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ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS
MANSTUPRATION ou MANUSTUPRATION
(Médec. Pathol.) Ce nom & ses synonymes mastupration & masturtion, sont composés de deux mots
latins manus, qui signifie main, & stupratio on stuprum,
violement, pollution. Ainsi suivant leur étymologie,
ils désignent une pollution opérée par la main, c'est - à - dire, une excrétion forcée de semence determinée
par des attouchemens, titillations & frottemens impropres.
Un auteur anglois l'a aussi désignée sous
le titre d'onania dérivé d'Onam, nom d'un des fils
de Juda, dont il est fait mention dans l'ancien Testament (Genes. cap. xxxviij. vers. ix. & x.) dans une
espece de traité ou plutôt une bisarre collection
d'observations de Médecine, de réflexions morales,
& de décisions théologiques sur cette matiere. M. Tissot s'est aussi servi, à son imitation, du mot d'ona -
misme dans la traduction d'une excellente dissertation
qu'il avoit composée sur les maladies qui sont
une suite de la manustupration, & dont nous avons
tiré beaucoup pour cet article.
De toutes les humeurs qui sont dans notre corps,
il n'y en a point qui soit préparée avec tant de dépense
& de soin que la semence, humeur précieuse,
source & matiere de la vie. Toutes les parties concourent
à sa formation; & elle n'est qu'un extrait
digéré du suc nourricier, ainsi qu'Hippocrate &
quelques anciens l'avoient pensé, & comme nous
l'avons prouvé dans une these sur la génération,
soutenue aux écoles de Médecine de Montpellier.
VoyezSemence. Toutes les parties concourent
aussi à son excrétion, & elles s'en ressentent après,
par une espece de soiblesse, de lassitude & d'anxiété.
Il est cependant un tems où cette excrétion
est permise, où elle est utile, pour ne pas dire
nécessaire. Ce temps est marqué par la nature,
annoncé par l'éruption plus abondante des poils, par
l'accroissement subit & le gonflement des parties
génitales, par des érections fréquentes; l'homme
alors brûle de répandre cette liqueur abondante qui
distend & irrite les vésicules séminales. L'humeur
fournie par les glandes odoriférantes entre le prépuce
& le gland, qui s'y ramasse pendant une inaction
trop longue, s'y altere, devient âcre, stimulante,
sert aussi d'aiguillon ou de motif. La seule
façon de vuider la semence superflue qui soit selon
les vûes de la nature, est celle qu'elle a établie dans
le commerce & l'union avec la femme dans qui la
puberté est plus précoce, les desirs d'ordinaire plus
violens, & leur contrainte plus funeste; & qu'elle
a consacrée pour l'y engager davantage par les plaisirs
les plus délicieux. A cette excrétion naturelle
& légitime, on pourroit aussi ajouter celle que provoquent
pendant le sommeil aux célibataires des
songes voluptueux qui suppléent également & quelquefois
même surpassent la réalité. Malgré ces sages
précautions de la nature, on a vû dans les tems les
plus reculés, se répandre & prévaloir une infame
coutume née dans le sein de l'indolence & de l'oisiveté;
multipliée ensuite & fortifiée de plus en plus
par la crainte de ce venin subtil & contagieux qui
se communique par ce commerce naturel dans les
momens les plus doux. L'homme & la femme ont
rompu les liens de la société; & ces deux sexes
également coupables, ont tâché d'imiter ces mêmes
plaisirs auxquels ils se refusoient, & y ont fait servir
d'instrumens leurs criminelles mains; chacun se
suffisant par - là, ils ont pu se passer mutuellement
l'un de l'autre. Ces plaisirs forcés, foibles images
des premiers, sont cependant devenus une passion qui
a été d'autant plus funeste, que par la commodité
de l'assouvir, elle a eu plus souvent son effet. Nous
ne la considérerons ici qu'en qualité de médecin,
comme cause d'une infinité de maladies très - graves, le plus souvent mortelles. Laissant aux théologiens
le soin de décider & de faire connoître
l'énormité du crime; en la faisant envisager sous
ce point de vûe, en présentant l'affreux tableau de
tous les accidens qu'elle entraîne, nous croyons
pouvoir en detourner plus efficacement. C'est en
ce sens que nous disons que la manustupration qui
n'est point fréquente, qui n'est pas excitée par
une imagination bouillante & voluptueuse, & qui
n'est enfin déterminée que par le besoin, n'est suivie
d'aucun accident, & n'est point un mal (en Médecine.) Bien plus, les anciens, juges trop peu séveres
& scrupuleux, pensoient que lorsqu on la contenoit
dans ces bornes, on ne violoit pas les sois de
la continence. Aussi Galien ne fait pas difficulté
d'avancer que cet infame cynique (Diogene) qui
avoit l'impudence de recourir à cette honteuse pra<pb->[p. 52]
tique en présence des Athéniens, étoit très - chaste,
quoad continentiam pertinet constantissimam; parce
que, poursuit - il, il ne le faisoit que pour éviter les
inconvéniens que peut entraîner la semence retenue.
