Le passé vous fait parfois des clins d'œil. Engagé dans la Royale en 1969, logé à Recouvrance, j'ignorais que cent ans exactement avant moi, un membre de ma famille avait effectué le même parcours. Mais là bifurquent nos chemins bifurquen. Et c'est tant mieux. Musicien des équipages de la flotte, Camille Mainberte fonda une famille au destin tragique...
Bûcheron à ses heures, râleur à plein temps, mon arrière-grand-père, Pierre Mainberte, vécut à Jumièges et à Yainville. Il ne croisait donc pas son oncle Auguste tous les jours. Celui-ci avait l'originalité d'être l'unique représentant de la famille Mainberte a s'être établi sur la rive gauche de la Seine, section d'Heurteauville.
Journalier, pêcheur à l'occasion, l'oncle Auguste avait eu de Reine Rose Bocachard huit enfants plus ou moins vigoureux. Quand naquit mon arrière-grand-père, en 1842, seuls deux de ses cousins avaient survécu : Camille, un garçon et une fille au prénom mal défini. C'était encore fréquent. Enfin un dernier enfant vint au foyer de cet oncle mais mourut à 5 ans.
Passèrent les années. Et mon arrière grand-père devait être encore bien jeune, 12 ans peut-être, quand son cousin Camille embrassa longuement ses parents de l'aut' côté d'liau. En 1856, il quitta Heurteauville pour Brest.
Engagé dans la RoyaleLe 1er avril 1861, alors âgé de 25 ans et matelot depuis cinq années, Camille Mainberte épouse Emilie Houzé, la fille d'un second-maître charpentier bien brestois, un Ti Zef comme on dit dans la cité du Ponant. Ce "bœuf"', surnom des seconds, n'avait pas été gâté par le destin. Sous Napoléon, il avait 4 ans quand son père passa par-dessus bord. Une fois marié, affecté à Toulon, sa femme vint à mourir. Alors, il s'en retourna à Brest et se remaria.
Emilie, sa fille du premier lit, a 17 ans lorsqu'elle épouse notre cousin venu de Normandie. Le consentement des parents du marié fut passé devant Me Bicheray, notaire à Jumièges, le 3 mars 1861. Il fallut aussi l'autorisation du conseil d'administration des équipages de la flotte. Le préfet maritime d'alors était le vice-amiral Gueydon dont on prononce toujours le nom dans une fameuse chanson. Tous Brestois, les quatre témoins des mariés sont Jean Nicolas André, écrivain de Marine, 37 ans, beau-frère du marié, Bris Rivoal, 63 ans et Paul Abgrall, 53 ans, tous deux retraités de la Marine, enfin Ambroise Godoc, 33 ans, menuisier au port,
Le couple s'établit au 20 de Bel-Air, à Recouvrance et c'est là que leur vint un premier fils, Julien. Camille Mainberte était alors attesté comme musicien de la Marine. Depuis quand ? Et puis comment ? Oui, comment ce fils de modeste journalier d'Heurteauville a-t-il été versé dans cet orchestre d'harmonie exigeant et à quel pupitre ? Lorsqu'il quitta son pays, la clique des pompiers de Jumièges n'était pas encore née. | Fifres, tambours... à bord comme à quai, la Marine et ses régiments ont toujours aligné des musiciens. Mais de façon empirique. C'est en 1827 que sont officiellement créés deux orchestres, l'un à Brest, l'autre à Toulon, d'abord composés de 27 exécutants. Ils seront par la suite formés de 30 sédentaires renforcés par 40 navigants. |
C'est sur cette place, dotée d'un kiosque à partir de 1890, que se produisent quasi-qutidiennement les musiciens des différentes armes. Après la Première guerre, le lieu prendra le nom du Président Wilson.
On a une idée du répertoire de la
formation à laquelle appartient Mainberte. Un exemple pris au hasard : le 5 avril 1863, à 14h, sur
le Champ-de-Bataille, cinq morceaux sont au programme : Allegro
militaire, Ouverture de Sainte-Cécile, Air du 4e acte de la Juive
(Halévy), tous par L.C. Pas de deux de Gisette, ballet d'Adolphe
(Adam) par Goard enfin Natchtigal, polka allemande, par Moos.
