Aumônière
Une aumônière est, à l'origine, une forme de bourse portée à la ceinture et contenant l'argent destiné à l'aumône. Par extension, c'est aussi le nom d'une spécialité gastronomique.
Des aumônières montées sur des poignées ou sur un long manche en bois sont toujours en usage dans les églises protestantes pour la quête du dimanche[1].
Étymologie
modifierL'aumônière, aumosnière, aumoisnière ou aloière, tire son nom de l'aumône à laquelle était destiné l'argent qui y était placé[2]. Le nom est également donné au buffet ou coffre de l'époque médiévale dans lequel étaient serrées les provisions réservées aux nécessiteux[3]. Le terme est traduit en anglais par alms purse ou almoner pouch pour la bourse[4] et par chaplain ou almoner pour l'équivalent féminin de l'aumônier. L'adjectif « aumonière » qualifie une personne ou un comportement de nature à « faire l'aumône »[5]
Accessoire vestimentaire
modifierJusqu'à l'apparition en Grèce, sous Pheidon roi d'Argos, et à Rome, vers le VIe siècle avant notre ère, de la monnaie frappée par l'État, les transactions s'opèrent à l'aide de pépites, de poudres, de lingots, d'anneaux d'or, d'argent ou de cuivre. Leur transport nécessite l'utilisation d'un sac que l'on porte sur soi en l'absence de poches aux vêtements jusqu'à la fin du XVIe siècle. Le sac est d'abord sans ornement et de relativement grande taille parce qu'il doit contenir d'autres objets du quotidien comme des clefs, des bijoux, des remèdes. En cuir de cerf, de cheval, de mouton, de bœuf ou de truie, en peaux garnies de leurs poils, c'est un complément indispensable du vêtement, il est porté pendu à la ceinture par un cordon et peut faire parfois le bonheur des coupeurs de bourses[6].
Au début du Moyen Âge, l'aumônière se distingue de ces bourses rudimentaires. C'est un sac plat, porté à la ceinture par les hommes et les femmes, fermé par le tirage de deux cordons ou par un rabat semblable à celui d'une gibecière, qui ne contient plus que la monnaie destinée aux aumônes. L'aumônière est en étoffes richement décorées, souvent de velours brodé d'or et orné de perles, de pierres précieuses ou de broderies. Au XIIIe siècle, elle n'est plus exclusivement réservée à l'aumône, elle est alors brodée de scènes galantes. En 1299, les fabricants d'aumônières sarrazinoises, qui diffèrent par leur ornementation héritée des croisades, forment une puissante corporation, essentiellement féminine, régie par le règlement établi par le prévôt de Paris, Étienne Boileau, et consigné dans le Livre des métiers[7],[6].
L'aumônière est mentionnée dans les romans courtois comme un objet de luxe réalisé dans des matériaux précieux. Souvent offerte en gage d'amour, elle est suspendue au cou et placée sous les vêtements, parfois à même la peau, ou au contraire portée à la ceinture, sur la cotte, non plus cachée mais affichée de manière ostentatoire comme marqueur social. Elle se distingue de la bourse qui est décrite comme un objet utilitaire ou, teintée d'érotisme et de luxure, pour évoquer les frasques des manants. Outre sa dimension religieuse associée à la charité chrétienne de l'aumône ou à son rôle de reliquaire pour les objets ramenés par les pèlerins, l'aumônière revêt une forte dimension sociale et symbolique liée à l'aristocratie[8]. À la même époque, les moines portent, accrochés à leur ceinture, de petits livres dénommés livres de ceinture dont la reliure, contenant et retenant l'objet, est appelée par analogie « reliure en aumônière »[9].
Au XVe siècle, les dames offrent en cadeau des aumônières qu'elles brodent elles-mêmes. La fermeture des sacs est souvent complétée par des fermoirs de métal précieux ciselé, d'or ou d'argent, ajourés et ornés d'armoiries. Ils prennent alors le nom d'escarcelles. L'usage de ces bourses n'est abandonné qu'à la fin du XVIe siècle avec l'apparition des goussets et des poches aux vêtements. Leur forme se retrouve cependant dans celle des ridicules du XIXe siècle[6]. Au XXe siècle on trouve encore l'aumônière en usage, dans son sens premier, transporter le sou pour la quête, dans le costume des premières communiantes[10].
