(Translated by https://www.hiragana.jp/)
Bruno Beger — Wikipédia Aller au contenu

Bruno Beger

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Bruno Beger
Biographie
Naissance
Décès
Nationalité
Formation
Activités
Explorateur, anthropologue, théoricien racialVoir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
Parti politique
Membre de
Beger en train d'effectuer des mesures anthropométriques à Lachen, au Sikkim.

Bruno Beger, né le à Francfort-sur-le-Main et mort le à Königstein im Taunus, est un anthropologue, ethnologue allemand, et HauptsturmführerSS (capitaine). Il fut l'élève et le disciple du raciologue allemand Ludwig Ferdinand Clauss[1].

Il participa à l'expédition allemande au Tibet (1938-1939) d'Ernst Schäfer.

Il travailla sous le nazisme pour l'Ahnenerbe, ou Héritage des ancêtres, société pour l'étude des idées premières, institut de recherche créé par Himmler. Il sélectionna notamment près de 90 déportés juifs destinés à être assassinés pour créer la collection de squelettes juifs du professeur Hirt[2].

Jeunesse et études

[modifier | modifier le code]
Beger (à droite) devant le palais du Potala, à Lhassa en 1939, avec les autres membres de l'expédition, dont Kaiser Bahadur Thapa et Rabden Khazi, des interprètes du Sikkim.

Bruno Beger est né en 1911 d'une vieille famille d'Heidelberg.

Après la Première Guerre mondiale, au cours de laquelle son père fut tué, un ami de la famille lui paya ses études à l'Université d'Iéna. Il y assista aux cours d'anthropologie d'Hans F. K. Günther, qui devint l'un des raciologues éminents du Troisième Reich. Selon ses propres dires, Bruno Beger étudia l'anthropologie, la géographie et l'ethnographie à Iéna et à Heidelberg, puis gagna Berlin pour y parachever ses études[3].

Participation à l'expédition Ernst Schäfer au Tibet

[modifier | modifier le code]
L'anthropologue Beger en compagnie du Régent du Tibet, le Réting Rinpoché, à Lhassa, capitale du Tibet, en 1939.

En 1934, Beger commença à travailler à mi-temps au RuSHA, bureau racial des SS, où il obtint un poste de responsabilité. Alors qu'il devait partir pour une expédition à Hawaï, on l'invita à participer plutôt à l'expédition allemande au Tibet organisée par Ernst Schäfer[4]. Beger lui proposa le programme suivant dans le cadre de l'expédition : « étudier la situation anthropologique et raciale actuelle au moyen de mesures, de l'examen, la photographie et le moulage des traits […], recueillir des informations sur la place, les origines, la signification et le développement de la race nordique dans cette région »[5].

L'expédition s'avéra un succès, tant par la quantité de matériel collecté que par l'amélioration des relations politiques entre l'Allemagne et le Tibet, pour plusieurs raisons, au nombre desquelles le fait que Bruno Beger avait reçu une courte formation médicale qui lui permit de soigner efficacement des membres de l'aristocratie tibétaine. Tous les matins, des gens faisaient la queue à l'entrée de la maison d'hôte gouvernementale où des membres de l'expédition logeaient. Voila pourquoi ces derniers étaient fréquemment invités chez la noblesse tibétaine. En contrepartie du traitement médical de la célèbre famille Phala, ils reçurent une copie complète du Kangyur de Lhassa[6].

Selon Kathy Brewis, pendant les huit mois passés à Lhassa, il prit les mensurations de 376 individus et fit des moulages de la tête, du visage, des mains et des oreilles de 17 autres, et releva les empreintes digitales et les empreintes de main de 350 autres[7]. Il s'efforça de gagner les faveurs de l’aristocratie tibétaine en distribuant des médicaments et en soignant des moines ayant une maladie vénérienne, en échange de la possibilité d'effectuer ses recherches[8].

Selon ses dires, Bruno Beger noua de nombreuses amitiés tibétaines à Lhassa, en particulier avec la famille du 14e dalaï-lama, la famille Phala et le moine Möndro, responsable de la police municipale[9]. Il est cependant impossible qu'il ait pu rencontrer la famille du dalaï-lama à Lhassa, car l'expédition allemande au Tibet était déjà à Simla en Inde sur le chemin du retour dès les premiers jours d'août 1939[10]. Or, le jeune dalaï-lama et une partie de sa famille (son père, sa mère, deux de ses frères — Lobsang Samten et Gyalo Dhondup — et un oncle, le moine Tagtsèr Garpa Loyèr) partirent de Koumboum dans l'Amdo[11] le 21 juillet, et n'arrivèrent à Lhassa que le [12].

