Abbaye de Clairlieu
Diocèse | Diocèse de Toul |
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Patronage | Notre-Dame |
Numéro d'ordre (selon Janauschek) | CCCXXIII (323)[1] |
Fondation | 1159 |
Dissolution | 1791 |
Abbaye-mère | Abbaye de Bithaine |
Lignée de | Abbaye de Morimond |
Abbayes-filles | Aucune |
Congrégation | Ordre cistercien |
Coordonnées | 48° 39′ 36″ N, 6° 07′ 00″ E[2] |
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Pays | France |
Département | Meurthe-et-Moselle |
Commune | Villers-lès-Nancy (Clairlieu) |
L'abbaye de Clairlieu est une ancienne abbaye cistercienne, située sur la commune de Villers-lès-Nancy, en Meurthe-et-Moselle.
Localisation
[modifier | modifier le code]L'abbaye de Clairlieu se situait à six kilomètres à l’ouest de Nancy, entre Villers-lès-Nancy[3] et Maron[4], près de la forêt de Haye dans une gorge profonde où un ruisseau alimentait jadis un étang, à l'entrée de Clairlieu, quartier de Villers-lès-Nancy
Histoire
[modifier | modifier le code]Les prémices
[modifier | modifier le code]Vers l’an 1150 le premier établissement de pères de Cîteaux est dû à Gérard II, comte de Vaudémont et frère d’Eudes de Vaudémont, évêque de Toul, qui fait venir de l’abbaye de Bithaine un moine nommé Vidric et quelques religieux. Ceux-ci s’établissent d’abord en un lieu près de Chaligny, nommé Ferrière[5],[note 1], « d’où ils furent chassés par la malice de habitans »[6], leur principale activité était alors l'extraction et l'exploitation du fer à des fins domestiques.
La fondation
[modifier | modifier le code]Le Mathieu Ier[7], duc de Lorraine, leur donne un terrain considérable de pâture pour leurs troupeaux. C'est en cet endroit appelé Ameuleu ou Amerlieu, que le duc Mathieu renommera Clarus locus (Clairlieu)[8], que la construction de l'abbaye commence en 1160 en bordure de la forêt de Haye. Les moines défrichent un terrain rempli de ronces et y bâtissent une église longtemps réputée comme l'une des plus belles de la contrée. Ils semblent ne s'y installer qu'en 1164 et la construction s'étalera jusqu'au début du XIIIe siècle. Certaines fouilles archéologiques de la fin du XIXe siècle suggèrent que l'endroit avait déjà connu une construction romaine et même qu'un atelier sidérurgique y était présent.
Dédié à la Sainte Vierge, l'établissement compte douze religieux, autant de frères convers et Vidric reste à sa tête jusqu’en 1165[9]. L’abbaye est placée sous la protection du pape par une bulle de Lucius III en 1182, renouvelée par Célestin III[10]. Au siècle suivant, Innocent IV confirme les privilèges des abbayes cisterciennes de Lorraine contre les empiètements du doyen de l’église Saint-Gengoult de Toul. Véritable sanctuaire du duché l'abbaye connaît une ère faste. Cependant à partir de 1354, l'abbaye de Clairlieu est confrontée aux violences des guerres, en particulier celle des Bourguignons qui ruinent ses bâtiments lors du second siège de Nancy par Charles le Téméraire[11].
La commende
[modifier | modifier le code]L’abbaye passe sous le régime de la commende en 1541. Le premier bénéficiaire est Henri de Haraucourt, moine de l'abbaye Saint-Èvre de Toul qui a pour successeurs Anne et René du Châtelet, puis le cardinal Charles de Lorraine, fils du duc Charles III. Celui-ci se démet de cette dignité au profit du chapitre de la nouvelle église Primatiale fondée par son père. La charge d'abbé commendataire est alors supprimée et les biens qui formaient la mense abbatiale affectés à celle du Primat. En échange de cet abandon, les religieux regagnent le droit d'élire régulièrement leur abbé. Ce concordat est ratifié par Charles III le 7 août 1604[11].
