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Macédoine
The Wayback Machine - https://web.archive.org/web/20070904071630/http://www.tlfq.ulaval.ca:80/AXL/europe/macedoine.htm
Ex-République yougoslave de Macédoine
Macédoine

Poranešna Jugoslovenska
Republika Makedonija

Capitale: Skopje 
Population: 2,0 millions  (2004)
Langue officielle: macédonien  
Groupe majoritaire: macédonien (61,4 %) 
Groupes minoritaires: albanais (19,2 %), tsigane (6,1 %), turc (3,9 %), croate (1,9 %), bosniaque (1,7 %), bulgare (0,9 %), grec (0,9 %), roumain, aroumain, arabe, mégléno-roumain, monténégrin, hongrois, aroumain (valaque), gagaouze, etc.
Système politique: république parlementaire
Articles constitutionnels (langue): art. 7 et 48 de la Constitution de 1991 
Lois linguistiques: accord du 1er août 2001, Loi sur l'emploi de la langue macédonienne (1998).

1 Situation géographique

La Macédoine (en macédonien: Makedonija) est un pays de 25 333 km² (Belgique: 32 545  km²) situé en Europe de l’Est dans la péninsule des Balkans. La Macédoine est limitée au nord par l'ex- République fédérale de Yougoslavie (aujourd'hui: Serbie-et-Monténégro), à l'ouest et au sud-ouest par l'Albanie, à l'est par la Bulgarie, au sud par la Grèce (voir la carte). La Macédoine est donc totalement enclavée par ces quatre pays qui, pour des raisons différentes, lui sont hostiles. 

La république de Macédoine a proclamé son indépendance en 1991, lors de la désintégration de l'ancienne République fédérale socialiste de Yougoslavie. En raison notamment d'un litige avec la Grèce portant sur son nom (Macédoine) et sur son drapeau, sa reconnaissance internationale a été retardée jusqu'en 1993. 

À la suite d’un compromis avec la Grèce, le nom officiel de la Macédoine est devenu le suivant: la FYROM, c’est-à-dire Former Yougoslavia Republic of Macedonia. Autrement dit en français: l’ex-République yougoslave de Macédoine.

2 Données démolinguistiques

La Macédoine abrite de nombreuses ethnies pour un pays de deux millions d'habitants. Officiellement, il existe 27 minorités en Macédoine, la majorité du pays étant formée des Slavo-Macédoniens, c'est-à-dire les Slaves d'origine macédonienne.

2.1 Les Slavo-Macédoniens

Les Slavo-Macédoniens constituent 61,4 % des habitants de la Macédoine. D’origine slave, ils parlent le macédonien, une langue restée très proche du bulgare et utilisant les caractères cyrilliques. D'ailleurs, Le macédonien et le bulgare sont mutuellement compréhensibles.

Alphabet macédonien (cyrillique)

Cependant, le terme macédonien pour désigner la langue des Slavo-Macédoniens est contesté tant par la Grèce que par la Bulgarie, mais pour des raisons différentes. Pour la Grèce, elle ne reconnaît ni le mot Macédoine ni le mot Macédonien/macédonien pour désigner le pays, son peuple ou sa langue. Pour la Bulgarie, le macédonien est simplement un dialecte de leur propre langue, le bulgare. 

La plupart des Slaves de Macédoine appartiennent à l'Église orthodoxe grecque ou à l'Église orthodoxe macédonienne. 

2.2 Les minorités

Composition ethnique de la Macédoine Au premier rang, les Albanais de religion musulmane représentent 19,2 % de la population et constituent une très forte minorité dans un pays dont la majorité, rappelons-le, ne forme que 61,4 % de la population. Les Albanais vivent majoritairement à l’ouest du pays, près des frontières de l’Albanie, mais aussi près des frontières de l’ancienne province serbe du Kosovo (au nord), là aussi, à forte population albanaise. Bref, les 398 000 albanophones de la Macédoine forment avec les Albanais (3 millions) d’Albanie et ceux de la Serbie (1,6 million) une forte diaspora de plus de cinq millions d’Albanais (voir la carte albanophone à gauche). On peut comprendre que les Macédoniens (au nombre de 1,5 million) redoutent le nationalisme albanais, notamment la sécession éventuelle de la partie ouest du pays, en vue de former une république à population albanaise avec l’Albanie et l’ancien Kosovo de la Serbie. Précisons que l’albanais, comme le macédonien, fait partie des langues de la famille indo-européenne

Précisons que la Macédoine n’a pas su régler ses différends avec ses minorités, particulièrement la minorité albanaise. D’une part, les albanophones réclament une plus grande autonomie et ne veulent pas être considérés comme une simple minorité, d’autre part, les Slaves se méfient des albanophones dont le territoire est mitoyen avec l’Albanie et l’ancien Kosovo de la Serbie. 

Les tensions sont vives dans cette nouvelle Macédoine démocratique surtout que les demandes conflictuelles des Albanais sont liées au recensement. Le dernier recensement date de 1981 alors que les Albanais représentaient officiellement 20 % de la population.

Le gouvernement estime qu’en 1991 les albanophones représentaient 23 % de la population, mais ces derniers affirment qu’ils ont atteint maintenant 40 % de la population en raison de leur taux de natalité plus élevé et de l’immigration albanaise en provenance du Kosovo. De façon réaliste, la plupart des observateurs leur accordent un poids démographique oscillant entre 30 % et 35 %. Une seule certitude: leur nombre augmente en flèche. Ainsi, dans la banlieue nord de Skopje, le fragile équilibre ethnique s’est renversé en faveur des Albanais, et les minarets poussent maintenant un peu partout au milieu des toits de tuile orangées. Cependant, les deux communautés vivent complètement séparées, les communications inter-ethniques étant presque inexistantes, les mariages mixtes, rarissimes.