Activités dans le cadre de l'Ahnenerbe

[modifier | modifier le code]

Beger travailla avec August Hirt à la Reichsuniversität Straßburg. Il était chargé par l'Ahnenerbe de fournir au médecin nazi des détenus de différents types ethniques, provenant des camps de concentration, et servant aux différentes expériences raciales. En fonction de mesures anthropométriques, il sélectionna à Auschwitz, en 1943, 115 individus vivants qui furent ensuite gazés au camp de Natzwiller, puis, après leur mort, transférés à la Reichsuniversität où officiait Hirt, qui devait transformer les dépouilles en squelettes afin d'établir une collection macabre servant à l'identification des membres de la « race juive »[13]. Si les individus en question furent bien gazés, l'Ahnenerbe omit de les transformer en squelettes[14].

En décembre 1941, Beger avait lui aussi proposé au chef de l’Ahnenerbe, Wolfram Sievers, de constituer une collection de crânes juifs dans le cadre de ses recherches anthropologiques[15]. Il s’ensuivit des tensions avec le professeur August Hirt qui voulait être le seul dépositaire de la collection. Deux ans plus tard, Heinrich Himmler, le chef de la SS, imposa aux deux hommes de travailler ensemble pour sélectionner 150 juifs afin de les tuer pour récupérer leur squelette[16]. Beger sélectionna 115 déportés, et s’en réserva quelques-uns pour son usage propre, notamment deux Slaves non-juifs et quatre Asiatiques[17]. Sur les 115 déportés, seuls 85 juifs furent livrés à Hirt au camp de concentration de Natzweiler-Struthof, 28 furent envoyés en Allemagne[18]. La destination de ces derniers fut probablement le château de Mittersill, en Autriche, siège de l’Institut Sven-Hedin de recherche sur l’Asie-Centrale où travaillait Beger[19]. Il n’en reste aucune trace.

Dans une lettre du , adressée au secrétaire particulier de Himmler, le Dr Beger dit son approbation de « l'extermination des Juifs en Europe et, au-delà, dans le monde entier si possible »[20].

Après guerre

[modifier | modifier le code]

En février 1948, un tribunal de dénazification exonéra Beger, ignorant le rôle de celui-ci dans l'établissement de la collection de squelettes juifs[21].

Le , à la suite d'une enquête réalisée sur cette collection, Beger fut incarcéré, puis relâché quatre mois plus tard en attendant un procès, lequel commença le [22].

En 1961, son nom fut mentionné lors du procès d'Adolf Eichmann à Jérusalem, Eichmann ayant participé à l'organisation du recensement effectué par Beger à Auschwitz[23].

À son procès, dix ans plus tard, Beger affirma qu'il ignorait que les détenus d'Auschwitz dont il avait pris les mensurations fussent destinés à être tués. Le , il fut condamné par le tribunal de Francfort pour complicité dans le meurtre de 86 juifs dans des camps de concentration. Le tribunal ne le condamna qu'à trois ans de prison, ce qui était la peine minimale, mais Beger n'effectua aucun séjour en prison, sa peine ayant été commuée en appel à trois ans de prison avec sursis[4],[22].

Rencontres avec le 14e dalaï-lama

[modifier | modifier le code]

En 1986, Bruno Beger publia aux éditions Schwartz un fascicule intitulé Meine Begegnungen mit dem Ozean des Wissens (« Mes rencontres avec l'océan de sagesse ») sur ses rencontres avec le dalaï-lama.

Participation à la rencontre de Londres de 1994

[modifier | modifier le code]

Avec l'alpiniste Heinrich Harrer (qui vécut au Tibet de 1944 à 1951) et Kazi Sonam Togpyal (ancien interprète auprès de la mission indienne au Tibet), Robert W. Ford (ancien officier radio de la mission britannique à Lhassa, puis du gouvernement tibétain), Ronguy Collectt (fille de Sir Charles Bell), Joan Mary Jehu (séjours au Tibet en 1932), Archibald Jack (visite de la garnison britannique à Gyantsé), Fosco Maraini (séjour au Tibet en 1937 et 1948), Bruno Beger cosigna un document affirmant la « conviction que le Tibet était un état pleinement souverain avant 1950 », et posa pour une photographie de groupe aux côtés du 14e dalaï-lama, en 1994, à Londres[4],[24].

Disparition

[modifier | modifier le code]

Sa famille a annoncé sa mort à Königstein le , à l'âge de 98 ans.

