(Translated by https://www.hiragana.jp/)
Kültepe — Wikipédia Aller au contenu

Kültepe

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
(Redirigé depuis Kanesh)

Kanesh
(tr) Kültepe
Image illustrative de l’article Kültepe
Ruines du kārum (quartier marchand) de Kanesh.
Localisation
Pays Drapeau de la Turquie Turquie
Province Kayseri
Coordonnées 38° 51′ 00″ nord, 35° 38′ 00″ est
Géolocalisation sur la carte : Turquie
(Voir situation sur carte : Turquie)
Kanesh
Kanesh
Géolocalisation sur la carte : province de Kayseri
(Voir situation sur carte : province de Kayseri)
Kanesh
Kanesh
Histoire
Époque IIIe et IIe millénaires av. J.-C.
Localisation de Kanesh et des principaux sites de l'Anatolie hittite.

Kültepe (Colline de cendres en turc) est un site archéologique de Turquie, situé à une vingtaine de kilomètres au nord-est de Kayseri. Il correspond à l’ancienne ville hittite appelée Kanesh et plus tard Nesha au IIe millénaire av. J.-C. Ce site est surtout connu pour avoir livré des milliers de tablettes rédigées par des marchands de la cité d’Assur établis dans le quartier marchand (kārum) de Kanesh entre la seconde moitié du XXe siècle av. J.-C. et le milieu du XVIIIe siècle av. J.-C., fournissant ainsi une source de premier ordre sur le commerce dans la Haute Antiquité.

Les fouilles et la documentation exhumée

[modifier | modifier le code]
Plan du site de Kültepe, divisé entre la ville haute de forme circulaire et la ville basse abritant le « comptoir » des marchands assyriens.

Les premières fouilles sur le site de Kültepe sont le fait de fouilleurs clandestins, durant la seconde moitié du XIXe siècle. Ces tablettes, vendues sur le marché de Kayseri à partir de 1881, attirent l’attention de chercheurs, qui repèrent vite qu’elles proviennent d’un seul et même site, correspondant à l’antique Kanesh. Benno Landsberger identifie en 1924 le site comme étant celui de Kültepe, dont le tell a déjà été fouillé par des Français puis des Allemands, sans livrer de tablettes. L’année suivante, le philologue tchèque Bedrich Hrozny est finalement orienté vers la zone de l’ancien quartier marchand (le kārum), où il trouve un millier de tablettes. Les archéologues turcs prennent le chantier en main après 1948, et depuis le site de Kültepe fait l’objet d’une campagne de fouilles chaque année, et les trouvailles de tablettes ne se sont pas arrêtées.

Le corpus de textes livré par le kārum de Kanesh le place parmi les sites les plus prolifiques du Proche-Orient ancien : 22 000 tablettes répertoriées environ. Des près de 5 000 tablettes et fragments qui ont été exhumés avant 1948, plus des trois quarts proviennent de fouilles clandestines, et se trouvent dans des collections dispersées. Le reste, découvert depuis 1948, se trouve à Ankara. Hormis une poignée de tablettes retrouvées dans le palais royal, la documentation est le fait de marchands de la cité-État d’Assur faisant des affaires en Anatolie. Elle est rédigée dans leur langue, le paléo-assyrien (forme ancienne de l’assyrien), en cunéiforme. Une grosse partie est composée de documents de nature privée : des lettres avant tout. Les tablettes de nature juridique (contrats, actes de vente, de prêts, créances, procès-verbaux, verdicts judiciaires) sont également nombreuses. On a également retrouvé des textes de comptabilité, et quelques exercices scolaires, des incantations, et des textes littéraires[1].

Premières occupations

[modifier | modifier le code]

La citadelle de Kültepe est habitée au moins depuis le milieu du IIIe millénaire. C'est des années 2400-2100 que date un imposant palais situé sur le tell principal, attestant de la présence sur place d'un centre de pouvoir important. Suivant un récit postérieur d'environ un millénaire, un souverain de Kanesh aurait participé à une révolte contre le roi mésopotamien Naram-Sin d'Akkad (v. 2254-2218) aux côtés d'autres souverains d'Anatolie. L'historicité de cet événement est à démontrer, mais il apparaît au moins grâce aux nombreux sceaux mis au jour dans le palais que Kanesh était alors en relations avec la Syrie et la Mésopotamie[2].