Groupes ethniques Population Pourcentage Langue maternelle
Macédoniens 1 268 000 61,4 % macédonien
Albanais 398 000 19,2 % albanais
Tsiganes des Balkans 126 000 6,1 % tsigane
Turcs 82 000 3,9 % turc
Croates 40 000 1,9 % croate
Bosniaques 37 000 1,7 % bosniaque
Tsiganes des Sintes 31 000 1,5 %  tsigane sinté
Bulgares 20 000 0,9 % bulgare
Grecs 20 000 0,9 % grec
Roumains 10 000 0,4 % roumain
Aroumains (Valaques) 8 500 0,4 % aroumain
Arabes 6 000 0,2 % arabe
Méglénites 6 000 0,2 % mégléno-roumain
Monténégrins 4 000 0,1 % monténégrin
Hongrois 2 000 0,1 % hongrois
Pomaques 2 000 0,1 % bulgare
Yoruks (ou Turcs des Balkans) 2 000 0,1 % turc gagaouze des Balkans
Italiens 1 000 0,0 % italien
Juifs 1 000 0,0 % serbe
Ukrainiens 200 0,0 % ukrainien
Total (2004) 2 064 700

100,0 %

 

Parmi les autres minorités, il faut mentionner les Tsiganes (6 %) et les Turcs (4 %), mais aussi plusieurs petites communautés parlant le serbe, le croate, le grec, le bulgare, le gagaouze, le valaque ou  l'aroumain, etc. La Macédoine est pour les Aroumains (ou Valaques) le pays de référence. On en compterait entre 8500 et 10 000 (sur un total de 250 000 dans toute l'Europe). La Macédoine les considère comme des «Roumains» (Rumanci), mais les Aroumains ne sont pas d'accord, et ils se nomment Valaques (Vlahina). IL existe aussi une petite minorit. religieuse, les Goranci, qui sont des Macédoniens islamisée et parlant le macédonien. Au total, les minorités de la Macédoine représentent moins de 40 % de la population du pays.

Ajoutons que, lors de la guerre du Kosovo, les Slavo-Macédoniens ont vu leur petit pays de 2,1 millions d’habitants submergé par près de 350 000 Albanais (en moins de deux mois). Combien resteront en Macédoine? La question hante les Slavo-Macédoniens qui craignent encore davantage pour leur fragile «équilibre ethnique». Quoi qu’il en soit, la guerre du Kosovo a envenimé les relations entre les deux communautés (Slavo-Macédoniens et Albanais). La majorité slavo-macédonienne a terriblement peur des Albanais, alors que ces derniers ne leur font aucunement confiance! Au yeux des albanophones, le président de la Macédoine serait considéré comme un criminel encore plus dangereux que l'ex-président Slobodan Milosevic de la Yougoslavie.

3 Données historiques

Tout comme le reste des Balkans, la Macédoine était, depuis la fin du Moyen Âge, sous la domination de l'Empire ottoman (voir la carte de l'Empire ottoman). Toutefois, en raison de la montée du nationalisme des populations assujetties, l'Empire ottoman a subi, au cours du XIXe siècle, des échecs qui contribuèrent à la désintégration progressive de l'Empire. En 1821, ce furent d'abord les Grecs suivis des diverses populations balkaniques de l'Empire, qui commencèrent à se révolter et à revendiquer leur indépendance. Une fois celle-ci acquise, les Grecs, les Bulgares et les Serbes recommencèrent à se battre avec les Turcs, et se disputèrent la Macédoine que tout le monde revendiquait. Les tensions entre les musulmans et les chrétiens ne firent qu'envenimer le conflit.

Pendant la première guerre des Balkans (1912-1913), la Grèce, la Bulgarie et la Serbie réussirent à arracher la Macédoine de l'Empire ottoman. Cependant, un conflit entre ces trois États fut à l'origine de la seconde guerre des Balkans (1913). La majorité de la Macédoine fut alors partagée entre la Serbie et la Grèce, et la Bulgarie n'en reçut qu'une petite partie. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, la Yougoslavie fut démembrée, mais en novembre 1944, le gouvernement de Tito décida que la Macédoine devrait faire partie de la future fédération yougoslave et reconnut la Macédoine yougoslave comme un peuple distinct. En 1946, lorsque la République fédérale socialiste de Yougoslavie fut proclamée, la Macédoine yougoslave devint officiellement l'une des six républiques de ce pays.

Dès le début, la Macédoine yougoslave pratiqua une politique linguistique très répressive à l’endroit de ses minorités. Que ce soit les minorités albanaise, turque, grecque, serbe bulgare, etc., il était interdit, par exemple, de porter des noms étrangers, d’ouvrir des écoles en une autre langue que le macédonien, d’utiliser un autre alphabet que le cyrillique, etc.. La minorité grecque semble avoir été particulièrement touchée, comme en font foi ces interdictions:

- Interdiction d'utiliser la langue grecque
- Interdiction d'enseigner la langue grecque

- Interdiction de toute revendication pour la reconnaissance des droits minoritaires aux Grecs et aux Valaques d’origine grecque
- Obligation de changer de nom: par exemple, M. Mariolas est devenu M. Mariolof et Dimitriou est devenu Dimitrof, etc.

Par ailleurs, toutes les pièces d'identité se sont vu ajouter la lettre K en majuscule, afin de les reconnaître, tout comme l'étoile de David qui servait aux SS à reconnaître les Juifs. Cette pratique n’a, semble-t-il, pris fin qu’en 1955.