L.C.,
ce son les initiales de Léon
Chic, le chef de la formation qui a grade d'enseigne de vaisseau.
Né
à Oviedo en 1819 d'un chef de musique espagnol d'origine
française,
il commence sa carrière dans la Royale dans la station du
Brésil et des mers du sud dirigée par l'amiral Leblanc.
Apprenti marin,
il fut chef de musique à bord du Minerve de décembre 1836
à avril 1840. Il fut ensuite cinq ans musicien gagiste au sein du 3e
bataillon d'Infanterie de Marine. En 1949, son Ouverture de
Sainte-Cécile est
couronnée par le Minisère de la Guerre qui
le bombarde chef de la musique de la flotte à Brest en 1850.
Dès lors,
il alternera les périodes à la Division avec de brefs
embarquements. Il se sent si bien à Brest, inspiré
notamment par la musique bretonne, qu'il décline la
direction de la Musique de la garde impériale. En 1858, en tout
cas, Napoléon III lui épingle la
Légion
d'Honneur. Il sera aussi chevalier de Saint-Stanislas, officier de
l'Instruction publique, baguette d'honneur du congrès
scientifique
de 1872. Vivant en compagnie de sa sœur Cécile,
frappé par la limite d'âge, il prendra
sa
retraite de la Marine en 1879 mais demeurera créatif dans le
champ
musical. Deux ans après sa compagne, il mourra à Brest en
1916 rue
Voltaire, laissant derrière lui plus de 400 compositions et
adaptations des grands maîtres classiques et modernes mais aussi
des hymnes nationaux dont les arrangements resteront
réglementaires dans la Marine. Voilà donc l'homme
à qui Camille Camille Mainberte doit
le respect. Il aura été parmi les 600 musiciens formés par ses soins.
Le champ-de-Bataille pour cadre, cinq morceaux sur les pupitres, durant plusieurs années, le même type d'annonce se reproduit dans les colonnes de la presse locale, notamment L'Armoricain. La place du Champ-de-Bataille possède un kiosque. L'orchestre se produit aussi sur le Cours d'Ajot, les diverses places publiques et lors des grands événements en ville. On le voit par exemple au champ de course lors des grandes réunions hippiques. Bref, la musique des équipages est un acteur culturel incontournable de la ville de Brest.
Musicien, Joseph Marius Didelot, 40 ans, est choisi comme témoin lorsque l'épouse de Camille accouche d'un troisième enfant en mars 1864. Quel est l'emploi du temps d'un membre de la musique ? Il est plutôt chargé. La variété des morceaux donnés au public et leur complexité suppose des heures de répétitions. Le mardi 22 novembre de cette année-là, Mainberte est sans doute à l'église de Notre-Dame-du-Mont-Carmel pour fêter sainte Cécile. Après une messe chantée par Lécureux, la Musique interprète trois morceaux religieux arrangés par Chic. On quête pour l'association des artistes musiciens de France.
Le 7 juillet 1865, l'orchestre ouvre un concert au Grand Théâtre avec La Folle des Grèves. En décembre, le jour de la Sainte-Eugénie, il accompagne un chœur d'enfant qui chante l'hymne des marins au profit des pupilles de la Royale. La musique est de l'abbé Liszt, les paroles du commissaire général Guichon de Grandpont. Le pape lui a même rajouté des strophes...
Le 24 août, la formation anime un bal réunissant toute la bonne société brestoise en l'honneur des officiers de l'escadre anglaise à bord de la Ville de Lyon, mouillée à l'entrée de la Penfeld : " Au centre, à la place des cheminées de la machine, on aperçoit une corbeille garnie de fleurs, élevée de plusieurs mètres, et dans laquelle était assis le corps de musique des équipages de la flotte, exécutant des quadrilles, des valses, des polkas, etc. Sur le fronton de la corbeille et dans un enfoncement soutenu par des colonnades, se tenaient immobiles, appuyés sur leurs fusils, quarante pupilles de la marine qui, d'heure en heure, se relevaient."