Et après
[modifier | modifier le code]Jean Martin, docteur en théologie est élevé à la dignité abbatiale par les suffrages des religieux de Clairlieu. Son administration, de 1604 à 1631, occupe une large place dans les annales de l’abbaye. Celle-ci lui doit l'atelier typographique qu'il fonde avec un imprimeur du nom de Jean Savine dès 1606. Cette imprimerie y subsiste jusqu'en 1610 avant d’être transférée à Nancy dans l'hôtel de Clairlieu, contiguë à l’actuel hôtel de la Monnaie, propriété de l'abbaye. Quand Dom Jean Martin meurt en 1631 il a connu la période la plus brillante de son monastère et il disparait à temps pour ne pas assister à sa décadence. L'abbaye de Clairlieu souffrira de la guerre, la peste et la domination étrangère.
Le règne de Louis XIV augmente encore l’incertitude dans la gouvernance de l’abbaye et la tentative de renouveau du XVIIe siècle y sera un échec. Le trouble persiste jusqu’en 1698, époque où la Lorraine est rendue à Léopold. Dès le 10 mars, celui-ci fait prendre par la Cour souveraine un arrêt rétablissant Dom Charlot dans sa dignité abbatiale. Un dortoir est ajouté à l'étage en 1709 mais, malgré le soutien du duc et celui de son successeur, l'abbaye de Clairlieu était retombée en 1756 dans l'état misérable où celui-ci l'avait trouvée en rentrant dans ses États[11]. Appauvrie, à la révolution, l'abbaye est démolie en 1791 comme la plupart des monastères français. Juste avant sa démolition, l'architecte Poirot décrira le lieu ainsi : « tous ces bâtiments sont fort vieux et la plus grande partie en très mauvais état ainsi que les murs d'enceinte ».
Architecture et description
[modifier | modifier le code]L'abbatiale
[modifier | modifier le code]L'église, réputée « la plus vaste, la plus magnifique de tout le pays » avait deux portes dont l'une de fer. Elle s’étendait du sud-est au nord-ouest en forme de croix latine, sur une longueur totale de 27 mètres environ (des mesures récentes à la suite de fouilles font état de 46 mètres). Elle est de type cistercien primitif, à chevet plat et à trois nefs, orientée est/ouest. Sa nef principale, haute de 14 mètres sous clé de voûte, avait une élévation double de celle des collatéraux dont la séparaient d’énormes piliers quadrangulaires. Le chœur est dédoublé et surélevé d'une cinquantaine de centimètres par rapport au transept. De chaque côté de celui-ci se trouvent deux chapelles (quatre chapelles en tout). Dans la nef centrale, le chœur des moines contenait des stalles et des boiseries, de niveau inférieur au transept[12].
On y accédait par sept marches de l’extérieur et trois par le cloître. Bâtie en pierres de taille, ce devait être un bel exemple de style roman si on juge des fragments recueillis : bases rectangulaires à moulures simples, tronçons de colonnes, membres de voussures et d’archivoltes, éclats de corniches et de chapiteaux, arcs de roses, arrondis ou lenticulaires. Le chœur des religieux et des infirmes était planchéié. Le portail ressemblait à celui du prieuré Notre-Dame de Nancy, visible dans le parc de Remicourt, et de celui de Laître-sous-Amance[13]. On y voyait les tombeaux du duc Matthieu, le fondateur, et de la duchesse Berthe, son épouse, ainsi que plusieurs monuments des plus illustres maisons de Lorraine.
Le cloître et les bâtiments conventuels
[modifier | modifier le code]Les fouilles archéologiques, faites par Étienne Louis et le professeur Pierre Pégeot avec l'Association des Amis de l'Histoire de Villers-lès-Nancy et la DRAC, s'étalent de 1980 à 1988. À leur début, la totalité des vestiges étaient enterrés. Elles ont permis de retrouver l'emplacement de l'abbaye, sans toutefois la dégager entièrement. L'abbaye ayant peu changé depuis sa fondation, un plan a pu en être dessiné. La cour du cloître était rectangulaire et mesurait 20×21 m. Elle était entourée de bâtiments monastiques. Le cloître comportait probablement des arcades primitives et des gros piliers d'angle. Il a été entièrement refait entre le XVIIe et le XVIIIe siècle. Le bâtiment des moines, tout en longueur, comprenait plusieurs pièces :
- une petite salle capitulaire voûtée à deux piliers de front, peu étendue et peu profonde,
- une salle des moines avec un dortoir à l'étage,
- et au nord de celui-ci le réfectoire.