Les tensions entre les nationalités de la Macédoine yougoslave se manifestèrent à la fin des années soixante, notamment avec la minorité albanaise qui réclamait plus d’autonomie. Après la mort du maréchal Tito en 1980, la Macédoine, à l’instar des autres républiques yougoslaves, commença à manifester son mécontentement vis-à-vis du gouvernement fédéral dominé par les Serbes, et la minorité albanaise fit de même à l’encontre du gouvernement macédonien. À partir de 1981, le gouvernement tenta de mettre fin au nationalisme albanais, mais tandis qu’il permettait, d’une part, plus de droits dans les domaines de la langue et de l'enseignement, il interdisait, d’autre part, les noms albanais et essayait de réduire le taux élevé de natalité des Albanais. Face à ces mesures, les Albanais répondirent par des manifestations populaires à la fin des années 1980. Les communistes, alors au pouvoir, modifièrent la Constitution de la République et déclarèrent la Macédoine comme étant l'État des Macédoniens, omettant de mentionner les minorités de la république yougoslave. 

Une fois que les républiques de Croatie et de la Slovénie eurent déclaré officiellement leur indépendance de la Yougoslavie (en juin 1991) et eurent été pleinement reconnues par la communauté internationale, la Macédoine yougoslave tint, le 8 septembre 1991, un référendum sur cette question. La très grande majorité de la population, soit 95 %, vota pour l'indépendance. Au mois d’octobre de la même année, la Macédoine yougoslave proclama son indépendance et devint la république de Macédoine, mais reconnue officiellement sous la dénomination de ex-République yougoslave de Macédoine.

4 La difficile naissance de la république de Macédoine

La souveraineté de la nouvelle république indépendante de 1991 ne fut pas reconnue tout de suite par la communauté internationale. D’abord, la Grèce refusa en effet de reconnaître la République tant que son nom n'aurait pas été modifié, du fait que la «Macédoine» était le nom d'une province grecque et que des articles de la Constitution macédonienne impliquaient des prétentions territoriales sur la Grèce du Nord. Quant à la Bulgarie, elle refusait de reconnaître le macédonien comme langue officielle de ce nouveau pays, estimant qu’il s’agissait là d’un dialecte de sa propre langue officielle. À la suite de pressions internationales, le Parlement modifia la Constitution et déclara que la République ne revendiquait aucun territoire en Grèce ou dans tout autre pays.

Mais les tensions politiques internes et les rivalités entre les nationalités s'intensifièrent. Des émeutes éclatèrent dans la capitale à l’automne de 1992 et mettaient aux prises les forces de l’ordre et les Albanais. L'afflux de quelque 50 000 réfugiés venant de Bosnie-Herzégovine ne fit qu’ajouter à la crise. Finalement, après bien des tractations au plan international, le 8 avril 1993, la république de Macédoine fut reconnue par la communauté internationale lorsqu'elle devint membre de l'Organisation des Nations unies sous le nom de ex-République yougouslave de Macédoine. Le 9 novembre 1995, la Macédoine est devenue membre du Conseil de l'Europe.

Mais la Macédoine demeure au bord de la guerre civile. La minorité albanophone continue de s'opposer aux Slavo-Macédoniens, les armes à la main. Ces derniers semblent appliquer la devise suivante aux Albanais: «Un bon Indien est un Indien mort.»  Et la spirale de l'affrontement ethnique est engagée, sans trop d'espoir que la situation s'améliore à court terme. Mais après six mois d’affrontement entre la guérilla albanaise et les forces gouvernementales, les dirigeants macédoniens et albanais du pays ont conclu, le 1er août 2001, un premier accord pour tenter de ramener la paix dans le pays. L’accord porte notamment sur le statut de la langue albanaise en Macédoine. Après de longs entretiens, les Macédoniens et les albanophones ont réussi provisoirement à harmoniser leurs positions sur la question linguistique. Cependant, l’officialisation de l’albanais est conditionnée par la conclusion d’un accord global de règlement du conflit albano-macédonien.

5 Le Constitution de 1991 

La nouvelle Constitution de 1991 souleva rapidement des polémiques de la part des minorités, notamment la minorité albanaise, même si les dispositions garantissaient des droits fondamentaux aux citoyens de la République, c’est-à-dire les personnes vivant dans le pays depuis au moins quinze ans. 

Le préambule de la Constitution se réfère à l'héritage historique, culturel, spirituel et étatique du peuple macédonien, à sa lutte séculaire pour la création de son État et à ses traditions. Il est spécifié qu’il existe un peuple-nation macédonien constitutif qui représente la majorité du pays. À côté du peuple macédonien, le législateur identifie des minorités, au nombre de 27, dont les droits se trouvent reconnus et protégés par la Constitution. Quatre minorités (Albanais, Turcs, Valaques, Tsiganes) sont expressément mentionnées dans le préambule de la Constitution:

Préambule

La Macédoine est constituée comme État national du peuple macédonien, qui assure une égalité complète des droits civiques et une cohabitation durable du peuple macédonien avec les Albanais, Turcs, Valaques, Rom/Tsiganes et autres nationalités qui habitent la République de Macédoine.

Le problème, c’est que cette déclaration constitutionnelle n'a jamais obtenu l’appui des Albanais ni des autres minorités. Forts de leur nombre, les Albanais ont violemment protesté contre le statut infériorisant de minorité qui leur est conféré, car ils ambitionnaient de se voir octroyer un statut constitutionnel égal à celui des Slavo-Macédoniens, étant donné qu’ils s'estiment être un des peuples constitutifs de la Macédoine pluriethnique. Ils réclament non seulement un recensement honnête pour déterminer l’ampleur exacte de la communauté albanaise de souche, mais aussi une médiation internationale pour faire disparaître les inégalités entre la majorité slave et la minorité albanophone. Les minorités turques et tsiganes, pour leur part, ont présenté des revendications relativement similaires. Quant aux petites minorités non mentionnées, les Serbe, les Croates, les Grecs, les Bosniaques, les Bulgares, etc., elles soulignent que la Constitution les discrimine en leur déniant le statut formel de nationalités. En somme, la nouvelle Constitution ne fait l’unanimité que dans le camp des Slavo-Macédoniens parce que ce sont eux seuls qui l’ont élaborée.

