C*-algèbre
En mathématiques, une C*-algèbre (complexe) est une algèbre de Banach involutive, c’est-à-dire un espace vectoriel normé complet sur le corps des complexes, muni d'une involution notée , et d'une structure d'algèbre complexe. Elle est également nommée algèbre stellaire. Les C*-algèbres sont des outils importants de la géométrie non commutative. Cette notion a été formalisée en 1943 par Israel Gelfand et Irving Segal.
Les algèbres stellaires sont centrales dans l'étude des représentations unitaires de groupes localement compacts.
Définition
[modifier | modifier le code]Une algèbre stellaire A est une algèbre de Banach complexe :
- munie d'une involution
pour tous x, y dans A et tout complexe λ ; - telle que la norme et l'involution sont liées par
pour tout x dans A.
Par la seconde condition, et donc, par symétrie, on obtient :
Un *-homomorphisme est un morphisme d'algèbres involutives. Il vérifie en particulier
Cette définition — pourtant purement algébrique — implique que f est automatiquement continu, et même 1-lipschitzien[1] : voir plus loin. Si f est injectif alors c'est une isométrie. Si f est bijectif, son inverse est un *-homomorphisme ; auquel cas, f est appelé *-isomorphisme.
Exemples
[modifier | modifier le code]- Si X est un espace localement compact, l'algèbre involutive C0(X) des fonctions continues de X dans ℂ qui tendent vers zéro à l'infini, munie de la norme de convergence uniforme, est une C*-algèbre commutative. Lorsque X est compact, C0(X) est donc simplement l'algèbre (unitaire) des fonctions continues de X dans ℂ. Lorsque X n'est pas compact, C0(X) n'a pas d'unité mais seulement une unité approchée, dont l'existence résulte du théorème de Tietze-Urysohn.
- Si H désigne un espace de Hilbert, toute sous-algèbre fermée pour la norme d'opérateurs de l'algèbre des opérateurs bornés sur H est une C*-algèbre, a priori non commutative.
Spectre des éléments d'une C*-algèbre
[modifier | modifier le code]Tout comme pour les opérateurs dans un espace de Hilbert, on peut définir le spectre des éléments d'une C*-algèbre. Le spectre de x est l'ensemble de ses valeurs spectrales :
- .
Cette définition suppose que l'algèbre contenant x ait une unité. Cependant, si ce n'est pas le cas, on peut toujours définir le spectre en adjoignant une unité à l'algèbre.
Pour tout élément x normal dans une C*-algèbre (à la différence des *-algèbres de Banach), la norme de x est égale à son rayon spectral :
Ceci s'applique en particulier pour tout x autoadjoint, par exemple pour x = yy*, dont la norme est le carré de celle de y. Ainsi la structure algébrique détermine la norme (et donc la topologie). C'est cette propriété qui fait que les *-morphismes (resp. injectifs) sont automatiquement continus (resp. isométriques).
Classification des C*-algèbres commutatives
[modifier | modifier le code]Une C*-algèbre commutative A est isométriquement isomorphe à C0(X) où X est localement compact, et même compact si A a une unité. L'isomorphisme est construit via la transformée de Gelfand, et passe par l'étude des caractères de l'algèbre A.
Le calcul fonctionnel continu
[modifier | modifier le code]Si x est un élément normal d'une C*-algèbre A (c’est-à-dire commutant à son adjoint), alors il existe un *-isomorphisme isométrique entre l'algèbre des fonctions continues sur le spectre
La construction GNS
[modifier | modifier le code]On doit à Gelfand, Naimark et Segal la construction (en) d'un isomorphisme isométrique (ou représentation fidèle) entre toute C*-algèbre, et une sous-algèbre fermée de l'algèbre des opérateurs sur un certain espace de Hilbert (que l'on construit en même temps que l'isomorphisme). La théorie des C*-algèbres peut donc se ramener à la théorie des opérateurs sur les espaces de Hilbert.
Remarques
[modifier | modifier le code]Le fait que les C*-algèbres commutatives sont des algèbres de fonctions permet de penser la théorie des C*-algèbres comme une théorie des fonctions non commutatives. Mais comme l'étude des fonctions continues sur un espace compact est équivalente à l'étude de la topologie de cet espace (par le théorème de Banach-Stone), on donne plus volontiers à l'étude des C*-algèbres le nom de topologie non commutative (en).
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Jacques Dixmier, Les C*-algèbres et leurs représentations, Gauthier-Villars, 1964, rééd. J. Gabay, 1996 (ISBN 978-2-87647-013-2), p. 7.
- E. Fricain, « Analyse fonctionnelle et théorie des opérateurs », sur Université Lille-I, 2009-2010.
- Bruce Blackadar,2006, Operator algebras: theory of C*-algebras and von Neumann algebras, Springer Verlag
- Kenneth R. Davidson, 1996, C*-algebras by example, Fields Institute Monographs
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Articles connexes
[modifier | modifier le code]- Représentation de Gelfand (en)
- Calcul fonctionnel continu (en)
- Spectre d'une C*-algèbre (en)
- C*-algèbre approximativement finie (en)
- Analyse fonctionnelle : L'étude des C*-algèbres, notamment par son aspect spectral, est une branche de l'analyse fonctionnelle.
- Algèbre d'opérateurs : L'étude des C*-algèbres peut se ramener, par la construction GNS, à celle des opérateurs sur un espace de Hilbert.
- K-théorie : Les outils de K-théorie, développés d'abord pour l'étude des fibrés, peuvent être adaptés à l'étude des C*-algèbres. On obtient en quelque sorte une topologie algébrique non commutative.
- Géométrie non commutative : Ce domaine cherche des analogues aux notions de la géométrie différentielle (connexions, cohomologie…) dans le cadre non commutatif des algèbres d'opérateurs.
- Théorème de Russo-Dye (en)
- Algèbre de Calkin
Liens externes
[modifier | modifier le code]- (en) Pierre de la Harpe et Vaughan Jones, An Introduction to C*-algebras [lire en ligne]
- (en) William Arveson (en), An Invitation to C*-algebras, Springer, coll. « GTM » (no 39), , 108 p. (ISBN 978-0-387-90176-3, présentation en ligne)