Chapitre II. — Assimilation, différenciation et chute dans les groupes consonantiques
§ 233. L’assimilation dans les groupes consonantiques porte ou sur la qualité vélaire ou palatale, ou sur la sonorité.
§ 234. En principe, deux consonnes appartenant au même groupe explosif ou implosif sont toutes deux vélaires ou toutes deux palatales. Cette règle comporte des exceptions, qui ont été signalées à propos de chaque phonème ; c’est ainsi que :
Les gutturales k, g, ŋ,
C’est s, non ʃ, que l’on a devant b̬ʹ et mʹ (§ 72).
r est vélaire devant dentale palatale (§ 81).
Dans l’état actuel de la langue, on n’a plus guère l’occasion d’observer les tendances assimilatrices à l’œuvre dans les groupes explosifs ou implosifs, les groupes anciens étant assimilés de longue date, et la formation de nouveaux groupes initiaux ou finaux étant un phénomène exceptionnel.
§ 235. Il arrive cependant que, l’accent frappant la deuxième syllabe du mot, la voyelle de la première syllabe tende à être syncopée, laissant en contact les consonnes qui la précédaient et la suivaient (cf. § 279 sq.) ; dans ce cas, lorsque ces deux consonnes sont de qualité différente au point de vue de la palatalisation, on voit se produire des assimilations régressives. C’est ainsi qu’on a :
Palatalisation d’une consonne initiale vélaire sous l’influence d’une consonne palatale suivante :
kʹⁱmʲɑ꞉d, de kəmʲɑ꞉d (coimeád) « conserver » ; mʹinʲɑ꞉l de mʷɩnʲɑ꞉l (muineál) « eou ».
On peut encore entendre occasionnellement, e. g., kəmʲɑ꞉d ; en revanche c’est toujours la forme assimilée qu’on entend dans : fʹⁱnʲo꞉g (fuinneóg) « fenêtre » ; fʹrʹiʃtʹɩ (fuiriste) « facile », où la voyelle intermédiaire a laissé peu ou pas de résidu. Cf. également dʹrʹe꞉rʹ, à côté de dərʹe꞉rʹ (do réir) « d’après ».
Vélarisation d’une consonne initiale palatale sous l’influence d’une consonne vélaire suivante :
tᵊmɑ̃꞉ⁱnʹtʹ de tʹᵊmɑ̃꞉ⁱnʹtʹ (tiomáint) « conduire (une voiture) » ; mais bʹᵊnaꞏ
Palatalisation progressive ; bʹⁱrʹɑ꞉n (biorán) « aiguille » ; gʹⁱrʹɑ̃꞉n (gearán) « plainte ».
§ 236. Dans les groupes implosivo-explosifs la qualité des consonnes n’est pas toujours la même : c’est pourtant généralement le cas dans les groupes anciens, compte tenu des exceptions signalées plus haut § 234 et qui sont également valables pour les groupes implosivo-explosifs. En revanche, là où la flexion ou la composition amènent en contact deux consonnes de qualité différente, chacune d’elles conserve sa qualité propre, ainsi dans :
1º les désinences verbales commençant par une consonne, soit par ‑t- ou ‑f‑ ; ainsi :
tɪkʹtər (tuigtear) « on comprend » (aussi tɪkʹtʹər) ; tɪkʹfʹər (tuigfear) « on comprendra » ; hikʹfɑ꞉ (thuigfeà) « tu comprendrais » ; hikʹfʷi꞉ et tɪkʹfʷi꞉ (tuigfí) « on comprendrait ».
2º les composés : ɑ꞉rdlʹᴇʃg̬ʹu꞉ⁱlʹ (árd-leisceamhail) « très paresseux » ; ᴀᴜnç
Mais on dit : bᴜnöʃg̬ʲᴜ꞉n (bun-ós-cionn) « cul par dessus tête » ; et, dans le cas de n précédant une dentale bɑ̃꞉ⁱnʹdʹ
§ 237. Au point de vue de la sonorité, une occlusive sourde ou une spirante assimile une occlusive sonore précédente, comme il paraît aux formes verbales dont la désinence commence par ‑f- ou ‑t- (voir plus haut) et dans les composés, où l’assimilation est facultative et dépend du tempo du langage, et du sentiment que le sujet a de la composition :
to꞉kfər (tógfar) « on élèvera », de to꞉gʷɩmʹ (tógaim) « j’élève » ; to꞉ktər (tógtar) « on élève » ; krʹᴇtʹfər (creidfear) « on croira », de krᴇdʹɩmʹ (creidim) « je crois » ; lᴜ꞉pfər (lúbfar) « on courbera », de lᴜ꞉bʷɩmʹ (lúbaim) « je courbe » ; fɑt
lɑg̬sb̬rʹidʹ ou lɑgsb̬rʹidʹ (lagsprid) « mou, qui manque de courage ».