Pourtant, comme le précise l’article 9 de la Constitution, l’égalité de tous les citoyens est reconnue devant la loi, quels que soient leur sexe, leur race, leur couleur de peau, leur origine nationale ou sociale, leurs convictions politiques ou religieuses, leur situation patrimoniale ou sociale: 

Article 9

1) Les citoyens de la république de Macédoine sont égaux au regard de leurs libertés et de leurs droits, quels que soient leur sexe, leur race, leur couleur de peau, leur origine nationale ou sociale, leurs convictions politiques ou religieuses, leur situation patrimoniale ou sociale. 

2) Tous les citoyens sont égaux devant la Constitution et la loi.

De plus, étant donné l’importance de la religion, surtout pour les Slavo-Macédoniens, les Albanais, les Turcs et les Grecs, l’article 19 reconnaît la liberté de la confession religieuse: 

Article 19

1) La liberté de confession religieuse est garantie. 

2) Le droit d'exprimer sa foi librement et publiquement et individuellement ou collectivement est garanti. 

3) L'Église orthodoxe macédonienne et les autres communautés et groupes religieux sont libres de créer des écoles et autres institutions sociales ou charitables selon la procédure arrêtée par la loi.

6 L’officialisation du macédonien et les droits constitutionnels

Le fait que l’article 7 de la Constitution de 1991 proclame le macédonien comme langue officielle a soulevé beaucoup de controverses dans ce pays où la majorité macédonienne ne compte que pour 66 % de la population: 

Article 7

1) Le macédonien qui est écrit en caractères cyrilliques, est la langue officielle de la république de Macédoine.

Cependant, d’autres langues sont admises au sein des collectivités locales (par. 2 et 3 du même article):

2) Dans les collectivités administratives locales autonomes où la majorité des habitants appartiennent à une minorité nationale, outre le macédonien et l'alphabet cyrillique, la langue de cette minorité et son alphabet sont également considérés comme officiels, selon les modalités déterminées par la loi. 

3) Dans les collectivités administratives locales autonomes où un nombre important d'habitants appartient à une minorité nationale, outre le macédonien et l'alphabet cyrillique, la langue et l'alphabet de cette minorité auront également un statut officiel, dans les conditions et selon les modalités prescrites par la loi.

C’est justement ce caractère officiel à l’échelle du pays accordé uniquement au macédonien qui a soulevé la colère des albanophones; ceux-ci estiment que la Macédoine devrait être officiellement bilingue. Les albanophones, parce qu’ils constituent 23 % (officiellement) de la population, ne veulent pas être considérées comme une simple minorité et veulent, on le sait, se voir octroyer un statut égal à celui des Slavo-Macédoniens. D’ailleurs, certaines pratiques sont estimées injustes et humiliantes. Ainsi, en 1995, l’Assemblée nationale a présenté un projet de loi visant à interdire l’emploi de la langue albanaise sur les cartes d'identité et les passeports. Tous les députés albanais de l'Assemblée nationale défilèrent dans les rues de Skopje pour protester contre ce projet de loi jugé discriminatoire. Le gouvernement a soutenu qu’il n’existe qu’une seule langue officielle. Or, d’après les dispositions constitutionnelles, tous les citoyens de la Macédoine sont égaux devant la loi.

Néanmoins, l'article 2 de la Loi sur l'emploi de la langue macédonienne (1998) précise que «l'emploi du macédonien comme langue officielle est un droit et un devoir de la part des citoyens de la République»:

Article 2

L'emploi du macédonien comme langue officielle est un droit et un devoir de la part des citoyens de la République.

Cela dit, l'article 4 permet l'usage des langue minoritaires:

Article 4

La présente loi ne limite pas le droit des personnes appartenant à la minorité d'employer officiellement la langue et l'alphabet des minorités dans les collectivités d'autonomie locale, conformément à la Constitution et à la législation de la République de Macédoine.

L'article 5 de la Loi sur l'emploi de la langue macédonienne précise les emplois où la langue macédonienne est obligatoire:

Article 5

(1) La langue macédonienne, en plus de son emploi dans les organismes gouvernementaux de l'État, dans les instances d'autonomie locale et dans la ville de Skopje, est aussi utilisée dans :

- les sociétés commerciales, entreprises, établissements et autres personnes morales enregistrés dans la République;
- les dénominations, annonces et panneaux d'affichage des personnes morales;
- les dénominations et instructions pour les produits, médicaments, étiquettes, facturations, etc.;
- les factures, reçus et autres informations sur l'emballage des produits, médicaments, etc.;
- la désignation des places publiques;
- les annonces dans les équipements publics et les moyens de transports en commun;
- le sous-titrage ou le doublage des films et des émissions en langues étrangères qui sont diffusés en public; 
- le sous-titrage et le doublage dans les variétés de la langue macédonienne quand ils ne sont pas en conformité avec le paragraphe 2 de l'article 1 de la présente loi et qu'ils ne sont pas diffusés en direct;
- les traités internationaux et autres accords internationaux conclus par la République; et
- d'autres cas semblables.

(2) Les exceptions au paragraphe ! du présent article sont réglementées conformément à la loi.

Il convient également d'ajouter l'article 7 qui concerne les textes officiels:

Article 7

(1) Les textes officiels des pouvoirs législatifs, exécutifs et juridiques, l'autonomie locale, les manuels scolaires, les expositions, la presse, les traductions et autres textes publiés en vertu du paragraphe 1 de l'article 5 de la présente loi sont obligatoirement édités en macédonien.