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Aumônière du XIIIe siècle (collection Delaharche)[12].
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Aumônière du XIVe siècle (collection Bonnaffé)[12].
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Gisant de Guillaume de Naillac, église Saint-Laurent-et-Notre-Dame de Gargilesse-Dampierre.
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Statue de Joseph et Jésus, église Saint-Pierre de l'Isle-Aumont.
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Détail de la statue de saint Roch, église Saint-Martin d'Omerville.
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Bas relief représentant saint Jacques le Majeur, détail de la croix de cimetière de Pléchâtel.
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Statue de saint Diboen, niche de la fontaine de dévotion de Bonigeard à Meslan.
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Nature morte à l'échiquier, Lubin Baugin.
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Statue de l'apôtre Matthieu avec sa bourse de collecteur d'impôts, ancien couvent des Carmes de Nantes.
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Trahison de Judas pour trente pièces d'argent, fresque de Giovanni Canavesio, chapelle Notre-Dame-des-Fontaines de La Brigue.
Usage religieux
modifierLe panier de quête a pris différentes formes en fonction des époques et des cultures dans les églises tant catholiques que protestantes. Le panier de quête circule sur tous les bancs sous la responsabilité de laïcs qui le déposent ensuite en sacristie ou au pied de l'autel en signe d'offrande.
Dans l'usage des églises protestantes, la collecte - terme préféré à celui de quête - est faite dans des aumônières, poches en tissu ou velours assez profondes pour y plonger la main, garantissant ainsi la discrétion de ce don anonyme, le quêteur ou les voisins du paroissien ne pouvant pas voir ce que sa main dépose dans le panier de quête.
Dans certains cas, l'aumônière est équipée de deux poignées en bois permettant de la passer commodément de main en main, mais on la trouve fréquemment fixée au bout d'un long manche en bois permettant au quêteur de présenter l'aumônière à chaque personne depuis l'allée où il se tient.
Spécialité gastronomique
modifierPar extension, un mets constitué d'une garniture, qui peut être sucrée ou salée, enfermée dans une pâte, qui peut être à crêpe, repliée et fermée par un cordon alimentaire, porte aussi le nom d'aumônière[15].
Voir aussi
modifierArticles connexes
modifierNotes et références
modifier- Aumônière proposée à la vente pour équiper des paroisses protestantes, site de la librairie 7-ici, consulté le 5 avril 2024.
- « Aumônière », dans Eugène Viollet-le-Duc, Dictionnaire raisonné du mobilier français de l'époque carlovingienne à la renaissance : septième partie, vêtements, bijoux de corps, objets de toilette, t. 3, Paris, Gründ et Maguet, xixe siècle (BNF 37746568, lire en ligne), p. 26-31 lire en ligne sur Gallica
- Informations lexicographiques et étymologiques d'« aumônière » (sens onglet 3, B) dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales
- (en) « Aumônières, otherwise known as alms purses », sur cottesimple.com
- « aumônière (sens onglet 1) », Centre national de ressources textuelles et lexicales
- G. Angerville, « Le porte-monnaie à travers les âges », La Science Illustrée n°688, (lire en ligne)
- Étienne Boileau, « Des faiseuses d'aumônières sarrazinoises », dans Règlemens sur les arts et métiers de Paris, rédigés au XIIIe siècle et connus sous le nom du Livre des métiers d'Étienne Boileau, publiés, pour la première fois en entier, d'après les manuscrits de la Bibliothèque du Roi et des archives du royaume, avec des notes et une introduction, par G.-B. Depping, Paris, Imprimerie de Crapelet, (BNF 37563390), p. 382-386 lire en ligne sur Gallica
- « La bourse ou l'aumônière ! », sur hemiole.com,
- « La reliure en aumônière », sur Atelier de reliure de Rochebonne
- « La première communion en 1973 », sur notrehistoirech
- Collection CHG 42 de la bibliothèque municipale de Reims
- (en) Ernest Lefébure (trad. du français par Alan S. Cole), Broderie et dentelles [« Embroidery and lace »], Paris, A. Quantin, , 320 p. (BNF 33074661, lire en ligne), p. 78-81
- (en) « Pouch (Forel) », sur le site du Metropolitan Museum of Art de New York
- (en) « Purse with Two Figures under a Tree », sur le site du Metropolitan Museum of Art de New York
- « Aumônière », dans Larousse (lire en ligne)