Mais il est rare qu'on ne tombe pas dans l'excès.
La passion emporte: plus on s'y livre, & plus on y
est porté; & en y succombant, on ne fait que l'irriter.
L'esprit contiuellement absorbé dans des pensées
voluptueuses, détermine sans cesse les esprits
animaux à se porter aux parties de la génération,
qui, par les attouchemens répétés, sont devenues plus
mobiles, plus obéissantes au déréglement de l'imagination: de - là les érections presque continuelles,
les pollutions fréquentes, & l'évacuation excessive
de semence.
C'est cette excrétion immodérée qui est la source
d'une infinité de maladies: il n'est personne qui n'ait
éprouvé combien, lors même qu'elle n'est pas poussée
trop loin, elle affoiblit, & quelle langueur, quel
dérangement, quel trouble suivent l'acte vénérien
un peu trop réiteré: les nerfs sont les parties qui
semblent principalement affectées, & les maladies
nerveuses sont les suites les plus fréquentes de cette
évacuation trop abondante. Si nous considérons la
composition de la semence & le méchanisme de son
excrétion, nous serons peu surpris de la voir devenir
la source & la cause de cette infinité de maladies
que les médecins observateurs nous ont transmis.
Celles qui commencent les premieres à se développer,
sont un abatement de forces, foiblesses,
lassitudes spontanées, langueur d'estomac, engourdissement
du corps & de l'esprit, maigreur, &c. Si
le malade nullement effrayé par ces symptomes,
persiste à en renouveller la cause, tous ces accidens
augmentent; la phthisie dorsale survient; une
fievre lente se déclare; le sommeil est court, interrompu,
troublé par des songes effrayans; les digestions
se dérangent totalement; la maigreur dégénere
en marasme; la foiblesse devient extrème;
tous les sens, & principalement la vûe, s'émoussent;
les yeux s'enfoncent, s'obscurcissent, quelquefois
même perdent tout - à - fait la clarté; le visage
est couvert d'une pâleur mortelle; le front parsemé
de boutons; la tête est tourmentée de douleurs affreuses;
une goutte cruelle occupe les articulations;
tout le corps quelquefois souffre d'un rhumatisme
universel, & sur - tout le dos & les reins qui semblent
moulus de coups de bâton. Les parties de la
génération, instrumens des plaisirs & du crime,
sont le plus souvent attaquées par un priapisme
douloureux, par des tumeurs, par des ardeurs d'urine,
strangurie, le plus souvent par une gonorrhée
habituelle, ou par un flux de semence au moindre
effort: ce qui acheve encore d'épuiser le malade.