De plus, l'article 8 permet au gouvernement de la République, sur proposition du ministère de la Culture, du ministère de l'Éducation nationale et des Sports, ainsi que du ministère de la Science, de créer un Conseil de la langue macédonienne en tant qu'organisme expert. Le Conseil accomplit notamment les tâches suivantes : il donne des avis, suggestions, directives et recommandations pour l'emploi, la protection, l'avancement et l'enrichissement de la langue macédonienne, incluant la terminologie dans tous les secteurs scientifiques; il oeuvre afin de découvrir des formules et des solutions pour la protection, l'avancement et l'enrichissement de la langue macédonienne; il suggère des programmes pour la protection, l'avancement et l'enrichissement de la langue macédonienne dans tous les secteurs de la communication officielle, qu'il présente officiellement au gouvernement de la république de Macédoine; il oeuvre dans le domaine de l'éducation linguistique appropriée et de la culture; il publie des travaux sur la langue macédonienne.

Selon les termes de l’accord du 1er août 2001, l’albanais semble avoir fait une percée significative. Il est prévu que le macédonien restera la seule langue officielle dans tout le pays et demeurera également la langue des relations internationales, mais l’albanais obtiendra le statut de co-officialité dans les zones où la population albanophone constitue au moins 20 % de la population totale.

En matière de droits accordés aux minorités nationales, l’article 48 de la Constitution contient un certain nombre de dispositions particulières, mais elles ne concernent que les domaines de la culture et de l’éducation:

Article 48

1) Les membres des minorités nationales ont le droit d'exprimer, d'encourager et de développer librement leur identité et leurs spécificités nationales. 

2) La république de Macédoine garantit la protection de l'identité ethnique, culturelle, linguistique et religieuse des minorités nationales. 

3) Les membres de ces minorités ont le droit de créer des institutions à vocation culturelle et artistique, ainsi que des associations à vocation scolaire et autre ayant pour objet l'expression, l'encouragement et le développement de leur identité. 

4) Les membres de ces minorités ont droit à un enseignement primaire et secondaire dans leur langue, selon les modalités définies par la loi. 

5) Dans les écoles où l'enseignement est dispensé principalement dans la langue d'une minorité nationale, le macédonien sera également étudié.

Afin de veiller aux questions touchant aux relations inter-ethniques dans la république de Macédoine, le gouvernement a créé, par l’article 78 de la Constitution, le Conseil des relations inter-ethniques. Ce conseil est dirigé par le président du Parlement et est composé de deux membres choisis au sein des groupes linguistiques représentant les Macédoniens, les Albanais, les Turcs, les Valaques (Roumains provenant de la Valachie) et les Tsiganes, ainsi que de deux membres pour chacune des autres nationalités présentes en république de Macédoine et représentées au Parlement (à la condition qu’elles fassent élire des députés). 

Le Conseil des relations inter-ethniques doit examiner les questions touchant aux relations inter-ethniques dans la république de Macédoine, procéder à des évaluations et formuler des propositions pour résoudre ces questions. Le Parlement est obligé de tenir compte des évaluations et des propositions du Conseil et de prendre des décisions à cet égard. 

Cependant, la création du Conseil des relations inter-ethniques a été fortement critiquée par les représentants des minorités non expressément nommées: les Serbes, les Bosniaques, les Grecs, etc. De plus, d’après plusieurs dirigeants des diverses nationalités, le Conseil des relations inter-ethniques représentant les nationalités principales du pays n'a pas encore joué un rôle actif depuis sa création. 

Soulignons aussi que la Macédoine a signé et ratifié, en tant que membre du Conseil de l’Europe, les protocoles nos 7 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (10 avril 1997), ainsi que la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (10 avril 1997); le gouvernement a par ailleurs signé, le 25 juillet 1996, la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (1992).

Le 15 novembre 2001, le Parlement macédonien a proclamé la nouvelle Constitution, axe central de l’accord de paix d’Ohrid, qui élargit les droits de la minorité albanaise vivant dans le pays. Les députés ont voté 15 modifications à la Constitution de 1991. L’albanais est devenu l’une des deux langues officielles avec le macédonien et les albanophones obtiennent une représentation accrue dans la fonction publique. Les modifications garantissent des mécanismes de blocage lors des votes au Parlement sur les lois à caractère culturel. Le préambule de la Constitution, également modifié, mentionne les albanophones et autres groupes minoritaires vivant en Macédoine comme des «peuples» en les distinguant cependant du «peuple macédonien» majoritaire. Le texte du préambule avait été le point de désaccord majeur entre les deux camps, les nationalistes macédoniens refusant d’abandonner la référence au «peuple macédonien» majoritaire, alors que la version initiale de l’accord d’Ohrid ne mentionnait que les «citoyens» habitant la Macédoine.

7 Les droits reliés à la législature 

La politique linguistique du gouvernement macédonien a souvent fait l’objet de vives critiques. Il semble, d’une part, que les prescriptions constitutionnelles ne soient pas toujours appliquées, d’autre part, que les droits linguistiques ne recueillent jamais l’appui des minorités de la république de Macédoine. Voyons néanmoins ce qu’il en est à ce sujet.

Parce que seul le macédonien jouissait jusqu'à maintenant du statut de langue officielle pour l’ensemble du pays, les langues des minorités ne peuvent en principe être utilisées au Parlement et les lois ne sont rédigées et promulguées qu’en macédonien. Conformément à l'article 3 du Règlement de l'Assemblée de la République, la langue officielle est la normalement utilisée au parlement, sauf si un député représentant au moins 20 % de citoyens décide d'utiliser une autre langue:

Article 3

1) La langue officielle de l'Assemblée est la langue macédonienne et son écriture cyrillique.

2) Un député qui parle une langue différente du macédonien; parlée d'au moins de 20 % de citoyens de la république de Macédoine, peut se servir de cette langue aux sessions de l'Assemblée et des groupes de travail.

