Ni chanteur ni rappeur, Yamê fait du Yamê et ne ressemble à personne. Sacré Révélation de l’année aux plus récentes Victoires de la musique, vedette de TikTok et roi de l’écoute en ligne, l’artiste franco-camerounais à la voix aérienne concocte des mélodies qui transpercent l’âme de millions d’auditeurs. Il se produira pour la première fois à Montréal, deux soirs au Club Soda dans le cadre des Francos. Nous avons discuté avec lui de son ascension.

Autodidacte

Depuis qu’il est petit, Yamê a deux grands intérêts : l’informatique (sa mère est informaticienne) et la musique (son père est musicien). « En parallèle de mes études, raconte-t-il au téléphone d’une voix affable, je faisais de la musique par passion. J’allais en jam-session, j’apprenais sans suivre de cours. » Il a terminé ses études, commencé à travailler dans son domaine… puis la pandémie et le confinement sont arrivés.

« J’ai eu un petit déclic : je me suis dit que je préférerais vivre ma passion comme un métier, plutôt que d’avoir un métier pour financer ma passion ! » Il publie des reprises piano-voix sur TikTok, dont une version de La bohème, qui deviennent virales, écrit de premières chansons qui sont plus à consonance rap, comme en témoigne son premier EP Agent 237, puis finit par trouver son style.

« Je créais plus ce que j’aimais écouter, et j’ai mis du temps à trouver ce qui me correspondait musicalement. Peu à peu j’ai compris où je devais mettre le curseur. Et ça a eu du succès, et maintenant je suis en tournée, quoi ! »

L’effet Bécane

Propulsée par la plateforme allemande Colors, c’est son incroyable chanson Bécane – plus de 72 millions de vues sur YouTube depuis sa sortie en juin 2023, et 119 millions d’écoutes sur Spotify ! – qui lui donnera un immense coup de visibilité. Son album Elowi sort en octobre 2023, et plusieurs chansons qui y figurent accumulent également les millions d’écoutes.

Mais à 31 ans, Yamê ne trouve pas que ça va trop vite. « Ça va avec la vitesse du temps actuel ! », dit celui qui se tient à jour de toutes les innovations technologiques et se nourrit de la culture geek. « De toute façon, l’univers geek parle à tous les niveaux de la vie aujourd’hui. Celui qui ne le maîtrise pas va vite être dépassé par le monde qui arrive, et c’est tant pis pour lui. »

De Stromae aux Victoires

Les tapes dans le dos ont été nombreuses déjà depuis ses débuts. Le producteur réputé Timbaland a ajouté des ingrédients sur une de ses chansons, Stromae l’a invité à faire cinq de ses premières parties au printemps 2023… « Je l’écoute depuis longtemps, je regardais ses tutos, j’ai suivi sa carrière… C’est un puits d’expérience et d’inspiration. Pour moi, c’est aussi un exemple de la manière dont la chanson francophone peut se défendre dans le monde. »

La Victoire de la Révélation masculine, début 2024, est une « reconnaissance » de la part de ses pairs qui le rend fier. « Je voyais les Victoires à la télé quand j’étais petit, c’était grand, prestigieux ! Il y a un mérite, un privilège à recevoir une Victoire. Et ça m’a permis de chanter mon son, Bécane, à grandeur d’écoute ! C’est vraiment une expérience incroyable, et une étape dans notre projet, qui est un projet d’amis à la base, et qui a vite grossi. »

Mélodies

Le titre de l’album de Yamê, Elowi, signifie « Ce qui n’est pas visible » en mbo’, langue parlée dans plusieurs régions du Cameroun. Mais que ne voit-on pas exactement ? « On se pose souvent la question si je fais du rap ou de la chanson… Mais il y a quelque chose qu’on ressent, un mood, une émotion, qui fait que les gens aiment ma musique. Il y a des adultes qui me disent : “Moi, j’aime pas le rap, mais là, c’est cool.” Puis des jeunes qui me disent : “D’habitude j’écoute que du rap, mais là, j’aime bien.” Ces deux personnes ont quelque chose en commun, qu’elles ne savent pas définir… C’est ça que ça veut dire, elowi»

Yamê s’inspire de tous les styles de musique, du jazz au hip-hop au R’n’B, aime écouter autant des airs arméniens que du gnaoua maghrébin, et intègre tout ça à sa musique. Au-delà des paroles, c’est dans la mélodie que se concentre l’émotion. « La mélodie, c’est un message qui est tout de suite compris. Plus que les textes, qui peuvent souvent être mal interprétés. »

La tournée

C’est certainement la sensibilité de son interprétation, la puissance de ses mélodies et la particularité de sa voix très haute qui permettent à Yamê de donner des spectacles partout en France – il fait littéralement le tour des festivals –, mais aussi autant à Berlin et à Oslo qu’à Rabat et à Londres. Il se produit cet été pour la première fois en Amérique du Nord, et devait passer par New York avant de débarquer pour deux soirs à Montréal.

« J’ai hâte. C’est comme arriver dans un nouveau monde dans un jeu vidéo ! Tout est à refaire, mais différemment. » S’imaginait-il voyager à ce point avec sa musique ? « Pas du tout. Mais… j’ai toujours été un rêveur, alors il y a toujours eu une partie de moi qui se disait : tu sais quoi, on va faire un truc qui va exploser, tellement incroyable que ça va aller jusqu’à l’autre bout du monde. Mais il s’en est passé plus que j’imaginais. »

La suite

D’ici la fin de 2024, Yamê continuera à se produire un peu partout sur scène, et fera même son premier Olympia de Paris en février 2025. Ce sera aussi l’année d’un autre album. « Je suis en écriture, toujours ! » Quand il regarde les chiffres qui illustrent son succès, il les relativise – « Je sais la volatilité des abonnés » – et n’a pas le vertige. « C’est plutôt encourageant… Et c’est que le début ! »

PHOTO OJOZ, FOURNIE PAR BELIEVE FRANCE

L’artiste Yamê

Pas question non plus de se faire arranger les dents – ses deux incisives, qu’il a perdues à 5 ans lors d’une chute, alors qu’il avait toujours ses dents de lait, n’ont jamais repoussé. « J’aurais le choix, je pourrais faire quelque chose ! Mais ç’a toujours été mon signe distinctif, même avant de faire de la musique, qu’il me manquait des dents. » Cela fait donc partie maintenant de son histoire – il parle d’ailleurs souvent de ses « chicots » dans ses chansons. « Oui ! Ça n’empêche pas que peut-être, plus tard, je me ferai refaire les dents… et je perdrai tout mon charme ! »

Yamê est en spectacle ce samedi 15 juin et le dimanche 16 juin, à 20 h, au Club Soda

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