SUR LES PEUPLES DE NOM «VÉNÈTE » OU ASSIMILÉ DANS L’OCCIDENT EUROPÉEN

PAR

Jean LOICQ

On ne peut étudier la protohistoire de l’Europe -étendue en l’espèce à l’Asie Mineure — sans rencontrer la récurrence de populations appelées «Vénètes » et dis¬ persées sur un espace de plusieurs milliers de kilomètres en longitude : de la pénin¬ sule bretonne jusqu’au nord de la Cappadoce en passant par le golfe de Venise, le bassin de la Vistule et jusqu’aux rives mêmes de la Baltique1.

L’ampleur de cette dispersion, le fait qu’elle soit assez ancienne pour n’avoir pas été enregistrée dans son ensemble par l’historiographie antique, donnent le senti¬ ment de tenir, par une exception à peu près unique2, le nom authentique de popula¬ tions indo-européennes séparées les unes des autres dès avant le 1er millénaire avant notre ère : un pendant, en somme, de ce qu’est pour le monde indo-iranien le nom Ârya-. Mais, d’autre part, les progrès de l’archéologie font toujours davantage appa¬ raître combien ses données se prêtent mal — ou, si l’on préfère, ont été trop aisément sollicitées dans le passé — à confirmer les filiations ou les déplacements de popula¬ tions que l’historien comme le linguiste comparatiste sont amenés à postuler. Et, la spécialisation scientifique aidant, le problème est de ceux qui, souvent traités jusque vers le dernier tiers du XXe siècle dans le cadre d’ambitieuses reconstructions, ne se laissent ni démontrer, ni réfuter, et ont peu à peu découragé les archéologues. Et, à date récente, ce sont plutôt des protohistoriens de formation linguistique qui, comme on le rappellera plus loin, sont demeurés fidèles à une approche globale de la ques¬ tion, et de manière substantiellement convergente.

En un temps où prévalaient les grandes théories invasionnistes, on a émis l’hypo¬ thèse d’une ample migration «vénète » à travers une grande partie de l’Europe, pré¬ figuration, vers la fin du 2e millénaire, de ce qu’a été, croyait-on, l’expansion des