Mais le règlement ne dit pas qu'il y aurait un système de traduction simultanée au cas où un député s'exprimerait dans une langue minoritaire, ce qui inclut l'albanais. En l'absence de traduction, le parlementaire risque de ne pas être compris, ce qui dénie quelque peu ce droit de pouvoir  s'exprimer dans une autre langue que le macédonien. Quoi qu'il en soit, il ne peut s'agir que de l'albanais, seule langue pouvant être parlée par au moins 20 % de la population. Cela dit, les membres des minorités nationales ont le droit d’être représentés au Parlement: on compte, selon les résultats des élections, généralement une vingtaine de députés albanais, deux députés tsiganes, un député turc et un député serbe (la situation pouvant évidemment changer d’une élection à l’autre).

Par ailleurs, les albanophones disposent normalement de cinq ministres au sein du gouvernement. Depuis décembre 1999, la Macédoine est dirigée par une coalition de deux partis slavo-macédoniens (l’Alternative démocratique et l’Organisation révolutionnaire interne de Macédoine) et du Parti de la prospérité démocratique des Albanais en Macédoine. Le nouveau gouvernement a aussitôt tenté de s’illustrer par une politique dite d’assouplissement ethnique. Depuis l’accord du 1er août 2001, l’usage de l’albanais est maintenant autorisé, à la fois pour les documents importants, les séances plénières et dans les commissions. Les lois macédoniennes seront dorénavant rédigées en deux langues, en macédonien et en albanais.

Le gouvernement macédonien avait auparavant, à plusieurs reprises, refusé d’accéder aux demandes de certains dirigeants albanais qui réclamaient l’usage de l’albanais dans les communications officielles entre les députés albanais du Parlement et les ministres albanais du gouvernement. Dorénavant, l’usage de la langue albanaise sera permis, mais seule le macédonien restera la langue officielle au niveau du gouvernement central.

Quelques minorités sont représentées par des partis politiques dûment reconnus. Le Parti de la prospérité démocratique des Albanais en Macédoine représente les intérêts des Albanais au Parlement. La minorité turque est constituée en deux partis politiques distincts: le Parti démocratique des Turcs de Macédoine et le Parti pour l’action démocratique de la voie islamique. Les Serbes, pour leur part, ont fondé le Parti démocrate serbe de Macédoine et le Parti des Yougoslaves de Macédoine. Enfin, les Tsiganes ont leur Parti pour l’émancipation complète des Rom

8 La justice

La Constitution ne fait aucune mention des langues permises dans le domaine de la justice. Néanmoins, tous les membres d’une minorité disposant d’une collectivité locale ont le droit de comparaître dans une cours de première instance en utilisant leur langue. Il ne semble pas y avoir de difficulté pour les Albanais, les Tsiganes et les Turcs, mais les plus petites minorités doivent recourir généralement aux services d’un interprète. Les cours d’appel ne fonctionnent qu’en macédonien, sauf pour les albanophones. De toute façon, l’accord du 1er août 2001 prévoit l’utilisation légale de la langue albanaise dans les tribunaux de première instance.

Dans le domaine de la justice, les minorités, surtout la minorité albanaise, se plaignent d’être sous-représentées au sein des différents services judiciaires. On compte très peu de juges membres des minorités nationales, ce qui complique les délibérations et les échanges lors des procès parce qu’on doit faire appel à des interprètes, le juge ne comprenant pas la langue de l’accusé. Les albanophones affirment subir des inégalités et être victimes de différentes formes de discrimination en cette matière: non seulement le nombre des juges albanais est insuffisant, mais le droit à la langue consiste le plus souvent à ne pas être compris dans les cours de justice. 

90 L’administration gouvernementale

La langue de l’administration est normalement le macédonien, mais les minorités organisées en collectivité locale ont le droit d’obtenir des services dans leur langue. L’un des problèmes réside dans le fait que les minorités restent sous-représentées dans la fonction publique et que les Slavo-Macédoniens ignorent presque toujours l’albanais ou le turc, pour ne nommer que ces deux langues. Ce n’est pas pour rien que les minorités soulèvent certaines allégations de discrimination non seulement dans les offres de services en langue minoritaire (p. ex., en albanais), mais aussi dans l’accès aux postes de la fonction publique au sein des organismes et ministères de l’État. Selon des rapports non officiels, la minorité albanaise, qui forme officiellement 23 % de la population, n’était représentée qu’à 2 % en 1990 et elle ne serait passée qu’à 7 % aujourd’hui; le gouvernement prétend qu’il s’agit plutôt de 14 %, mais il n’en demeure pas moins que la communauté slavo-macédonienne – la plupart de ceux-ci sont unilingues – est nettement sur-représentée dans la fonction publique et la police. 

La sous-représentation des albanophones dans la police constitue aussi un problème majeur. Même dans des régions peuplées principalement d’Albanais, seulement 4 % du personnel de police est d’origine albanaise. Le ministère de l’Intérieur soutient pourtant avoir fait des efforts pour recruter des candidats de police albanais, mais les dirigeants albanais affirment que le gouvernement pratique une discrimination honteuse à leur égard. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si la police abuse de ses pouvoirs en matière d’arrestation et de détention. Les albanophones accusent les forces policières d’employer fréquemment une force excessive à l’égard de toutes les minorités. Ils affirment même que les membres des minorités sont souvent arrêtés sans mandat et violentés jusqu'à ce qu’ils avouent "leur crime". Les forces de police sont aussi accusées d’enfreindre la loi qui les oblige à ne pas dépasser le délai de 24 heures pour informer dans sa langue un citoyen des raisons de son arrestation. D’ailleurs, la communauté internationale, dont le Département d'État américain sur les droits de l'homme, a souvent adressé des reproches au sujet du comportement illégal de la police et des violations de droits de l'homme. Selon des députés albanais, les États-Unis porteraient une certaine responsabilité pour le comportement abusif des policiers macédoniens. Les États-Unis auraient, en effet, formé au moins 329 officiers de police, incluant un groupe de forces spécialement entraînées dans les cas les plus sévères de brutalité policière. Certains diplomates affirment aussi que la prétendue démocratique Macédoine continue de terroriser les minorités par des visites de police dans les maisons et de les menacer de chantage, de congédiement à leur travail ainsi que d'autres mesures de dissuasion.

