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Le Old English (Vieil anglais ou anglo-saxon) De 700 à 1100 |
La période du vieil anglais (anglo-saxon) s'étend d'environ l'an 700 (date des premiers textes écrits en anglo-saxon, vers 680) jusqu'au XIe siècle. Aux Anglo-Saxons déjà installés en Bretagne, dautres peuples germaniques les rejoignirent, notamment les Jutes du Jutland (Danemark), puis un certain nombre de Frisons. Les Jutes ayant investi la partie méridionale de l'île de la Bretagne ainsi que l'île de Wight (au sud), les Angles s'établirent au nord de l'Angleterre, tandis que les Saxons s'installèrent au sud-ouest après avoir confiné les Celtes à l'ouest (pays de Galles et Cornouailles). Les nombreux royaumes germaniques fusionnèrent à la suite des guerres, effaçant les traces de l'organisation romaine et substituant la terre des Angles et des Saxons à la Britannia. Après la christianisation des Gallois et des Irlandais au Ve siècle, puis des Écossais au VIe siècle, les royaumes saxons furent évangélisés sous le règne du pape Grégoire le Grand (590-604). |
Depuis le règne d'Ethelbert de Kent (560-616), un roi
pouvait être reconnu comme Bretwalda, c'est-à-dire «roi de Bretagne». De
manière générale, le titre revint, au VIIe siècle, aux rois de
Northumbrie, au VIIIe siècle à ceux de Mercie et enfin au
IXe
siècle à Egbert de Wessex dit le Grand.
Tandis que les anciens peuples celtes étaient refoulés à louest de la Bretagne (voir la carte de la Britannia), les Vikings revinrent aux VIIIe et IXe siècles en faisant disparaître les royaumes saxons, sauf le Wessex. L'Angleterre resta sous la domination des Wessex. Par la suite, les Danois s'installèrent dans l'est de l'Angleterre et créèrent un royaume, le Danelaw (< Danalagu: «région où sévit la loi danoise»), c'est-à-dire tout le territoire situé au nord de Watling Street, qui va de Londres à Chester. Pendant les IXe et Xe siècles, la rivalité fut permanente entre le royaume danois et la dynastie anglo-saxonne, jusqu'à ce qu'Édouard le Confesseur, après avoir restauré la prépondérance saxonne, renoue des relations avec les ducs de Normandie. En même temps, les Vikings avaient apporté de nouveaux mots nordiques, puisqu'ils parlaient le vieux norrois. Il s'agit d'une trentaine de mots, dont call (< vieil anglais ceallian: «crier», «appeler»), fellow (< feolaga: «partenaire», «compagnon»), husband (< vieil anglais hūsbonda: «maître de la maison», «mari»), law (< vieil anglais lagu: «poser», «établir»), wrong (< vieil anglais wrangr: «de travers», injuste», «erroné»), etc. |
Au IXe siècle, grâce en partie à l'influence d'Alfred le Grand (roi anglo-saxon du Wessex, entre 871 et 878), les rois des Saxons occidentaux devinrent les premiers souverains de toute l'Angleterre, et le saxon occidental, la langue dominante de la littérature en prose. Ainsi, Boewvulf est un long poème de 3000 vers décrivant en vieil anglais les exploits d'un héros danois aux prises avec un monstre à forme humaine.
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Le Xe
siècle vit la régression des Vikings, avec la perte de la Mercie au nord, de l'East
Anglia , de l'Essex et de la Northumbrie. Pendant ce temps, lÉglise catholique avait
poursuivi la christianisation de la
région et ramené le latin. Il s'ensuivit une période de grand rayonnement pour
l'Église dont saint Bède le Vénérable, auteur d'une Histoire ecclésiastique
des Angles (latin: Historia Ecclesiastica Gentis Anglorum; anglais:
Ecclesiastical History of the English People), est devenu la personnification
de cette époque. Langlais qui résulte de ce croisement fut alors
mêlé de mots du latin, du saxon et du
vieux norrois (langue nordique). Cest daprès les noms de ces guerriers venus de lAllemagne et du Danemark quon désigna comme l'anglo-saxon la langue germanique qui représente la première période de langlais (ou Old English). La langue anglo-saxonne de ces peuples restait fragmentée en diverses variétés dialectales. |
Au plan linguistique, ces royaumes germaniques donnèrent naissance à la constitution de trois grands dialectes attestés en vieil anglais:
Le territoire occupé par les Angliens (Angli en latin) était nommé Anglia et leur langue, englisc (d'où English). Arrivés du Danemark, les Jutes s'installèrent principalement dans le Kent, alors que les Saxons se fixèrent dans la région dont le nom conserve encore vivant leur souvenir (Sussex: Saxons du Sud; Wessex: Saxons de l'Ouest; Essex: Saxons de l'Est). Les Angles, de leur côté, occupèrent une zone allant des bords de la Tamise jusqu'aux Basses Terres d'Écosse (Lowlands). Ce peuplement explique en partie la diversité des parlers du Old English: saxon occidental, saxon méridional, saxon oriental, kentois, mercien et northumbrien, ces deux derniers composant l'anglien. L'alphabet utilisé alors est connu sous le nom d'alphabet runique. |
