet, le Geissenklôsterle a, pour la première fois, donné la succession Magdalénien-Gra- vettien-Aurignacien dans le Jura souabe, séquence évidemment bien connue ailleurs, mais qu'on ne
pouvait que reconstruire avec le matériel provenant des fouilles anciennes dans le Sirgenstein [3]. En plus, il subsiste des traces, dans les couches supérieures en grande partie détruites, d'un Mésolithique qui correspond probablement au Beuronien AB de W. Taute [4]. Dans la partie supérieure de cette séquence (tableau 1), l'occupation humaine correspond à des séjours de courte durée et/ou peu intensifs, ce qui peut être déterminé par le remblaiement de la grotte. Le Magdalénien n'est représenté que par un petit foyer et quelques lamelles à dos. Les couches gravettiennes supérieures sont en position secondaire, plus d'un tiers des silex est concassé, les os, rares, sont fortement roulés et lustrés. Quelques pièces à dos, dont une microgravette, et des fragments de sagaies cylindriques en os assurent cette attribution au Gravettien des couches Ip et Ir. Les couches gravettiennes inférieures — Is, It, Ia-c — sont par contre plus ou moins en place si l'on juge d'après l'aspect frais de l'outillage. Mais la couche la se trouve apparemment dans une sorte de sol strié périglaciaire qui n'a pas, semble-t-il, influencé la distribution des silex et des os sur le sol. Ce Gravettien est caractérisé par une matière première locale, surtout une sorte de chaille grise qui provient des dépôts de pente et un silex fin alpin brun-rouge qu'on a été chercher dans les graviers du Danube. L'outillage contient en outre de minuscules micro- gravettes et de lamelles à dos, quelques pointes à retouches inverses qui ressemblent de loin aux fié-