Le seul effort valable dans l’attribution des employés de l’État semble avoir été réalisé dans l’armée où les albanophones comptent pour 25 % des soldats, mais la représentation des officiers n’est que de 8 %; elle serait de 14 % pour les nouveaux cadets admis à l’Académie militaire.

10 Le droit à l’instruction minoritaire

Dans les écoles où l'enseignement est dispensé dans la langue d’une nationalité, conformément à l’article 48 de la Constitution, le macédonien doit également être étudié dès le primaire (durée de huit ans). 

10.1 Les Albanais

Dans l'enseignement primaire, 25 % des élèves albanais reçoivent à l'heure actuelle une éducation dans leur langue maternelle, ce qui est insuffisant puisque 100 % des enfants albanais ont le droit constitutionnel de recevoir une instruction dans leur langue maternelle. D’après les leaders albanais, le nombre de leurs écoles est nettement insuffisant ainsi que leur pourcentage d’accès aux les écoles secondaires et à l'université. En effet, seulement un tiers des enfants albanais se rend au secondaire, d’une part, à cause du manque de classes disponibles, d’autre part, parce que dans les régions rurales beaucoup d’Albanais ne voient aucun besoin d'éduquer leurs enfants, surtout les filles, au-delà de la huitième année. De plus, les albanophones estiment que le nombre des professeurs albanais est nettement insuffisant.

Le gouvernement affirme respecter les prescriptions constitutionnelles limitées au primaire et au secondaire, bien que l‘éducation supérieure ne soit pas disponible dans la langue albanaise à l'exception de la formation des professeurs. Mais, là encore, les Slavo-Macédoniens ont violemment protesté lorsque que le gouvernement a autorisé la formation des enseignants en albanais à la Faculté de pédagogie de l’Université de Skopje.

Qu’à cela ne tienne, les albanophones ont donc décidé de se doter eux-mêmes d’une université, une sorte de réplique de l'université clandestine de Pristina (Kosovo). Ils ont rassemblé une partie des sommes nécessaires pour créer, en 1995, une université albanaise à Tetovo, ce qui a eu pour effet de soulever une véritable émeute chez les Slavo-Macédoniens (avec morts et blessés). À la veille de l'ouverture officielle de cette université, en février 1997, des manifestations anti-albanaises ont eu lieu à Skopje. Au moyen de slogans, les Slavo-Macédoniens ont accusé les Albanais de s’être servis de l’argent sale du marché de la drogue, lequel aurait contribué au financement de cette université – les albanophones de la Macédoine sont soupçonnés de contrôler une partie du marché de la drogue en Autriche, en Allemagne, en Hongrie, en République tchèque, en Pologne et en Belgique. Selon les albanophones, les Slavo-Macédoniens ne veulent tout simplement pas d’université albanaise dans leur pays. En fait, l’université n’a tout simplement pas de statut officiel et semble financée par les dons de la population. Selon le recteur de l’université, chaque Albanais de Macédoine verserait un mark allemand par mois pour l’université.

Néanmoins, en 1998, l’université libre de Tetovo disposait de 300 professeurs et de 4270 étudiants, avec un budget annuel de trois millions de Deutsche Mark. Pour les albanophones, cette université signifie qu’ils ont droit, eux aussi, à l'éducation supérieure afin de permettre l'émergence de cadres capables de les représenter et de cogérer le pays. Pour les Slavo-Macédoniens, au contraire, il s'agit d'une immixtion d'extrémistes kosovars dans les affaires intérieures de la Macédoine. Encore une fois, cette question de l’université de Tetovo démontre que les relations entre la minorité albanaise et la majorité macédonienne restent toujours conflictuelles.

10.2 Les Turcs

Les Turcs, qui comptent pour près de 4 % de la population, se plaignent aussi de l’attitude du gouvernement en matière d’éducation. 

Un litige a été soulevé par des parents qui veulent éduquer leurs enfants en turc malgré le fait que ces derniers ne parlent pas le turc à la maison. Le ministère de l’Éducation interdit à ces enfants l’enseignement en turc en s’appuyant sur la Constitution qui ne prévoit pas un enseignement dans une langue étrangère pour les minorités. Les parents ont proposé d’embaucher eux-mêmes des professeurs, mais le gouvernement a refusé en prétextant que cette sorte d'instruction privée ne pourrait pas légalement être autorisée. Pour les Turcs, cela signifie que le gouvernement ne reconnaît pas sa minorité turque et ne leur donne pas l'autorisation d'enseigner dans les écoles turques, ce qui expliquerait le peu d’enfants de cette minorité à l'école.

10.3 Les Tsiganes

Les Tsiganes, pour leur part, qui comptent pour 2,3 % de la population, disposent d’écoles primaires où l’on enseigne la langue romani. Toutefois, le gouvernement avait promis en 1994 d’accorder une subvention afin de faire rédiger une grammaire tsigane pour leurs enfants; les Tsiganes ont attendu trois ou quatre ans de plus. 

10.4 Les Serbes

Quant aux Serbes, ils ont la possibilité de donner une instruction en serbe dans les écoles primaires, là où ils sont en majorité, mais ils se plaignent également de discrimination. Ils affirment avoir de la difficulté à enseigner librement leur religion dans leurs écoles et vivre en conformité avec les préceptes de l’Église orthodoxe serbe.

10.5 Les Valaques

Il en est de même avec les Valaques (ou Aroumains) qui ont la possibilité d'étudier leur langue dans quelques écoles primaires de l'État: depuis 1995-1996, plus de 350 élèves ont droit à une heure hebdomadaire d'enseignement en aroumain (valaque).

