Immeuble Slovo
Type | |
---|---|
Fondation | |
Architecte |
Mykhaïlo Dachkévytch (d) |
Patrimonialité |
Localisation |
---|
Coordonnées |
---|
L'immeuble Slovo (ukrainien : Будинок «Слово») est un immeuble résidentiel situé dans le raïon de Chevtchenko à Kharkiv. Le bâtiment est en forme de lettre С, première lettre de слово (slovo) (« mot » en ukrainien). Il est construit à la fin des années 1920 pour abriter des écrivains, écrivaines et poètes dans 66 appartements ; la plupart de ces personnes appartiennent à la Renaissance fusillée et sont assassinées par le régime soviétique à Sandarmokh.
Construction
[modifier | modifier le code]Kharkiv est la capitale de la République socialiste soviétique d'Ukraine du au [1]. Sa population passe de 285 000 personnes en 1920 à 423 000 en 1927, faisant du logement un problème majeur[2]. Des écrivains se rendent de Kiev à Kharkiv dans le cadre de la politique d'ukrainisation[3] ; or, les loyers sont bien plus élevés à Kharkiv et de nombreux écrivains dorment sur leur lieu de travail[1]. C'est par exemple le cas de Pavlo Tytchyna en 1923 quand il prend la tête du journal Tchervony Chliakh (en)[4].
L'auteur syndiqué Ostap Vychnia demande au gouvernement soviétique la construction d'un complexe de logements permettant d'accueillir au moins les auteurs et autrices les plus célèbres en Ukraine. L'idée est approuvée par les bolcheviks, qui y voient aussi le moyen de surveiller l'intelligentsia ukrainienne, et proposent un système de paiement de loyer différé de quinze ans[4].
En , la construction du bâtiment commence d'après les plans de l'architecte Mytrofan Dachkévytch. Il conçoit le bâtiment en forme de lettre С, première lettre de слово (slovo) (« mot » en ukrainien) ; Slovo deviendra le nom sous lequel est connu le bâtiment[5]. En , le chantier manque de fonds et Vychnia demande à Joseph Staline de financer le reste de la construction[6], ce que Staline fait le jour même[4]. Le bâtiment est achevé le [7].
L'immeuble est doté d'appartements de trois à cinq pièces, ce qui est considéré comme un luxe dans l'URSS d'après-guerre. La résidence est haute de cinq étages et séparée en 66 appartements[2]. Le toit inclut un solarium et une école maternelle est aménagée au sous-sol[2]. Après la Seconde Guerre mondiale, un ascenseur électrique relie le rez-de-chaussée et le cinquième étage[6].
Fin 1929, l'immeuble est investi par ses nouveaux habitants, alors que le chauffage n'est pas encore installé[5]. Chaque appartement est équipé d'une salle de bains, du chauffage central et d'un téléphone, et les artistes ont accès à des studios privés[8].
Répression et arrestations
[modifier | modifier le code]En 1931, après avoir mis le bâtiment sur écoute, les autorités soviétiques procèdent aux premières arrestations d'habitants. La première membre de la Renaissance fusillée à en faire les frais est l'actrice Halyna Mnevska (uk), qui refuse de dénoncer son mari Klym Polichtchouk (en) ; arrêtée le , elle est condamnée à cinq ans de prison et interdite d'entrée sur le sol ukrainien[1].
Le , Pavlo Khrystiouk (en) est arrêté ; il est suivi le d'Ivan Bagriany, inquiété à son tour pour sa participation au mouvement contre-révolutionnaire[6].
En 1933, les arrestations accélèrent. Le , Mykhaïlo Ialovy (en) est accusé d'avoir espionné et fait assassiner Pavel Postychev (il sera exécuté le )[6]. Le lendemain, Mykola Khvyliovy, Mykola Koulich et Olès Dosvitniy (uk) se réunissent pour réfléchir à une échappatoire[4] ; Khvylovy se suicide le lendemain dans son appartement[9]. En plus de la répression gouvernementale, le bâtiment est actif pendant l'Holodomor[4].