J'ai vû une personne qui a à la suite des débauches
outrées, étoit tombée dans une fievre lente; &
toutes les nuits elle essuyoit deux ou trois pollutions
nocturnes involontaires. Lorsque la semence sortoit,
il lui sembloit qu'un trait de flamme lui dévoroit
l'urethre. Tous ces dérangemens du corps
influent aussi sur l'imagination, qui ayant eu la
plus grande part au crime, est aussi cruellement
punie par les remords, la crainte, le desespoir, &
souvent elle s'appesantit. Les idées s'obscurcissent;
la mémoire s'affoiblit: la perte ou la diminution de
la mémoire est un accident des plus ordinaires.
Je sens bien, écrivoit un mastuprateur pénitent
à M. Tissot, que cette mauvaise manoeuvre m'a diminué
la force des facultés, & sur - tout la mémoire. Quelquefois les malades tombent dans une heureuse stupidité: ils deviennent hébêtés, insensibles à tous les
maux qui les accablent. D'autres fois au contraire,
tout le corps est extraordinairement mobile, d'une
sensibilité exquise; la moindre cause excite des dou<cb->
leurs aiguës, occasionne des spasmes, des mouvemens
convulsifs; quelques malades sont devenus
par cette cause, paralytiques, hydropiques; plusieurs
sont tombés dans des accès de manie, de
mélancolie, d'hypocondriacité, d'épilepsie. On a
vû dans quelques - uns la mort précipitée par des attaques
d'apoplexie, par des gangrenes spontanées:
ces derniers accidens sont plus ordinaires aux vieillards
libertins qui se livrent sans mesure à des plaisirs
qui ne sont plus de leur âge. On voit par - là qu'il
n'y a point de maladie grave qu'on n'ait quelquefois
observé suivre une évacuation excessive de
semence; mais bien plus, les maladies aiguës qui
surviennent dans ces circonstances sont toujours
plus dangereuses, & acquierent par - là un caractere
de malignité, comme Hippocrate l'a observé (epidem. lib. III. sect. 3. agr. 16.) Il semble qu'on ne
sauroit rien ajouter au déplorable état où se trouvent
réduits ces malades: mais l'horreur de leur
situation est encore augmentée par le souvenir
desespérant des plaisirs passés, des fautes, des imprudences,
& du crime. Sans ressource du côté de
la Morale pour tranquilliser leur esprit; ne pouvant
pour l'ordinaire recevoir de la Médecine aucun
soulagement pour le corps, ils appellent à leur
secours la mort, trop lente à se rendre à leurs souhaits;
ils la souhaitent comme le seul asyle à leurs
maux, & ils meurent enfin dans toutes les horreurs
d'un affreux desespoir.
Toutes ces maladies dépendantes principalement
de l'évacuation excessive de semence, regardent
presqu'également le coït & la manustrupration; mais
l'observation fait voir que les accidens qu'entraîne
cette excrétion illégitime sont bien plus graves &
plus prompts que ceux qui suivent les plaisirs trop
réitérés d'un commerce naturel: à l'observation
incontestable nous pouvons joindre les raisons suivantes.
1‹. C'est un axiome de Sanctorius, confirmé par
l'expérience, que l'excrétion de la semence déterminée
par la nature, c'est - à - dire par la plénitude
& l'irritation locale des vésicules séminales, loin
d'affoiblir le corps, le rend plus agile, & qu'au contraire
« celle qui est excitée par l'imagination, la
blesse, ainsi que la mémoire »,
à mente, mentem
& memoriam loedit. (sect. VI. aphor. 35.) c'est ce
qui arrive dans la manustupration. Les idées obscènes,
toujours présentes à l'esprit, occasionnent les
érections, sans que la semence y concoure par sa
quantité ou son mouvement. Les efforts que l'on fait
pour en provoquer l'excrétion, sont plus grands,
durent plus long tems, & en conséquence affoiblissent
davantage. Mais ce qu'il y a de plus horrible,
c'est qu'on voit des jeunes personnes se livrer à
cette passion, avant d'être parvenues à l'âgé fixé
par la nature, où l'excrétion de la semence devient
un besoin; ils n'ont d'autre aiguillon que ceux
d'une imagination échauffée par des mauvais exemples,
ou par des lectures obscènes; ils tâchent, instruits
par des compagnons séducteurs, à force de
chatouillemens, d'exciter une foible érection, & de
se procurer des plaisirs qu'on leur a exagérés. Mais
ils se tourmentent en vain, n'éjaculant rien, ou que
très - peu de chose, sans ressentir cette volupté piquante
qui assaisonne les plaisirs legitimes. Ils parviennent
cependant par - là à ruiner leur santé, à
affoiblir leur tempérament, & à se préparer une vie
languissante & une suite d'incommodités.