En novembre 1865, le couple Mainberte habite cette fois 20, rue de Bouillon et s'est rapproché de la Penfeld. Il lui vient un fils qui connaîtra une fin tragique, comme nous le verrons..
En avril 1866, qualifiée de phalange d'élite, la Musique pariticipe à deux concerts au profit des artistes sinistrés. Verdi est notamment au programme.
Talent bien mal récompensé car en septembre 1868, le bruit court que les musiques militaires seront supprimées. A Brest, une pétition rassemble des milliers de signatures et suscite un démenti du Ministre de la Marine.
En novembre 1868, la formation de Léon Chic rend hommage au préfet maritime, le vice-amiral Dupouy, décédé en fonction. Elle défile en compagnie de la musique du 70e de ligne et la fanfare du 2e régiment d'infanterie de Marine.
En décembre 1868, le couple Mainberte est localisé au 1, rue de la Touche, toujours à Recouvrance. Là, un autre musicien, Thomas Rémy, 43 ans, est encore témoin de la naissance d'un nouvel enfant. Une fille cette fois. Clin d'œil du hasard : l'officier d'état civil est un futur sénateur, Edouard Marie Le Guen, avocat de son état. Clin d'œil car cet homme est propriétaire d'une maison qui, un siècle plus tard, sera mon tout premier logement personnel lorsque je serai à mon tour marin.
Ici semble s'achever la carrière de musicien de Camille Mainberte. Elle aura duré une dizaine d'années. Semble, car des disciples de sainte Cécile apparaissent encore dans son entourage. Quant aux successeurs de Chic, ils auront pour noms Léon Karren, J. Farigoul, Mayan, Michel Boher...
Changement de cap !Le 18 janvier 1871, Camille est maintenant gardien de port. Mais il fait encore appel à un musicien, Louis Flamand, pour la naissance d'une nouvelle fille.
En août 1872, nouveau changement de métier. Voilà Camille boulanger aux vivres. Mais c'est toujours un musicien, Jean-Jacques Saillour, 36 ans, qui est sollicité pour déclarer un enfant en mairie.
En 1873, Camille est menuisier aux vivres et l'on ne voit plus de musiciens donner l'aubade aux nouveaux nés de la famille.
En 1877, pour la naissance de leur dernier enfant, les Mainberte résident 29, rue de Saint-Malo. Camille est maintenant tonnelier aux vivres.
En 1882, Camille suivit forcément le développement d'un procès retentissant qui assigna un musicien de 1ère classe des équipages de la Flotte, François-Marie Le Carboullec, 21 ans de service. Il tenait aussi un café avec son épouse, rue de Siam. Le marin se croyant trompé, avait tenté de tuer à coups de révolver sa femme et son ami d'enfance, Le Roux, un maître menuisier,. Parmi les témoins : un autre musicien, Jean-Paul Naas, demeurant 2, rue de Sébastopol.
Prison maritime, conseil de guerre. Condamné à 5 ans de réclusion, bénéficiant de circonstances atténuantes, il se pendit dès son retour en cellule aux cordes de son hamac après avoir écrit une lettre d'adieu à ses enfants.
Les années avaient passé et l'aîné des enfants était maintenant en âge d'entrer comme son père dans la Royale. On pensa l'incorporer comme quartier-maître distributeur à bord du Limier. Il fut incorporé en 1884 et congédié trois ans plus tard. Dès lors, il fut inscrit maritime et sans histoire. A-t-il seulement été marié. Ouvrier sur le port, sa mort passa inaperçue au point que sa caisse de retraite cherchait toujours à lui verser sa pension après son décès, ne sachant son adresse...
Camille Mainberte et son épouse
habitaient au 33, rue Vauban, quand ils marièrent leur fille Louise
Ernestine, tailleuse, à un quartier-maître à la Division, Ernest
Le Moign. Nous étions en septembre 1887. Après ce moment de
bonheur, un drame déchire la vie des Mainberte.
