ELLE.fr. Comment est née la marque Mosaert ?

Stromae. Il y avait une envie d’aller au bout des concepts de l’album et de créer nos propres vêtements. Coralie m’a dit à juste titre qu’il n’y avait pas besoin de reprendre des tissus préexistants, qu’on pouvait créer nos propres imprimés, ce que je trouvais plutôt intéressant. Il y a une sorte de process qui s’est instauré, d’abord pour créer mes pièces de scène et de clip et finalement, l’envie de vraiment créer la marque. 

Coralie Barbier. Mosaert c’est un label. Il y a la musique, la vidéo, pourquoi pas le style finalement ? Le point de départ c’était vraiment l’envie de Paul [Van Haver, le vrai nom de Stromae, ndlr] d’avoir une cohérence entre son album et l’univers qui va avec. La vision graphique était aussi liée à ça. Au début, le thème c’était vraiment les chansons de Paul, trouver un motif qui pouvait à chaque fois être associé au thème de chaque chanson, puis à la scène, puis aux clips. Et la marque est venue se greffer à ça. C’est un produit auquel on croyait, on avait envie de faire autre chose que du merchandising. Pour nous c’était évident de commencer avec plus petit et ne pas produire cent mille T-shirts avec la tête de Paul dessus.

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                               © Benjamin Brolet

ELLE.fr. Vous dites que cette troisième capsule est une émancipation de l’univers Stromae. En quoi ? 

Coralie Barbier. C’était notre crainte d’être trop liés à l’univers musical de Stromae lors de la sortie de la première collection. C’est vrai qu’on profite de l’aura et on en est tout à fait conscients et reconnaissants. Mais après il y avait cette envie de la détacher de la musique. 

Stromae. J’ai beaucoup porté les vêtements. Ça ne me surprend pas que les gens n’aient pas envie de les mettre parce que ce sont les vêtements de Stromae. Automatiquement, on pense au total look alors qu’évidemment, le but c’est de le porter avec un jean ou ce qu’on veut. C’est sûr que c’est un peu voyant mais il y a moyen de l’atténuer avec autre chose. 

Coralie Barbier. Pour les premières capsules, les motifs étaient encore très attachés aux chansons et aux visuels. Ici, c’est vrai qu’il y a un petit tournant. Déjà, Paul n’a pas porté les pièces et on s’est détachés du côté full over print. On vient jouer avec des fleurs. La charte graphique reste la même, il y a toujours un pavage qu’on voit dans les bas des manches, mais ça tend vers la capsule n°4 qui est en création pour le moment. On aura toujours une charte graphique parce que se mettre des impératifs aide parfois à la création, mais on trouvera peut-être d’autres manières de créer nos imprimés. Parce que les imprimés c’est le truc qu’on garde, le truc auquel on croit. C’est vraiment la base de notre travail.

ELLE.fr. Vous avez conscience d’avoir influencé la mode masculine ? Ce côté preppy mais avec des imprimés très colorés…

Stromae. J’ai suivi une mouvance qui allait dans cette direction. Je n’ai pas eu l’impression que je faisais quelque chose de personnel. Après quand on voit les sapeurs [groupe de dandys au Congo, ndlr], ils n’ont jamais eu peur de la couleur. Peut-être que c’était moins présent chez nous et qu’on avait un peu oublié ce côté classique qui était démodé et qui revient à la mode. C’est ça qui est marrant. Ce qui m’a intéressé c’est la manière dont truc classique peut revenir plus actuel, anti-conventionnel. 

Coralie Barbier. On aime bien le contraste des deux. Des coupes classiques avec des imprimés super clash. Ça fait vraiment partie de l’ADN.

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                                © Benjamin Brolet

ELLE.fr. Comment vous organisez-vous pour créer ? Vous dessinez et comparez ensuite ? Vous discutez ?

Stromae. Je ne dessine pas du tout. 

Coralie Barbier. Il m’influence quand même pour les coupes. On se connaît assez bien donc quand je dessine, j’essaye de faire en sorte que ça lui plaise. Et lui vient avec plein de détails et plein d’idées qui moi, me permettent de créer. On emprunte aussi beaucoup de détails à la garde-robe de la femme. Il me bouscule parce qu’il vient avec des codes féminins pour l’homme. Mais en effet, pourquoi ne pas mettre un col Claudine sur un T-shirt d’homme ? Après les motifs en tant que tels, surtout sur les dernières créations qui ne sont plus attachées aux singles, viennent d’une gamme de couleurs, d’un motif que j’ai envie d’utiliser. Je fais des patchworks, je découpe, je fais des collages et je lui montre et on en rediscute, on travaille ensemble chez les graphistes. Il n’y a pas vraiment de règles. 

Stromae. Elle voit assez tôt (et c’est là qu’on voit la différence entre son métier et le mien) quel genre de coupe ou gamme de couleur pourrait aller sur un imprimé. Un autre réflexe qu’elle a toujours est aussi de donner une deuxième dimension au print quand on le reçoit des graphistes. Elle n’aime pas quand il n’y a pas de relief, quand c’est trop plat. Et elle a raison parce que sur le vêtement ça rejaillit vraiment.

ELLE.fr. Pourquoi avoir commencé par des polos et des chaussettes ?

Coralie Barbier. Pour la coupe mais aussi pour le prix, on ne voulait pas arriver avec un truc à 400 euros pour commencer. Le polo, c’était une pièce qui était récurrente dans la garde-robe de Paul. Et les chaussettes, c’est un amour qu’on a tous les deux ! On a des quantités de chaussettes énormes ! Et ça permet aussi aux gens de pouvoir jouer un petit peu la folie sans être obligés d’être à fond. 

Stromae. Ça faisait partie des basiques sur lesquels on pouvait un peu s’exprimer. Si on faisait des coupes de malade avec des couleurs extravagantes, ça ferait un peu déguisement. On voulait faire quelque chose de mettable, même si je pense qu’il y a beaucoup de gens qui ne pourraient pas mettre ça. Mais aujourd’hui il y a une espèce d’envie de se lâcher un peu.

ELLE.fr. Avez-vous envie de faire plus d’une collection par an et de vous caler sur les calendriers officiels ?

Stromae. En faire plus, oui, c’est certain. Après, avoir une régularité ; si tu te dis on en fait trois par an, j’imagine qu’après cinq ans… Il y a aussi une réalité : on est une petite marque et sortir pendant les saisons des grandes griffes, ce serait passer à la trappe. 

Coralie Barbier. Pour le moment c’est encore compliqué parce qu’il y a aussi des capsules qui prennent plus de temps que d’autres. Notre base c’est l’imprimé. Il peut parfois être conçu en très peu de temps ou être remanié et on a vraiment envie de garder cette liberté-là. Ce qui serait chouette, ce serait de travailler sur deux collections en même temps et de pouvoir jongler.

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                                 © Benjamin Brolet

ELLE.fr. La photo de la première capsule était une photo de famille, la seconde, une photo de classe. Que se cache-t-il derrière celle-ci ?

Stromae. On s’est beaucoup inspiré des horribles photos des équipes qui sont toutes dans leurs tenues de gymnastique. On aime bien ces photos un peu nulles parce qu’elles sont honnêtes en fait !

Coralie Barbier. On veut de vraies photos posées. 

Stromae. On a du mal à faire semblant de faire quelque chose, de regarder ailleurs, de penser… Moi je n’y crois pas quand je vois ça. Au moins ici il y a une franchise : on pose, tout le monde le sait, on ne joue pas la comédie.