Le signe de croix et autres rituels

Nous allons parler du signe de croix comme rituel dans le christianisme et dans les sociétés que celui-ci a contribué puissamment à modeler. On peut être tenté, de prime abord, d’y voir une pratique assez sommaire qui invoque, en dévotion parfois automatique, le supplice de Jésus-Christ. On se tromperait pourtant à en ignorer, paresseusement, la complexité. Il n’est rien de simple, en effet, dans le geste dont il s’agit, comme l’a montré, de façon à la fois subtile et profonde, Jean-Claude Schmitt, à qui rien n’est étranger des pratiques religieuses du Moyen Âge. Directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales, il a développé de longue date une réflexion à ce sujet, parmi de multiples travaux consacrés aux images, aux rythmes, aux émotions de ce lointain passé. Avec lui, on découvre qu’étudier le signe de croix des origines jusqu’aux temps modernes, et - pourquoi pas ? - jusqu’aujourd’hui, c’est considérer la manière dont l’Église en a fait un instrument de son autorité, dans le détail de ses prescriptions, au quotidien de la vie des puissants comme de celle des humbles, depuis leur naissance jusqu’à leur mort. Mais c’est aussi observer la façon dont les fidèles, qu’ils fussent prêtres, moines ou laïcs, ont vécu intimement, subjectivement, la pratique de ce geste identitaire. Car le signe de croix n’est pas seulement une bénédiction, il représente aussi un effort d’autoprotection. Tout cela se développe, d’âge en âge, avec de remarquables variations selon les époques et selon la situation sociale de chacun. Au surplus, si ce geste spécifique impose toujours sa prééminence par rapport à d’autres rituels, leur proximité n’est pas sans incidence sur celui dont nous allons tâcher d’éclairer la complexité.

ARCHIVES

"Le signe de croix", KTO, Honorine Grasset, 12 septembre 2021.

La main dans la liturgie racontée par le Père Chanut, "Nuits magnétiques", de Catherine Soullard, réalisation d'Isabelle Jeanneret, 17 mars 1995.

Juliette Gréco, Les Croix, paroles de Louis Amade et musique de Gilbert Bécaud, 1953.

Affaire de sorcellerie à Châteauponsac, "Interactualités", 20 février 1963.

Bénerville : bénédiction des voitures, journal télévisé de France 3 Basse-Normandie, Anne-Marie Baillarge, 25 juillet 1993.

Barbara, Chapeau bas, 1964.

BIBLIOGRAPHIE

Jean-Claude Schmitt, Les Images médiévales : La figure et le corps, Gallimard, 2023.

Jean-Claude Schmitt, La Raison des gestes dans l'Occident médiéval, Gallimard, 1990.

Jean-Claude Schmitt, Les Rythmes au Moyen Âge, Gallimard, 2016.

Jean-Claude Schmitt, Le Corps, les Rites, les Rêves, le Temps. Essais d'anthropologie médiévale, Paris, Gallimard, 2001.

Le cloître des ombres, suivi du Livre des révélations par Richalm de Schöntal, traduction par Jean-Claude Schmitt et Gisèle Besson, Paris, Gallimard, coll. "Bibliothèques des histoires", 2021.

Jean-Claude Schmitt, Les Revenants. Les Vivants et les Morts dans la société médiévale, Gallimard, coll. Bibliothèque des histoires, 1994.

Jean-Claude Schmitt, Le Corps des images. Essais sur la culture visuelle du Moyen Âge, Paris, Gallimard, 2002.

Jean-Claude Schmitt, La Représentation de l’espace et l’Espace des images au Moyen Âge, Haute École d’Art et de Design, 2011.

" L'expérience sensible", L'Homme, Revue française d'anthropologie, 247-248, EHESS, 2024.

Thierry Grillet, Petit traité du geste. Pour la beauté du sport, Presses de la Cité, 2024.