Le royaume de Kanesh et ses voisins

[modifier | modifier le code]

La citadelle et le palais

[modifier | modifier le code]

Le sommet du tell surplombe la plaine d’une vingtaine de mètres. La citadelle dont il abrite les ruines a été bâtie vers le milieu du IIIe millénaire. Des niveaux de la période de l’Empire hittite y ont été repérés, mais les fouilles ont surtout concerné la période pré-hittite, dans le palais dit « de Warshama », du nom d’un des rois de Kanesh de l’époque du second comptoir assyrien. Ce palais a brûlé, et on y a retrouvé des poutres en bois qui ont permis de dater sa construction par le procédé de dendrochronologie : le palais aurait été construit vers 1836-1825 av. J.-C., et restauré par endroits vers 1775-1764 av. J.-C.[3]

Kanesh et les royaumes anatoliens

[modifier | modifier le code]

Les sources paléo-assyriennes nous renseignent en effet sur la situation politique de l’Anatolie et de la cité de Kanesh. Celle-ci se trouve dans une région habitée avant tout par des populations parlant des langues indo-européennes, notamment des Hittites. La fin de la période des archives assyriennes correspond à un changement de la situation politique en Anatolie : la région est en voie d’unification sous la houlette des souverains de la cité de Kussara, située au nord de Kanesh, Pithana puis son successeur Anitta. Une inscription au nom de ce dernier a été retrouvée sur une tête de lance mise au jour dans le palais royal. Il semble avoir fait de Kanesh sa capitale.

Après cette époque, le royaume hittite se constitue, dans des circonstances encore non élucidées. Kanesh est en tout cas une ville de ce royaume, et le palais de la citadelle comporte un niveau remontant à la période impériale hittite (XIVe – XIIe siècles). La ville occupe apparemment une position importante dans l’histoire des origines des Hittites, puisque la langue de ce peuple est alors qualifiée de nešumnili, c'est-à-dire la langue « de Nesha », autre nom de Kanesh. Un récit légendaire, parfois appelé Légende de la Reine de Kanesh (CTH 3), renvoie également à la place de la cité dans la tradition relative aux origines du peuple hittite.

Le karum et ses habitants

[modifier | modifier le code]

Résidences et culture matérielle

[modifier | modifier le code]

Le quartier des marchands (kārum) d’Assur était bâti sur la partie basse du tell de Kültepe, protégé par une enceinte. Quatre phases d’occupation y ont été identifiées, celles datant de la première moitié du IIe millénaire, ayant vu l’installation des Assyriens à Kanesh. Le niveau II est celui qui connaît l’occupation la plus importante, et a livré le plus de tablettes. Le kārum est abandonné après la période Ia, qui correspond aux années précédent la constitution du royaume hittite.

Rhyton en forme de lion retrouvé dans le kārum.

Le quartier des marchands est un espace relativement ouvert, traversé par des voies larges, et percé de sortes de places. Les maisons sont regroupées en îlots. Elles connaissent une division classique autour d’un espace central, en trois espaces : magasins (renfermant souvent les archives), bureau et habitation. Certaines possédaient un étage. D’autres habitations de taille réduite ne comportaient que deux salles avec éventuellement une petite cour. Le matériel archéologique retrouvé dans les résidences est toujours de type anatolien. On y a notamment trouvé de la vaisselle : des pots en céramique, des rhytons souvent zoomorphes (lions, aigles), et aussi des objets en métal. Les tombes se trouvaient sous les maisons, et ont également livré quelques objets (armes, bijoux, vaisselle).

En l’absence de matériel archéologique assyrien, ce sont donc les trouvailles de tablettes paléo-assyriennes qui permettent d’identifier les résidences des marchands d’Assur. Celles-ci se trouvent surtout vers le nord du kārum, le sud étant habité surtout par des Anatoliens. Les textes pouvaient être conservés dans des jarres, des paniers, des caisses, ou bien sur des étagères.

Des ateliers ont également été mis au jour : céramistes, métallurgistes, travail de la pierre. Les archéologues pensent également avoir identifié des tavernes. En revanche, aucun bâtiment religieux ou public n’a été identifié, bien qu’ils soient mentionnés dans les textes.

Le commerce assyrien

[modifier | modifier le code]

L'histoire du site devient plus claire grâce aux archives paléo-assyriennes de la première moitié du IIe millénaire. C'est de cette période que datent les archives des marchands assyriens, plus de 20 000 tablettes et fragments, dont un corpus de premier ordre du Proche-Orient ancien, documentant les activités commerciales, mais aussi la politique et la société d'Assur et de l'Anatolie à ces périodes (voir période paléo-assyrienne). Si l’histoire du kārum se divise en quatre niveau archéologiques (les deux premiers remontant à la seconde moitié du IIIe millénaire), les tablettes proviennent majoritairement du niveau II, qui correspond à la période allant environ de 1945 à 1835 av. J.-C., soit du règne de Erishum Ier d’Assur à celui de Naram-Sîn d’Assur. Après un trou d’une vingtaine d’années dans les archives, dont la cause exacte n’est pas élucidée, environ 400 tablettes nous sont parvenues du niveau Ib, correspondant à la période durant laquelle Assur est dominée par la dynastie d’Ekallatum, représentée par Shamshi-Adad Ier (Samsî-Addu) et son fils Ishme-Dagan (d’environ 1800 à 1750 av. J.-C.).