Références

[modifier | modifier le code]
  1. (en) Christopher Hale, Himmler's Crusade : The Nazi Expedition to Find the Origins of the Aryan Race, Hoboken, N.J, John Wiley & Sons, , 422 p. (ISBN 978-0-471-26292-3, OCLC 977774745, lire en ligne) : « Ludwig Ferdinand Clauss, who had been Beger's professor in the 1930s. ».
  2. (en) The Nizcor Project. Medical experimentation : « A letter of June 21, 1943. From Ahnenerbe. Top secret. / "To Reich Security Headquarters IVB4, Attention: SS-Obersturmführer Eichmann. Re: Skeleton collection. / With reference to your letter of September 25, 1942, and the consultations held since then regarding the above-mentioned matter, we wish to inform you that Dr. Bruno Beger, our staff member charged with the above-mentioned special mission, terminated his work in the Auschwitz concentration camp on June 15, 1943, because of the danger of an epidemic. In all, 115 persons, 79 male Jews, 2 Poles, 4 Central Asians, and 30 Jewesses, were processed. ».
  3. (en) Dr Bruno Beger, The Status of Independence of Tibet in 1938/39 according to the travel reports (memoirs), section de Eyewitness to history, in Tibetan Bulletin, November-December 1994 (2), reproduit sur le site World Tibet News : « Having studied anthropology, geography and ethnography in Jena and Heidelberg, I went to Berlin for the completion of my studies. ».
  4. a b et c Charlie Buffet, Polémique autour du héros du film de Jean-Jacques Annaud. Un nazi au Tibet. Heinrich Harrer, l'alpiniste autrichien incarné par Brad Pitt dans « Sept Ans au Tibet », fut un SS, non pas de circonstance, comme il s'en défend, mais de conviction. Enquête., Libération, .
  5. (en) Joseph Cummins, History's great untold stories: obscure events of lasting importance, Murdoch Books, 2006, 366 p., chap. Explorers of the Deep, en part. p. 327 : « Schäfer then went about finding the scientists he wanted to take along with him. [...] In a proposal he [Beger] wrote to Schäfer, he stated his contribution to the expedition would be "to study the current racial-anthropological situation through measurements, trait research, photography and moulds... and to collect material about the proportion, origins, significance and development of the Nordic race in this region". ».
  6. (en) Isrun Engelhardt, The Ernst-Schaefer-Tibet-Expedition (1938-1939) : new light on the political history of Tibet in the first half of the 20th century in McKay Alex (ed.), Tibet and Her Neighbours : A History 2003, Édition Hansjörg Mayer (London), p. 191-192.
  7. (en) Kathy Brewis, Quest of the Nazis, The Sunday Times, July 20, 2003 : « He gathered a huge amount of pointless information. During eight months in Lhasa, he recorded the measurements of 376 people and took casts of the heads, faces, hands and ears of 17 more, as well as fingerprints and hand prints from another 350. ».
  8. Kathy Brewis, op. cit. : « He was forced to pose as a medicine man to win the favour of the Tibetan aristocracy, dispensing drugs and tending to monks with sexually transmitted diseases in return for his research. ».
  9. Dr Bruno Beger, The Status of Independence of Tibet in 1938/39 according to the travel reports (memoirs) : « I had among the many contacts in Lhassa a special friendship with the family of H.H. the 14th Dalai Lama, with the Phala family and with the monastery official Moendroe, who was in charge of the City's Police department. ».
  10. (en) Isrun Engelhardt, op. cit..
  11. Michael Harris Goodman, Le Dernier Dalaï-Lama ?, p. 55-56 Extrait.
  12. Roland Barraux Histoire des Dalaï-Lamas - Quatorze reflets sur le Lac des Visions, Albin Michel, 1993; réédité en 2002.
  13. Raoul Hilberg, La destruction des Juifs d'Europe, éd. Fayard, 1988.
  14. (en) John J. Reilly, Compte-rendu du livre de Christopher Hale, Himmler's Crusade. The Nazi Expedition to Find the Origins of the Origins of the Aryan Race, John Wiley & Sons, Hoboken (NJ), 2003.
  15. Serge Janouin-Benanti, Si ce sont des hommes… – Les médecins du Struthof, 3E éditions, , 302 p. (ISBN 979-10-95826-68-2), p. 112
  16. Serge Janouin-Benanti, Si ce sont des hommes… – Les médecins du Struthof, 3E éditions, , 302 p. (ISBN 979-10-95826-68-2), p. 103
  17. Serge Janouin-Benanti, Si ce sont des hommes… – Les médecins du Struthof, 3E éditions, , 302 p. (ISBN 979-10-95826-68-2), p. 153
  18. Serge Janouin-Benanti, Si ce sont des hommes… – Les médecins du Struthof, 3E éditions, , 302 p. (ISBN 979-10-95826-68-2), p. 171
  19. Serge Janouin-Benanti, Si ce sont des hommes… – Les médecins du Struthof, 3E éditions, , 302 p. (ISBN 979-10-95826-68-2), p. 182
  20. (en) Complaint by M. Roger Croston on behalf of Dr Bruno Beger Secret History: The Nazi Expedition, Channel 4, 12 July 2004, Ofcom, Broadcast Bulletin, no 85, , Fairness and Privacy Cases, Not Upheld : « The Committee also noted the supporting material provided by Channel 4 which related to Dr Beger’s knowledge of, and involvement in, Nazi policies. This material included a letter of April 13 1943, to Himmler’s personal assistant, in which Dr Beger wrote approvingly of “the complete extermination of the Jews in Europe, and beyond that, in the whole world if possible.” ».
  21. (en) Heather Pringle (en), The Master Plan: Himmler's Scholar and the Holocaust, Hyperion, 2006.
  22. a et b Heather Pringle, op. cit.
  23. Voir textes du procès sur FAQ concernant les expériences médicales nazies, Jewish Virtual Library.
  24. (en) Statement by Westerners who visited Tibet before 1949, ancien site du Gouvernement tibétain en exil, Bureau du Tibet, Londres.