§ 238. Les consonnes qui suivent, ou précèdent, un h sont plus ou moins assourdies, même si ces consonnes ne comportent pas régulièrement de forme sourde dans la langue (liquides ou nasales) ; la liquide ou la nasale n’est au reste que partiellement assourdie (ou, pour mieux dire, chuchée, cf. § 87), dans une mesure qui varie considérablement, l’h étant prononcé d’autant plus distinctement, et la sonorité de la consonne voisine étant d’autant plus complète que l’élocution est plus lente, et aussi, que la syllabe dont h fait partie a plus d’importance dans le mot phonétique (voir plus bas).
Ce type d’assimilation peut être progressive, régressive ou bilatérale.
§ 239. L’assimilation est progressive lors de la mutation grammaticale de groupes initiaux commençant par t, tʹ, s, ʃ :
hn̬ɑ̃꞉ⁱvʹ ʃeꞏ (shnáimh sé) « il nagea » ; mə hl̬ɑ̃꞉ⁱnʹtʹɩ (mo shláinte) « ma santé » ; ɑnəhl̬ɑ꞉h (anathlàth) « très affable » ; ɑnəhl̬ä
La combinaison hm, hmʹ ne se rencontre pas, s ou ʃ ne se modifiant pas grammaticalement devant m, mʹ.
§ 240. Assimilation régressive : Une nasale ou une liquide est d’ordinaire partiellement assourdie devant un h : krᴀᴜm̬həd (cromfad) « je courberai », de krɔmʷɩmʹ (cromaim) « je courbe » ; l’assourdissement de m est plus sensible encore dans krᴀᴜm̬ʰɩ ʃeꞏ (cromfaidh sé) « il courbera », quand un pronom accentué postposé à la forme verbale a pour effet de diminuer la durée en même temps que l’énergie de la syllabe finale.
kᴜ꞉m̥hə (cumtha) « bien fait » ; brᴀᴜn̬hɩ ʃeꞏ (bronnfaidh sé) « il fera présent de », de brɔnɩmʹ (bronnaim) « je fais présent » ; tan̬ʹhi꞉mʹ (taithnighim) « je plais » ; tan̬ʹhəvə
bi-latérale : un h inséré entre r et liquide ou nasale palatale, assourdit partiellement les consonnes précédente et suivante :
bɑ꞉r̬hn̬ʲə
§ 241. Différenciation (fermeture sous l’influence de la nasalisation ?).
Quand le préfixe, de sens négatif ou péjoratif, qui se présente devant voyelle sous la forme nʹ
nʹ
On a un exemple de fermeture de ǥ en g, dans lʲo꞉rgo꞉hɩnʹtʹ (leordhóthain) « quantité largement suffisante ».
§ 242. Chutes de consonnes :
‑h terminant les préfixes qui se présentent devant voyelles sous la forme lʹ
lʹ
a
‑v terminant les préfixes dᴜv- (dubh‑) « noir », nʹ
dᴜ꞉həmɑ̃꞉ⁱnʹtʹ (dubh-thiomáint) « conduire à toute allure » ; dᴜ꞉hɔləs (dubhsholas) « clair-obscur » ; mais dᴜvǥʌrəm (dubhghorm) « bleu sombre », où le sentiment de la composition est net.
nʹ
§ 243. Simplification d’une consonne géminée, due à la rencontre de deux consonnes semblables à la finale du premier terme et à l’initiale du deuxième terme d’un composé ; le résultat est une consonne de longueur normale (cf. § 4).
bʹì꞉alʲ
En revanche, bʹì꞉allɑ꞉ⁱdʹɩrʹ (béalláidir) « fort en gueule », avec l géminé (que nous notons ll) maintenu par le sentiment de la composition.