Température potentielle
La température potentielle d'un fluide est celle qu'il aurait si on le comprimait ou détendait adiabatiquement jusqu'à un niveau de pression standard , en général 105 Pa (= 1 atm = 1 000 hPa).
Cette notion est surtout utilisée en météorologie, en océanographie et en géophysique interne (géodynamique et géochimie). Dans le cas de l'atmosphère, on calcule la température qu'aurait une certaine parcelle d'air à la pression de 1 000 hPa, pression proche de la normale à la surface de la Terre. Dans le cas de l'eau, on calcule la température qu'aurait une certaine parcelle d'eau en surface. Dans le cas des roches du manteau, on calcule la température qu'elles auraient si elles remontaient jusqu'à la surface de la Terre sans échange de chaleur avec l'encaissant et sans subir de transitions de phase (de fusion, notamment).
Météorologie
[modifier | modifier le code]Définition
[modifier | modifier le code]La température potentielle est la température hypothétique qu'une parcelle d'air acquerrait si celle-ci était redescendue au niveau de la mer par compression adiabatique. La pression standard pstd est habituellement fixée à 1 000 hPa. La température potentielle s'exprime donc comme suit [1]:
où :
- T est la température absolue de la parcelle d'air exprimée en kelvins ;
- la constante des gaz parfaits pour l'air (qui correspond à avec la constante universelle des gaz parfaits et la masse molaire de l'air) ;
- la capacité thermique massique à pression constante de l'air.
Soient[1] :
- la capacité thermique isobare à pression constante de l'air ;
- la capacité thermique isochore à volume constant de l'air ;
On définit .
Pour un gaz parfait diatomique, l'analyse en physique statistique des degrés de liberté établit que .
La compression adiabatique d'un gaz de la pression p à la pression standard pstd entraîne une augmentation de température comme suit :
Donc après substitution de
Finalement :
Usage
[modifier | modifier le code]Le concept de température potentielle permet de comparer des parcelles d'air venant de différentes hauteurs dans la masse d'air. Cette méthode est appelé analyse isentropique[2].
Ceci donne une mesure de l'instabilité thermique de l'air[3] :
- si diminue avec l'altitude, on a une masse d'air instable ;
- si reste le même avec l'altitude, on a une masse d'air neutre ;
- si augmente avec l'altitude, on a une masse d'air stable.
Le tout est associé aux types de nuages, à la turbulence atmosphérique, au développement de tourbillons de poussière, etc.
Océanographie
[modifier | modifier le code]Définition
[modifier | modifier le code]Dans le cas de l'eau, l'équation se complique du fait de la variation de salinité. On définit alors la température potentielle par :
où est la température, la pression et la salinité. La variation de avec la pression est calculée selon une courbe expérimentale appelée algorithme de Bryden[4],[5],[6].
Usage
[modifier | modifier le code]L'usage est le même que pour la météorologie, soit de connaître le mouvement qu'aura une parcelle d'eau de mer après avoir été déplacée vers le haut ou le bas. Selon la variation de par rapport à l'environnement, il est possible de savoir si elle continuera son mouvement (cas instable) ou reviendra à son point de départ (cas stable). Le tout est associé aux remontées d'eau, à la thermocline, à l’halocline, etc.
Géophysique interne
[modifier | modifier le code]Le concept de température potentielle d'une parcelle de manteau a été introduit par McKenzie et Bickle en 1988[7], afin de pouvoir comparer les températures du manteau dans différents contextes géodynamiques en s'abstrayant de la profondeur. La convention consistant à supposer l'absence de transitions de phase au cours de la remontée adiabatique est due aux grandes incertitudes que leur prise en compte entraînerait ; elle ne remet pas en cause la validité de la comparaison des températures potentielles.
Pour la zone du manteau à l'origine du volcanisme d'Hawaï on trouve ainsi des températures potentielles comprises entre 1 600 et 1 687 °C (moyenne 1 644 ± 38 °C), et pour les zones à l'origine du volcanisme des dorsales 1 350 à 1 396 °C (moyenne 1 365 ± 26 °C)[8],[a].
La température potentielle (moyenne) du manteau permet aussi de quantifier son évolution au cours des temps géologiques. Il semble ainsi établi que cette température potentielle a diminué d'environ 250 K depuis l'Archéen[9].
Notes et références
[modifier | modifier le code]Notes
[modifier | modifier le code]- La différence entre ces deux estimations constitue une validation a posteriori du concept de point chaud (dont les îles Hawaï sont un exemple).
Références
[modifier | modifier le code]- (Rogers et Yau 1989, p. 7)
- Organisation météorologique mondiale, « Analyse isentropique », sur Eumetcal (consulté le ).
- Dr. James T. Moore (Saint Louis University Dept. of Earth & Atmospheric Sciences), « Isentropic Analysis Techniques: Basic Concepts » [PDF], COMET COMAP, (consulté le ).
- « Température et densité de l'eau de mer », Institut des sciences et de l'ingénieur de Toulon et du Var (version du sur Internet Archive).
- Gérard Copin-Montégut et Serge Dallot, « Traitement des données hydrologiques de base » [PDF], Physique et chimie marines, Observatoire océanique de Villefranche-sur-Mer (version du sur Internet Archive).
- Gérard Copi-Montégut, Propriétés physiques de l'eau de mer, Space-Nation, , 16-17 p. (lire en ligne), chap. 3.6 (« Température potentielle »).
- (en) D. McKenzie et M. J. Bickle, « The Volume and Composition of Melt Generated by Extension of the Lithosphere », Journal of Petrology (en), vol. 29, no 3, , p. 625-679 (DOI 10.1093/petrology/29.3.625).
- (en) K. D. Putirka, « A Consensus on Mantle Potential Temperatures? », American Geophysical Union, Fall Meeting 2009, , article no V21F-01 (lire en ligne).
- (en) O. M. Wellera, A. Copley, W. G. R. Miller, R. M. Palin et B. Dyck, « The relationship between mantle potential temperature and oceanic lithosphere buoyancy », Earth and Planetary Science Letters, vol. 518, , p. 86-99 (DOI 10.1016/j.epsl.2019.05.005).
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- (en) R. R. Rogers et M. K. Yau, A short course in cloud physics, Oxford Boston, Butterworth-Heinemann, coll. « International series in natural philosophy » (no 113), , 3e éd., 304 p. (ISBN 978-0-7506-3215-7, OCLC 890663276).
- (en) J. V. Iribarne et W. L. Godson, Atmospheric Thermodynamics, Dordrecht, Pays-Bas, D. Reidel Publishing Company, , 222 p..