Brun, les yeux "roux", il
mesurait 1,63 m et s'était engagé pour cinq ans dans les équipages
de la flotte le 23 avril 1885. Charles Joseph rengagea pour trois ans, étant
quartier-maître de mousqueterie, autrement dit fusilier marin, plutôt que timonier comme
l'avancera la Dépêche de Brest.
Ses embarquements ne sont pas précises dans son dossier
militaire. Mais l'on sait qu'il éait en dernier lieu à
bord du Borda.
Plusieurs
bâtiments de la Royale ont porté ce nom emprunté
à un chevalier gascon à l'origine entre autre du
système métrique. Si bien que Brest a sa rue Borda.
Ancien transporteur d'abord baptisé l'Intrépide,
celui qui nous intéresse, 4e du nom vient tout juste de remonter
de Toulon pour être affecté à l'école
navale. Charles-Joseph vient donc d'arriver à bord de ce navire
qui en impose par sa taille.
Nous le suivons rue Neuve-des-Sept-Saints. Nous sommes dans le quartier
chaud de Brest, un véritable coupe-gorge où se
multiplient les faits-divers. C'est là que sont
cencentrées les prostituées dans 26 maisons closes
accueillant en moyenne une huitaine de filles chacune. C'est sans
compter les indépendantes. En tout, le nombre de femmes galantes
dépasserait le millier. Voici le
compte-tendu du journal local du 19 août 1890 :
Suicide d'un quartier-maître dans une
maison de tolérance.— Deux coups de revolver. — Un
quartier-maitre de timonerie du Borda, le nommé Mainberte
(Charles-Joseph), âgé de 25 ans, s'est suicidé hier matin,
dans une maison de tolérance.
Avant-hier soir, Mainberte se
présentait chez le sieur Guillou, rue Neuve des Sept-Saints, 16. Après
s'être fait servir une bouteille de bière qu'il paya 60 centimes,
il demanda à coucher.
Mainberte n'avait plus d'argent. Comme
le patron refusait de l'héberger gratis, il tira sa montre en or et
la donna en gage de la somme de cinq francs, prix de l'hospitalité
qu'il réclamait. La chose se fit dans toutes les règles. Un
papier fut signé et Mainberte monta se coucher dans la chambre
occupée au 3e étage par la nommée Guyader (Joséphine).
Au
dire de cette fille, la nuit se passa sans encombre. A aucun moment,
le quartier-maître ne fit le moindre signe, la moindre allusion
pouvant trahir sa tragique résolution.
Au matin, Joséphine
Guyader pressa son compagnon de se lever. Mainberte refusa et déclara
qu'il voulait dormir jusqu'à une heure. A midi, heure du dîner,
elle renouvela ses instances et lui proposa de venir manger un
morceau. Il répondit qu'il voulait dormir et qu'il avait une
permission de quarante huit heures.
Devant ces refus
réitérés, la femme Guyader le laissa seul. C'est ce qu'attendait
Mainberte.
Dès qu'elle fut en bas, il arma un revolver do
poche dont il était muni, et, allongé sur le lit, dans un état
complet de nuditè, il s'en tirait deux coups, l'un dans la région
du coeur, l'autre dans la bouche. La mort fut instantanée.
Cependant, les détonations n'avaient pas été entendues du
rez-de-chausssée. Ce n'est que lorsque la femme Guyader eut fini de
dîner, que, remontant chez elle, elle sa trouva on présence du
cadavre.
Mainberte était méconnaissable. Le sang
s'échappait à flot de la blessure du coeur et du visage à demi
fracassé, la femme Guyader cria, et toute la maison accourut, tandis
qu'une des personnes présentes allait prévenir la police.
Le
commissaire du 2e arrondissement ne tarda pas à arriver, aiasi que
le docteur Béchon qui constata, comme nous le disons plus haut, que
la mort avait été instantanée.
Les constatations légales
terminées vers une heure et demie, un agent fut chargé d'aller
requérir un cadre à la porte Tourville. Grâce aux formalités
ordinaires, le cadre n'arriva qu'une heure après, porté par quatre
marins du Borda, conduits par un quartier-maître. On mit le cadavre
dessus et le funèbre cortège se dirigea vers l'amphithéâtre de la
marine, où le corps a été déposé.