Le vieil anglais (ou anglo-saxon ou Old English) avait la structure des langues germaniques de l'époque. Il correspondait à ce qu'on appelle une «langue flexionnelle», caractérisée par des «verbes forts» et des «verbes faibles», un nombre duel pour les pronoms (par exemple, une forme pour «nous deux» et une autre pour «nous»), deux déclinaisons différentes pour les adjectifs, quatre déclinaisons pour les noms et des distinctions grammaticales de genre (mais la répartition de celui-ci était généralement arbitraire). Voici un exemple de flexion du vieil anglais à partir de «the/this strong prince»:
Nominatif sing. | sē truma æðelingø | Nominatif pluriel | þā truman æðelingas |
Accusatif sing. | þone truman æðelingø | Accusatif pluriel | þā truman æðelingas |
Génitif sing. | þæs truman æðelinges | Génitif pluriel | þāra trumra æðelinga |
Datif sing. | þæs truman æðelinge | Datif pluriel | þæm trumum æðelingum |
Grâce à ces flexions, l'ordre des mots était beaucoup plus libre que dans la langue anglaise d'aujourd'hui. L'utilisation des préposition était également moins fréquente. Terminons avec un exemple de phrase en Old English :
Vieux norrois | Vilt þu selja mer þin klæði min goðr maðr? |
Old English | Wilt þu sellan me þin clæð, godman min? |
Anglais moderne |
Will you give me your jacket, my good man? |
Français | Me donnerez-vous votre veste, mon bon monsieur? |
Comparativement à l'anglais moderne, le vieil anglais (ou anglo-saxon) possédait un vocabulaire qui paraîtrait aujourd'hui limité, l'inventaire du vieil anglais comptant environ 24 000 unités lexicales contre au moins 500 000 en anglais contemporain, sinon un million. Il faut d'abord préciser qu'une grande partie du vocabulaire du Old English et du vieux norrois des Vikings était identique, sans toutefois aller jusqu'à prétendre que l'intercompréhension entre les deux langues était aisée. Dans la langue anglaise moderne, on compte environ un millier de mots ayant conservé les traces de leur origine scandinave héritée du vieux norrois:
Mots anglais d'origine scandinave |
Sens actuel |
Mots anglais d'origine scandinave |
Sens actuel |
bag (peut
provenir du vx fr. bagge) birth blend both bread bull |
sac naissance mélange les deux pain taureau |
law leg lift (v.) link low muggy |
loi jambe soulever lien bas humide |
call (v.) cake crook die (v.) egg flat |
appeler gâteau crochet/escroc mourir oeuf plat |
raise (v.) rim root same scale score |
élever bord racine même balance encoche/vingtaine |
gate give(v.) guest happy husband kid knife |
voie donner invité heureux époux/mari chevreau/gamin couteau |
scrape (v.) seem (v.) sister sky smile steak Thursday |
racler sembler soeur ciel sourire steak jeudi |
L'emprunt de certains mots a donné naissance à quelques doublets en anglais standard: whole / hale, no / nay, shirt / skirt, screak / screech, edge / egg.
Le vieil anglais a aussi emprunté un certain nombre de noms propres (Belfast, Cardiff, Dublin, Glascow, Avon, etc.) aux langues celtiques, ainsi que plusieurs noms communs, dont bannock («pain d'avoine»), cart («charrette»), down («duvet») et mattock («pioche»). La plupart des mots d'origine celtique de l'anglais moderne, c'est-à-dire des mots tirés du gallois, du gaélique écossais ou de l'irlandais, sont des emprunts relativement récents.
Dès cette époque, les mots d'origine latine sont déjà nombreux : on en compte environ 150, dont plusieurs sont en réalité dérivés du grec: altar («autel»), mass («messe»), priest («prêtre»), psalm («psaume»), pear («poire»), etc. L'introduction de la plupart de ces mots provient de la propagation du christianisme, puisqu'il s'agissait souvent de termes religieux. N'oublions pas qu'à l'époque les membres du clergé et les lettrés se servaient du latin et que, pour les usages savants, on n'hésitait pas à recourir au grec. Cette latinisation de l'anglais enrichira la langue de nombreux mots et donnera une «coloration méditerranéenne» à cette «langue nordique».
Il faut aussi ajouter une quarantaine de mots d'origine scandinaves introduits par les Vikings qui envahirent la Bretagne à plusieurs reprises: le verbe are («sont»), take («prendre»), cut («couper»), both («les deux»), ill («malade»), ugly («laid»), etc. Évidemment, l'écriture se modifia énormément, mais on reconnaît encore certains de ces mots: deor (< deer: «chevreuil»), scort (< short: «court»), disc (< dish: «plat»), môna (< moon: «lune», sunne: < sun: «soleil»). Toutefois, d'autres mots sont plus méconnaissables en Old English en raison de leur apparence celtique: eorðe (> earth: «terre»), cniht (> knight: «chevalier»), cyning (> king: «roi»), wicu (> week: «semaine»), gærs (> grass: «gazon»), costung (> temptation: «tentation»). Signalons que beaucoup de mots du Old English ont survécu et sont demeurés quasi intacts encore aujourd'hui: feet, geese, teeth, men, women, lice, mice, etc.
À l'aube du XIe siècle, le vieil anglais était une langue qui, tout en se distinguant déjà par ses influences celtiques et gréco-latines, restait résolument une langue germanique. La période qui suivra apportera des transformations autrement plus importantes et qui rendront l'anglo-saxon de la période suivante presque méconnaissable par rapport à la précédente.
Histoire de la langue anglaise
Section 1: Les
origines de l'anglais Section 2: vous êtes ici Section 3: Le Middle English Section 4: Le Modern English Section 5: Bibliographie |