2‹. Le plaisir vif qu'on éprouve dans les embrassemens
d'une femme qu'on aime, contribue à reparer
les pertes qu'on a fait & à diminuer la foiblesse qui
devroit en résulter. La joie est, comme personnen'i
gnore, très - propre à réveiller, à ranimer les esprits
animaux engourdis, à redonner du ton & de la for<pb->[p. 53]
ce au coeur: après qu'on a satisfait en particulier à
l'insame passion dont il est ici question, on reste foible,
anéanti, & dans une triste confusion qui augmente
encore la soiblesse. Sanctorius, exact observateur
de tous les changemens opérés dans la machine,
assure que
« l'évacuation même immodérée
de semence dans le commerce avec une femme
qu'on a desiré passionnément, n'est point suivie
des lassitudes ordinaires; la consolation de l'esprit
aide alors la transpiration du coeur, augmente sa
force, & donne lieu par - là à une prompte réparation
des pertes que l'on vient de faire ».
Sect. vj.
aphor G. C'est ce qui a fait dire à l'auteur du tableau
de l'amour conjugal, que le commerce avec une jolie
femme affoiblissoit moins qu'avec une autre.
3‹. La manustrupation étant devenue, comme il
arrive ordinairement, passion ou fureur, tous les
objets obscènes, voluptueux, qui peuvent l'entretenir
& qui lui sont analogues, se présentent sans
cesse à l'esprit qui s'absorbe tout entier dans cette
idée, il s'en repaît jusque dans les affaires les plus
sérieuses, & pendant les pratiques de religion; on
ne sauroit croire à quel point cette attention à un
seul objet énerve & affoiblit. D'ailleurs les mains
obéissant aux impressions de l'esprit se portent habituellement
aux parties génitales; ces deux causes
rendent les érections presque continuelles; il n'est
pas douteux que cet état des parties de la génération
n'entraine la dissipation des esprits animaux; il est
constant que ces érections continuelles, quand même
elies ne seroient pas suivies de l'évacuation de
semence, épuisent considérablement: j'ai connu un
jeune homme qui ayant passé toute une nuit à côté
d'une femme sans qu'elle voulût se prêter à ses desirs,
resta pendant plusieurs jours extraordinairement
affoibli des simples efforts qu'il avoit fait pour
en venir à bout.
4‹. On peut tirer encore une nouvelle raison de
l'attitude & de la situation gênée des mastrupateurs
dans le tems qu'ils assouvissent leur passion, qui ne
contlibue pas peu à la foiblesse qui en résulte & qui
peut même avoir d'autres inconvéniens, comme il
paroit par une observation curieuse que. M. Tissot
rapporte d'un jeune homme qui, donnant dans une
débauche effrénée sans choix des personnes, des
lieux & des postures, satisfaisoit ses desirs peu delicats
souvent tout droit dans des carrefours, sut attaqué
d'un rhumatisme cruel aux reins & d'une atrophie,
& demi - paralysie aux cuisses & aux jambes,
qui le mirent au tombeau dans quelques mois.
Pour donner un nouveau poids à toutes ces raisons,
nous choisirons parnri une soule de faits celui
que rapporte M. Tissot, comme plus frappant &
pius propre à inspirer une crainte salutaire à ceux
qui ont commencé de se livrer à cette infame passion.