Publications

[modifier | modifier le code]
  • (de) Die Bevölkerung der altmärkischen Wische: Eine rassenkundl. Untersuchg, Naturwiss. F., Diss., 1941
  • (de) Avec Edmund Geer, Wir ritten nach Lhasa: nach dem Tagebuch, Lux, 1951, 31 p.
  • (de) Es war in Tibet: Erlebtes im Himalaya u. in Tibet, Akademie f.d. Graph. Gewerbe, 1964, 36 p.
  • (de) Meine Begegnungen mit dem Ozeam des Wissens (c'est-à-dire « Mes rencontres avec l'océan de sagesse »), Éditions Kurt und Dieter Schwartz, Königstein, 1986, 11 p.
  • (de) Mit der deutschen Tibetexpedition Ernst Schäfer 1938/39 nach Lhasa, Schwartz, Wiesbaden, 1998, 280 p.

Liens internes

[modifier | modifier le code]

Liens externes

[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie

[modifier | modifier le code]
  • (de) Martin Brauen, Traumwelt Tibet. Westliche Trugbilder. Haupt, Bern 2000 – (en) traduction en anglais, avec Renate Koller, Markus Vock, Martin Willson, Dreamworld Tibet: western illusion, Weatherhill, 2004, (ISBN 0834805464 et 9780834805460)
  • Johann Chapoutot, Le nazisme et l'Antiquité, Paris, Presses universitaires de France, , 643 p. (ISBN 978-2-13-060899-8)
  • Édouard Conte et Cornelia Essner, La Quête de la race : Une anthropologie du nazisme, Paris, Hachette, , 451 p. (ISBN 978-2-01-017992-1)
  • (en) Isrun Engelhardt, The Ernst-Schaefer-Tibet-Expedition (1938-1939) : new light on the political history of Tibet in the first half of the 20th century in McKay Alex (ed.), Tibet and Her Neighbours : A History 2003, Édition Hansjörg Mayer (London),
  • (en) Walter B. Gratzer, The undergrowth of science : delusion, self-deception, and human frailty, Oxford New York, Oxford University Press, , 328 p. (ISBN 978-0-19-850707-9, OCLC 751286326)
  • (en) Christopher Hale, Himmler's Crusade : The True Story of the 1938 Nazi Expedition Into Tibet, Londres, Bantam, (1re éd. 2003), 592 p. (ISBN 978-0-553-81445-3, OCLC 56455523)
  • Peter Longerich (trad. de l'allemand), Himmler : L'éclosion quotidienne d'un monstre ordinaire [« Heinrich Himmler. Biographie, München (Siedler) 2008 »], Paris, éditions Héloise d'Ormesson, , 917 p. (ISBN 978-2-35087-137-0)
  • (en) Heather Pringle (en), The master plan : Himmler's scholars and the Holocaust, New York, Hyperion, , 463 p. (ISBN 978-0-316-29037-1 et 978-1-401-38387-9)