- La prison est voisine et au XVIIIe siècle on y note une imprimerie.
Seul le chauffoir subsiste, réaménagé en cuisine du XVe au XVIIIe siècle avec la construction d'une cheminée monumentale. Les latrines se situaient derrière le réfectoire desservies par un égout collecteur qui a servi par la suite de dépotoir. L'eau provenait directement du ruisseau de la Sance. Plus au nord se situent les jardins, dépendances et ateliers encore non fouillés. Un colombier se trouve à l’extérieur de la clôture au milieu d'un grand fossé rempli d'eau desservi par une nacelle[14].
Filiations et dépendances
[modifier | modifier le code]Fille de Bithaine, Clairlieu est richement doté dès sa naissance.
Les moulins
[modifier | modifier le code]Les grands moulins de Nancy lui sont donnés à sa fondation. Repris temporairement par Jacques de Lorraine, évêque de Metz, et son frère Renaut, comte de Castres, en échange de quelques dédommagements, ils lui sont rendus en 1257 par le duc Ferry III, fils de Mathieu. À savoir :
- le moulin qui était intra-muros,
- celui qui était extra-muros,
- celui de Neuveville[note 2],
- et celui de Barambreux.
Le duc précise que Remicourt, Vendeuvres, Pixérécourt, Mâchéville, Essey, Mont-Martemont, Saussures, Tomblaine, Bosserville, Fléville, Gélaucourt, Boncourt et Manoncourt[note 3] seront banaux auxdits moulins[9].
Les granges et autres biens,
[modifier | modifier le code]Outre l’actuel hôtel de la Monnaie, l'abbaye possède aussi des biens en ville. En 1193, Gauthier de Nancy ayant pris l'habit religieux à Clairlieu, lui laisse trois maisons à Nancy, tout ce qu'il possède sur le ban de cette ville, deux vignes à Laxou, sa part dans le bois de Saulxures et ce qu'il avait à Remoncourt. L'abbaye possède aussi de nombreuses granges, comme celles de :
L'abbaye de Clairlieu exerça aussi sa souveraineté sur le village de Villers.
Liste des abbés de Clairlieu
[modifier | modifier le code]Les premiers abbés
[modifier | modifier le code]- Widric Ier ; moine de Bithaine, il conduisait la colonie qui s'établit à Ferrière en 1150.
- Jacob 1165-1175
- Widric II, 1175-1183
- Walo, 1183-1194
- Pierre Ier, 1194-1196
- Hugo, 1194
- Etienne, 1195-1200
- Guido,
- Pierre II, 1293-1300
- Louis, 1305
- Reinier Ier, 1314
- Jean Ier, 1315
- Philippe, 1324
- Reinier II, 1328
- Everard, 1330-1350
- Clément, 1352
- Henri Ier, 1356-1358
- Pierre III, 1359
- Jean II de Goute, 1374
- Jean III de Houdemont, 1389-1393
- Didier Dortemont, 1395-1397
- Dominique Ier de Varangéville, 1397
- Jean IV, 1400, 1408
- Dominique II de Chavigny
- Jean V de Gerbévillers, 1432-1449
- Dominique III de Clévi, 1493-1509
- Cuni Forville de Rosières, 1509-1541
Les abbés commendataires
[modifier | modifier le code]- Henri de Haraucourt
- Anne du Châtelet
- René du Châtelet
- Charles de Lorraine, fils du duc Charles III
Les derniers abbés élus
[modifier | modifier le code]- Charles-Chrétien du Gournay, 1632
- François Breffaut, 1637
- Claude Bichet, neveu du précédent, 1664
- Pierre IV Charlot, Louis XIV à renoncer à son titre et nomma à sa place, Dom Bonnet, qui y resta jusqu'en 1698. À cette époque, Dom Charlot fut remis en possession de sa dignité par Léopold.