Serhiy Pylypenko (uk) est exécuté sans procès le . Les Kourbas, Mykola Koulich et Hryhorii Epik subissent le même sort à Sandarmokh ; Vychnia, arrêté avec eux, est épargné en raison de sa maladie[6]. Au total, 40 des 66 foyers de l'immeuble Slovo sont touchés par des arrestations. 33 personnes sont exécutées, cinq condamnées à de longues peines d'emprisonnement, une personne se suicide et une autre meurt dans des circonstances floues. Les arrestations s'accompagnent généralement d'accusations d'espionnage, de terrorisme et de conspiration[4].
En 1934, Kiev devient la capitale de l'Ukraine. Les écrivains survivants déménagent dans la maison RoLit (uk) à Kiev[10].
Plaque commémorative et postérité
[modifier | modifier le code]Le bâtiment est intégré au patrimoine immatériel ukrainien le [11]. Une plaque commémorative incluant la liste de toutes les personnes connues ayant vécu dans l'immeuble est inaugurée le [12] ; on y compte notamment :
- Ivan Bagriany ;
- Hryhorii Epik ;
- Leib Kvitko ;
- Mykola Koulich ;
- Les Kourbas ;
- Vadym Meller ;
- Ivan Mykytenko ;
- Anatol Petrytsky ;
- Valerian Pidmohylny ;
- Pavlo Tytchyna.
En 2022, la ville de Kharkiv est assiégée pendant l'invasion Russe de l'Ukraine. L'immeuble est touché par des tirs, endommageant sa façade et les ouvertures[13].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Slovo Building » (voir la liste des auteurs).
- (en) Kiev, « Ukraine: Slovo, from "house of the word" to nightmare », balcanicaucaso.org, (consulté le )
- (en-GB) Didenko, « The Slovo Building », constructivism-kharkiv.com (consulté le )
- (en-US) Bertelsen, « The House of Writers in Ukraine, the 1930s: Conceived, Lived, Perceived », The Carl Beck Papers in Russian and East European Studies, no 2302, , p. 14 (ISSN 2163-839X, DOI 10.5195/cbp.2013.170, lire en ligne)
- (en-US) « Slovo House — how a special Soviet apartment block for writers became their prison », Euromaidan Press, (consulté le )
- (en) « Writer's house "slovo" », ProSlovo (consulté le )
- (en) « Story of Slovo House : From 1923 to nowadays », ProSlovo (consulté le )
- (en) Bertelsen, « Regional Nationalism and Soviet Anxieties during the Great Terror in Ukraine: The Case of Mykhailo Bykovets' », East/West: Journal of Ukrainian Studies, vol. 3, no 1, , p. 39–74 (ISSN 2292-7956, DOI 10.21226/T2H01C, lire en ligne)
- (en-GB) « 'Slovo House' », Warsaw Institute, (consulté le )
- (en) Serhiy Zhadan et Bob Holman, What We Live For, What We Die For, New Haven, Yale University Press, , 137 p. (ISBN 978-0-300-22336-1, lire en ligne)
- (uk) « ProSlovo.com / Володимир Куліш. Слово про слово », ProSlovo (consulté le )
- (uk) Ministère ukrainien de la Culture, « Кабінет Міністрів України - До Державного реєстру нерухомих пам'яток України внесено 12 об'єктів культурної спадщини національного значення », sur www.kmu.gov.ua, (consulté le )
- (uk) « Дом «Слово»: историческая память без речей и оваций », sur www.mediaport.ua, (consulté le )
- (en) « Historical "Slovo" building was damaged in overnight attacks by Russian army on Kharkiv Kharkiv, Kharkiv Oblast - Ukraine Interactive map - Ukraine Latest news on live map - liveuamap.com », sur Ukraine Interactive map - Ukraine Latest news on live map - liveuamap.com (consulté le )