Occupations postérieures

[modifier | modifier le code]
Tête de lance en bronze inscrite au nom du roi Anitta de Kussara.

Époque hellénistique

[modifier | modifier le code]

Le site de Kültepe connaît une réoccupation à l'époque hellénistique, au IIe siècle av. J.-C. C'est alors une petite cité nommée Hanisa/Anisa, ce qui semble être une évolution de son nom antérieur Kanish. Cela est connu grâce à une inscription en grec sur plaque de bronze[4] datée des années 160-150[5] comportant un décret honorant un certain Apollonios, fils d'Abbas, en raison de l'aide qu'il a apporté à la communauté locale dans une dispute légale. Cela atteste l'existence d'une cité grecque (polis) avec ses institutions caractéristiques : conseil (boulè), assemblée (ekklèsia), des magistrats (archon, prytane, demiourgos), une constitution (politeia). La plupart des noms sont indigènes, et le temple où est déposé l'inscription est dédié à la déesse orientale Astarté. Cela signifie qu'on est en présence d'un phénomène d'hellénisation, mais probablement pas d'une colonie grecque, donc d'une adoption volontaire de la culture grecque par imitation par des Indigènes, sans doute sous l'influence de cités grecques voisines[6].

Notes et références

[modifier | modifier le code]
  1. (en) K. R. Veenhof, « Archives of Old Assyrian Traders », dans M. Brosius (dir.), Archives and Archival Tradition: Concepts of Record Keeping in the Ancient World, Oxford, 2003, p. 78-123
  2. (en) F. Kulakoğlu et G. Öztürk, « New evidence for international trade in Bronze Age central Anatolia: recently discovered bullae at Kültepe-Kanesh », sur Antiquity Journal, (consulté le )
  3. (en) M. W. Newton et P. I. Kuniholm, « A Dendrochronological Framework for the Assyrian Colony Period in Asia Minor », dans Türkiye Bilimler Akademisi Arkeoloji Dergisi 7 VII, 2004, p. 165–176.
  4. https://epigraphy.packhum.org/text/287316
  5. https://anatolianarchaeology.net/the-2000-year-old-anisa-plate-shows-that-greek-was-spoken-in-anatolia-at-that-time/
  6. Philippe Clancier, Omar Coloru et Gilles Gorre, Les mondes hellénistiques : du Nil à l'Indus, Paris, Hachette Supérieur, coll. « Carré Histoire », , p. 242.

Sur les autres projets Wikimedia :

Articles connexes

[modifier | modifier le code]

Bibliographie

[modifier | modifier le code]
  • (en) Tahsin Özgüç, « Kaneš », dans Eric M. Meyers (dir.), Oxford Encyclopaedia of Archaeology in the Ancient Near East, vol. 3, Oxford et New York, Oxford University Press, , p. 266-268
  • (en) Fikri Kulakoğlu, « Kültepe-Kaneš: A Second Millennium B.C.E. Trading Center on the Central Plateau », dans Sharon R. Steadman et Gregory McMahon (dir.), Handbook of ancient Anatolia (10,000–323 B.C.E.), Oxford, Oxford University Press, , p. 1012-1030
  • Cécile Michel, Correspondance des marchands de Kaniš au début du IIe millénaire avant J.-C., Paris, Le Cerf, coll. « Littératures anciennes du Proche-Orient »,
  • (en) Cécile Michel, « The Kārum Period on the Plateau », dans Sharon R. Steadman et Gregory McMahon (dir.), Handbook of ancient Anatolia (10,000–323 B.C.E.), Oxford, Oxford University Press, , p. 313-336
  • (en) Klaas R. Veenhof, « The Old Assyrian Period », dans Klaas R. Veenhof et Jesper Eidem, Mesopotamia, The Old Assyrian Period, Fribourg et Göttingen, Universitätsverlag Freiburg Schweiz et Vandenhoeck & Ruprecht, coll. « Orbis Biblicus et Orientalis » (no 160/5), , p. 13-264
  • (en) Mogens Trolle Larsen, Ancient Kanesh : A Merchant Colony in Bronze Age Anatolia, Cambridge, Cambridge University Press,
  • (en) Levent Atici, Fikri Kulakoğlu, Gojko Barjamovic et Andrew Fairbairn (dir.), Current Research at Kültepe-Kanesh: An Interdisciplinary and Integrative Approach to Trade Networks, Internationalism, and Identity, Atlanta, Lockwood Press, coll. « The Journal of Cuneiform Studies Supplemental Series » (no 4),
  • (en) Gojko Barjamovic, « Before the Kingdom of the Hittites: Anatolia in the Middle Bronze Age », dans Karen Radner, Nadine Moeller et Daniel T. Potts (dir.), The Oxford History of the Ancient Near East, Volume 2: From the End of the Third Millennium BC to the Fall of Babylon, New York, Oxford University Press, , p. 497-565

Liens externes

[modifier | modifier le code]