Photo de Boëlle prise
quelques années après la mort de Charles-Joseph. Les
maisons closes, alignées derrière les ramparts, ont
été rasées avant la fin du siècle. La
prostitution s'est alors déplacée derrière
l'église Saint-Louis. (Archives de Brest).
Mainberte avait
réellement l'intention de mettre fin à ses jours. Le revolver dont
il s'est servi était neuf et l'on a retrouvé dans la poche de son
pantalon une assez grande quantité de cartouches, mais quels ont
été les mobiles de cette funeste détermination ?
De
l'enquête commencée et si nous sommes bien informés, il semble
résulter que le malheureux quartier-maître aurait dissipé une
somme de 87 francs, produit d'une quête faite parmi l'équipage du
Borda pour les incendiés de Fort-de-France. Prévenue de ce
détournement, sa mère aurait remboursé la dette, mais, ignorant
le fait et redoutant le consail de guarre, il se serait donné la
mort. Depuis trois jours,Mainberte n'avait pas répondu à l'appel de
son bord. Sa mère et son frère lecherchaient depuis avant-hier.
A
part cette erreur momentanée, que le pauvre garçon a cruellement
expiée, Mainberte passait pour être de fort bonne conduite.
Excellent marin, c'était en outre un très bon fils. Sa famille,
plongée dans un deuil doublement cruel, est des plus honorables.
Un grand nombre de curieux encombraient les abords de la rae
Neuve des Sept-Saints et de la rue de Siam au moment du transfert du
cadavre à l'amphithéâtre.
Deux agents de police,
Jacques Méar et
Léon Templier, firent la déclaration du
décès en marie tandis que l'on écrivit dans son
dossier militaire :
"décédé à Brest le 18 août 1890 des suites de blessures
causées par une arme à feu (suicide)". On imagine la douleur de la famille
Mainberte. Mais il leur restait une fille mariée et deux fils sur qui reposaient encore leurs espoirs
"L'Artillerie de Marine, voilà mes amours..." Un certificat d'études décroché dans le 3e canton de Brest le 30 juin 1887, les cheveux bruns, les yeux gris et 1,70 m sous la toise Julien-Marie Mainberte s'engage dans le 1er régiment d'Artillerie de Marine le 24 mars 1892. Ainsi débuta sa carrière militaire chez les Bigors, autrement dits les Bigorneaux, surnoms des artilleurs de marine accrochés à leurs rochers. Il allait faire la campagnes de Madagascar et y obtenir une Médaille, passer en Guyane, en Cochinchine, le tout de 1894 à 1910.
1894, c'est précisément l'année où le père, Camille, décéda à 58 ans au 33, rue Vauban. Jeune pour mourir. Le suicide de son fils René n'y est peut-être pas étranger.
Le 28 mai 1896, René, le dernier des Mainberte, s'engage son tour dans l'Artillerie de Marine, 2e régiment. C'était un garçon de 1,76, brun, présentant une cicatrice au front. On l'incorpora comme cononnier servant.
26 mars 1898, La Dépêche de Brest nous parle d'un Mainberte : Un deuxième détachement, composé comme suit, sera mis en route pour Lorient le 30 mars prochain, par le train de 8 h. 24, à l'effet de suivre les cours des élèves artificiers : un sous-chef artificier et cinq canonniers, et sera placé sons le commandement du sous-chef artificier Mainberte.
Le 21 janvier 1899, René Mainberte fut
nommé brigadier. Mais on
le cassa de son grade pour une raison qui nous échappe. Il redevint en tout cas canonnier en juillet par ordre
du commandant des troupes d'artillerie du Sénégal.
René fut stationné deux ans en Afrique, passant en fin de
campagne du 2e au 1er
régiment d'artillerie de Marine. Puis il fut dirigé sur
la Chine
en guerre. Neuf mois. On le libère en juin 1901. Dès
lors, il
travaille sur le port de Brest et habite la maison familiale du 33,
rue Vauban.