- Charles Pancheron, 1729
- Melchior de Guronski, 1751
- Paul-Théodore Haboury, nommé par Louis XV, du 9 février 1768, contrairement au droit d'élection des religieux.
Notes et références
[modifier | modifier le code]Notes
[modifier | modifier le code]- La confusion avec Ferrières, près de Rosières-aux-Salines, a été établie dans différents textes par Dom Calmet (Calmet, 1840, p. 203-204, 367) et Henri Lepage (Lepage, 1843, p. 120-121, 187-188). Elle est d'autant plus aisée qu'en 1172 Mathieu Ier donna à l'abbaye de Clairlieu « la moitié du désert sur le promontoire de Rosières(-aux-Salines), appelée Havinerville (ou Hagnerviller) » (Lepage, 1855, p. 157).
- Outre un ancien lieu-dit La Neuveville-lès-Nancy, il existe quatre localités portant ce nom dans le département proche des Vosges. La liste des villages déclarés banaux auxdits moulins plaide pour la première hypothèse.
- Trois communes portent ce nom dans le département.
Références
[modifier | modifier le code]- (la) Leopold Janauschek, Originum Cisterciensium : in quo, praemissis congregationum domiciliis adjectisque tabulis chronologico-genealogicis, veterum abbatiarum a monachis habitatarum fundationes ad fidem antiquissimorum fontium primus descripsit, t. I, Vienne, , 491 p. (lire en ligne), p. 220
- « Clairlieu », sur cistercensi.info, Ordre cistercien (consulté le ).
- « Accueil - Mairie de Villers-lès-Nancy », sur www.villerslesnancy.fr (consulté le ).
- « Mairie de Maron », sur mairie-maron.fr (consulté le ).
- Lepage, 1855, p. 99
- Dom Calmet, 1840, p. 204
- Picart, 1711, page 152
- Lepage, 1855, p. 102, 150
- « Notices de la Lorraine, Dom Auguste Calmet, Abbé de Senones, 1756 », sur cistels.free.fr (consulté le ).
- « Abbaye de Clairlieu », BNF data (consulté le ).
- Henri Lepage, « L'Abbaye de Clairlieu », sur cistels.free.fr (consulté le ).
- Chr. Pfister, « Histoire de Nancy, tome 1 », sur Gallica.bnf, Berger-Levrault, (consulté le ), p. 107 et suivantes.
- M. J. Bonnaire, « Les ruines de Clairlieu », sur cistels.free.fr (consulté le ).
- Dom Guyton, « Visite des abbayes de la Lorraine », sur cistels.free.fr, (consulté le ).
- Henri Lepage, « Divers articles concernant l'abbaye et ses diverses granges », sur cistels.free.fr (consulté le ).
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Dom Calmet, Notice de la Lorraine, t. 1, Lunéville, , 2e éd. (1re éd. 1756) (lire en ligne), « Clair-Lieu, abbaye de Cîteaux » et « Ferrières », p. 203-204 et 367 (et aussi 117, 277 et 374) ; col. 231-233 et 453-454 dans l'« édition originale de 1756 »
- Henri Lepage, Le département de la Meurthe, statistique historique et administrative, 2e partie Dénombrement des communes, Nancy, (lire en ligne), « Clairlieu (Clarus locus) » et « Ferrières (Ferrariæ fodinæ, Ferraræ) », p. 120-121 et 187-188 (et aussi : 50, 99, 107, 146 et 180)
- Henri Lepage, « L'abbaye de Clairlieu, ordre de Cîteaux », Bulletins de la Société d'archéologie lorraine, Nancy, Société d'archéologie lorraine, t. V, , p. 97-215 (lire en ligne, consulté le )
- Benoît Picart, Pouillié ecclésiastique et civil du diocèse de Toul, t. 1, Toul, (lire en ligne), « VIII. Viller », p. 151-152