Un jeune artisan, robuste & vigoureux, contracta
à l'âge de dix - sept ans ceue mauvaise habitude,
qu'il poussa si loin qu'il y saerisioit deux ou trois fois
par jour. Chaque éjaculation étoit précédée & accompagnée
d'une légere convulsion de tout le corps,
d'un obscurcissement dans la vûe, & en même tems
la tête étoit retirée en artiere par un spasme violent
des muscles postérieurs, pendant que le col se gonsloit
considérablement sur le devant. Après environ
un an passé de cette façon, une foiblesse extrème
se joignit à ces accidens qui, moins forts que sa
passion, ne purent encore le détourner de cette perpicieuse
pratique; il y persista jusqu'à ce qu'enfin il
tomba dans un tel anéantissement que craignant la
mort qui lui sembloit prochaine, il mit fin à ses déréglemens.
Mais il fut sage trop tard, la maladie avoit
déja jetté de profondes racines. La continence la plus
exacte ne pût en arrêter les plagrès. Les parties génitales
étolent devenues si mobiles, que le moindre
aiguillon suffisoit pour exciter une érection imparfaite
même à son insû, & déterminer l'excrétion de semence;
la rétraction spasmodique de la tête étoit habituelle,
revenoit par intervalles, chaque paroxisme
duroit au moins huit heures, quelquefois il
s'étendoit jusqu'à quinze, avec des douleurs si aiguës
que le malade poussoit des hurlemens affreux;
la déglutition étoit pour - lors si gênée qu'il ne pouvoit
prendre la moindre quantité d'un aliment liquide
& solide, sa voix étoit toûjours rauque, ses
forces étoient entierement épuisées. Obligé d'abandonner
son métier, il languit pendant plusieurs mois
sans le moindre secours, sans consolation, pressé
au contraire par les remords que lui donnoit le souvenir
de ses crimes récens, qu'il voyoit être la cause
du funeste état où il se trouvoit réduit. C'est dans ces
circonstances, raconte M. Tissot, qu'ayant ouï parler
de lui, j'allai moi - même le voir: j'apperçus un
cadavre étendu sur la paille, morne, défait, pâle,
maigre, exhalant une puanteur insoutenable, presqu'imbécille, & ne conservant presqu'aucun caractere
d'homme, un flux involontaire de salive inondoit
sa bouche, attaqué d'une diarrhée abondante il
étoit plongé dans l'ordure. Ses narines laissoient
échapper par imervalles un sang dissous & aqueux;
le désordre de son esprit peint dans ses yeux & sur
son visage étoit si considérable qu'il ne pouvoit dire
deux phrases de suite. Devenu stupide, hébêté, il
étoit insensible à la triste situation qu'il éprouvoit.
Une évacuation de semence fréquente sans érection
ni chatouillement, ajoutoient encore à sa foiblesse
& à sa maigreur excessive; parvenu au dernier degré
de marasme, ses os étoient presque tous à découvert
à l'exception des extrémités qui étoient oedémateuses;
son pouls étoit petit, concentré, fréquent;
sa respiration gênée, anhéleuse; les yeux
qui dès le commencement avoient été affoiblis,
étoient alors troubles, louches, recouverts d'écailles
(lemosi) & immobiles: en un mot, il est impossible
de concevoir un spectacle plus horrible. Quelques remedes toniques employés diminuerent les
paroxismes convulsifs, mais ils ne purent empêcher
le malade de mourir quelque tems après ayant tout
le corps bouffi, & ayant commencé depuis longtems
de cesser de vivre. On trouve plusieurs autres
observations à - peu - près semblables dans différens
auteurs, & sur - tout dans le traité anglois dont nous
avons parlé, & dans l'ouvrage intéressant de
M. Tissot. Il n'est même personne qui ayant vécu
avec des jeunes gens n'en ait vû quelqu'un qui,
livré à la manustupration, n'ait encouru par - là des
accidens très fâcheux; c'est un souvenir que je ne
rappelle encore qu'avec effroi, j'ai vû avec douleur
plusieurs de mes condisciples emportés par cette criminelle
passion, dépérir sensiblement, maigrir, devenir
foibles, languissans, & tomber ensuite dans
une phthysie incurable.