Le 18 novembre 1904, alors qu'elle demeurait
toujours rue Vauban,
la veuve Mainberte fut victime de maraudeurs qui volèrent des
marchandises évaluées à 5 F environ dans une
échoppe à fruits,
près de la porte du Conquet. Martin, le garde-champêtre
des
Quatre-Moulins, mena l'enquête. La demande d'indemnité de
la veuve
Mainberte fut rejetée. En 1909, elle se rapprocha de sa fille
Louise qui eut le malheur de perdre son mari. Ernest Le Moign avait 46
ans.
Adjudant au 1er régiment d'artillerie coloniale, Julien-Marie
quitta à son tour l'armée et, le 27 janvier 1912,
fut nommé après 20 ans de carrière
receveur-buraliste sur la place de Plaintel.
C'est un bourg où la culture bretonne demeure très
vivante,
notamment par les costumes, la danse des Guédennes qui voit les
hommes soulever très haut leur cavalière...
Médaillé militaire, Julien s'inscrit à la section
de Saint-Brieuc en juillet 1912, mois où il
se marie avec Geneviève Audirac.
Le 4 octobre 1914, alors que Julien-Marie, est rappelé, la veuve Mainberte rend l'âme chez sa fille Louise, veuve Le Moign, au 28 de la rue Armorique, à Recouvrance. Le buraliste de Plaintel fera toute la campagne de la Grande-Guerre jusqu'en 1919. Dans l'artillerie à pied puis l'artillerie lourde.
Mobilisé le 1er mai 1915,
2e canonnier servant au 6e régiment d'artillerie à pied. René, le
benjamin des Mainberte, ne reviendra pas. Il est tué à l'ennemi à Marbotte, dans la Meuse, le 6
octobre 1916. "Pendant un tir de ripose où il causait de graves
dommages aux tranchées ennemies, pris sous un feu de plusieurs
enfins allemands bien réglées, a continué à tirer jusqu'à ce
qu'il soit mortellement atteint." Ainsi sera-t-il cité à
l'ordre de son régiment comme chef d'équipe d'un obusier de 150
"d'un sang froid au dessus de tout éloge."
Rendu à la vie civile Julien Marie Mainberte monta en grade au sein du syndicat des buralistes. En août 1920, il est élu président des Côtes-du-Nord et apparaît dans les instances nationales, souvent cité dans la presse pour ses interventions en faveur de la profession. L'épouse Mainberte est quant à elle débitante et le couple a une domestique en 1921 en la personne d'Augustine Courcoux. Cinq autres débitants bordent la place. Plus tard, la maison Mainberte sera recensée non plus sur la place du bourg mais au marché aux porcs.
Nommé tour à tour à Douarnenez, Paimpol, Epernay, Mainberte déclinera systématiquement toute ces mutations et c'est à Plaintel qu'il est décédé en 1953, porteur de la Légion d'Honneur. A quel titre ? Son dossier reste muet. Mais on est sûr qu'il ne l'a pas volée.
Laurent QUEVILLY
« En tuant les valeurs, on tue les repères de la société ! ». Ce fut le cri d'un spectateur à l'issue du tout dernier concert de la Musique des Equipages de Brest à Dinard en janvier 2012. En disparaissant près de deux siècles après sa fondation, elle fusionnait avec celle de Toulon. Son dernier chef fut le capitaine de corvette Didier Descamps. Qui pleura ce jour-là.
N.B. Templier, l'un des policiers qui enquêta sur le suicide de Charles-Joseph Mainberte fut mordu par un Marsoin quelques mois plus tard dans la même maison hospitalière.
SOURCES
Archives de Brest. Avec un remerciement spécial à M. Courant pour son aide.
Archives des Côtes d'Armor, état civil et recensements de Plaintel.
La Dépêche de Brest, L'Armoricain, La Liberté, Le Ménestrel etc. Notons que le nom de Mainberte est estropié dans la Dépêche et celui du proxénète masqué.
Nos auteurs et compositeurs dramatiques, Jules Martin,