Il est à remarquer que les accidens sont plus
prompts & plus fréquens dans les hommes que dans
les femmes; on a cependant quelques observations
rares des femmes qui sont devenues par - là hystériques,
qui ont été attaqués de convulsions, de douleurs
de reins, qui ont éprouvé en conséquence des
chûtes, des ulceres de la matrice, des dartres, des
allongemens incommodes du clitoris: quelques - unes
ont contracté la fureur utérine: une femme à Montpellier mourut d'une perte de sang pour avoir soutenu
pendant toute une nuit les caresses successives
de six soldats vigoureux. Quoique les hommes fournissent
plus de tristes exemples que les femmes, ce
n'est pas une preuve qu'elles soient moins coupables;
on peut assurer qu'en fait de libertinage les
femmes ne le cedent en rien aux hommes; mais répandant
moins de vraie semence dans l'éjaculation,
[p. 54]
excitée par le coït ou par la manusiupration, elles
peuvent sans danger la réitérer plus souvent: Cléopatre & Messaline en fournissent des témoignages sameux
auxquels on peut ajouter ceux de la quantité
innombrable de nos courtisannes modernes, qui sont
aussi voir par - là le penchant effréné que ce sexe a
pour la débauche.
Réflexions pratiques. Quelqu'inefficace que soient
les traitemens ordinaires dans les maladies qui sont
excitées par la manustupration, on ne doit cependant
pas abandonner cruellement les malades à leur déplorable
sort, sans aucun remede. Quand même on
seroit assuré qu'ils ne peuvent opérer aucun changement
heureux, il faudroit les ordonner dans la vûe
d'amuser & de tranquilliser les malades; il faut seulement
dans les maladies qui exigent un traitement
particulier, comme l'hydropisie, la manie, l'épilepsie,
&c. éviter avec soin tous les médicamens
forts, actifs, échauffans, de même que ceux qui relâchent,
rafraîchissent & affadissent trop; la saignée
& les purgatifs sont extrèmement nuisibles; les cordiaux
les plus énergiques ne produisent qu'un effet
momentané, ils ne diminuent la foiblesse que pour un
tems, mais après que leur action est passée elle devient
plus considérable. Les remedes qu'une observation
constante a fait regarder comme plus appropriés,
comme capables de calmer la violence des
accidens & même de les dissiper lorsqu'ils ne sont pas
invétérés, sont les toniques, les legers stomachiques
amers, & par - dessus tous le quinquina, les eaux
martiales, & les bains froids dont la vertu roborante
est constatée par plus de vingt siecles d'une heureuse
expérience. Quelques auteurs conseillent aussi le
lait; mais outre que l'estomac dérangé de ces malades
ne pourroit pas le supporter, il est très certain
que son usage continué affoiblit. Hippocrate a prononcé
depuis long - tems que le lait ne convenoit point
aux malades qui étoient trop exténués (Aphor. 64.
lib. V.); la moindre réflexion sur ses effets suffiroit
pour le bannir du cas présent. VoyezLait. Le régime
des malades dont il est ici question doit être sévere,
il faut les nourrir avec des alimens succulens
mais en petite quantité; on peut leur permettre
quelques gouttes de vin pourvû qu'il soit bien bon &
mêlé avec de l'eau qui ne sauroit être assez fraîche;
on doit de même éviter trop de chaleur dans le lit,
pour cela il faut en bannir tous ces lits de plumes,
ces doubles matelats inventés par la mollesse & qui
l'entretiennem. L'air de la campagne, l'équitation,
la fuite des femmes, la dissipation, les plaisirs qui
peuvent distraire des idées voluptueuses, obscènes,
& faire perdre de vûe les objets du délire, sont des
ressources qu'on doit essayer & qui ne peuvent qu'être
très - avantageuses, si la maladie cst encore susceptible
de soulagement.
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