Quant aux autres minorités, croate, grecque, bulgare, etc., elles disposent en principe du droit à l’enseignement dans leur langue maternelle au primaire et au secondaire, mais aucun rapport ne fait mention de leur insatisfaction à leur sujet. On peut supposer que, si les minorités mentionnées précédemment se montrent insatisfaites à ce sujet, il en est probablement de même pour les plus petites minorités. 

11 Les médias et les langues minoritaires

De façon générale, les minorités n’ont pas de difficulté à obtenir des journaux et des stations de radio ou de télévision dans leur langue. Plusieurs quotidiens et hebdomadaires sont publiés à Skopje et la plupart des autres villes importantes disposent de journaux locaux. Certains journaux et magazines, surtout albanais et turcs, sont subventionnés par le gouvernement: par exemple, le Birlik (turc) et le Flaka e Vëllazërimit (albanais) paraissent trois fois par semaine. Précisons qu’en Macédoine beaucoup de journaux appartiennent au gouvernement, lequel peut ainsi orienter la politique éditoriale et filtrer certaines informations. Néanmoins, selon un rapport du Département d'État américain sur les droits de l'homme en Macédoine, les journalistes peuvent critiquer le gouvernement et celui-ci ne semble pas exercer de représailles ni pratiquer de censure.

De plus, les minorités nationales ont aussi accès aux médias étrangers, mais les distributeurs de magazines et journaux doivent obtenir la permission du ministère de l’Intérieur pour les vendre aux citoyens macédoniens. Heureusement, toutes les requêtes semblent être approuvées sans trop de problèmes.

Pour ce qui est de la radio-télévision nationale – un monopole d’État – seules les quatre minorités mentionnées dans la Constitution (Albanais, Turcs, Valaques, Tsiganes) disposent d’une programmation de radio-télévision. Cependant, le temps réservé aux langues de ces nationalités est estimé par elles insuffisant: par exemple, trois heures par jour en albanais à la télé, et six heures par jour à la radio. De plus, les albanophones disposent de stations de télévision et de radio privées dans des villes comme Tetovo. La télévision nationale diffuse quotidiennement en turc une programmation d’une heure et demie et la radio nationale diffuse trois heures et demie, ainsi qu’en romani (tsigane) 20 minutes par semaine; en outre, elle diffuse une émission en serbe de 30 minutes, deux fois par semaine. Quant aux Valaques, ils ont à l'heure actuelle des émissions de 30 minutes, deux fois par semaine à la télévision nationale et de 30 minutes tous les jours à la radio nationale. Les stations de radio locales dans les municipalités de Stip, Krusevo, Struga et Ohrid offrent également des émissions hebdomadaires en langue aroumaine.

Il existe, par ailleurs, des douzaines de petites stations de radio et de télévision privées locales à travers le pays. Une nouvelle loi sur la radio-diffusion a été adoptée afin de créer un Conseil de diffusion pour émettre des permis et amener un certain ordre à l'encombrement des ondes de fréquence actuelles. De plus, les récepteurs individuels de satellite ne sont pas contrôlés et ils sont nombreux dans tout le pays. La câblo-distribution est aussi en croissance.   

12 L'accord de paix d'août 2001

Il semble préférable, à cette étape-ci, de dresser un tableau des points clés de l’accord de paix en Macédoine. Il s’agit de l’accord global du 1er août 2001 et entériné le 13 août par la guérilla albanaise et les représentants du gouvernement macédonien. Bien que cet accord n’ait pas été officiellement rendu public, les journaux en ont fait largement état. Il porte sur le statut de la langue albanaise, la réforme de la police, les modifications à apporter à la Constitution de 1991 et sur l’amnistie de l’UCK (Armée de libération du Kosovo).

Selon les termes de cet accord, la Constitution de 1991 sera modifiée pour supprimer la référence selon laquelle les Slavo-Macédoniens sont le seul peuple fondateur du pays. La société macédonienne sera considérée désormais comme composée de citoyens issus de différents groupes ethniques.

L’accord institue un système de «double majorité» au Parlement, qui prévoit que pour être adopté un texte doit réunir au moins la moitié des voix d’une ou de plusieurs formations représentant les minorité ethniques. La langue albanaise fait ainsi son entrée au Parlement : l'usage de l'albanais sera autorisé à la fois pour les documents importants (dont les lois), les séances plénières et dans les commissions, de même que devant les tribunaux. Toutes les lois seront rédigées en deux langues, en macédonien et en albanais. En revanche, seul le macédonien pourra être utilisé par le gouvernement macédonien (sauf dans les zones albanophones désignées).

L’albanais devient la seconde langue officielle dans les régions où les albanophones constituent plus de 20 % de la population. Les Albanais pourront alors s’adresser au gouvernement en albanais. Dorénavant, l’État garantit la représentation proportionnelle des minorités à la Cour constitutionnelle (tribunal suprême), ainsi que la fonction publique et la police. Il y aura une décentralisation accrue, particulièrement en faveur des collectivités locales à majorité albanaise, qui pourront même nommer les chefs de police à partir de listes approuvées par le gouvernement macédonien.

L’État s’engage à financer, en plus de l’enseignement primaire et secondaire, l’enseignement supérieur (universitaire) en albanais dans les zones où les albanophones constituent au moins 20 % de la population.

L’accord prévoit aussi un recensement en fin d’année pour établir avec certitude la composition ethniques de la population avant la tenue d’élections générales anticipées. Enfin, il est prévu que l’État accordera un statut égal aux religions orthodoxe, musulmane et catholique.

Jusqu’aux modifications constitutionnelles du 15 novembre 2001, les droits accordés aux minorités nationales de la Macédoine ont toujours été jugés insatisfaisants par tous les groupes intéressés. Les droits reconnus auparavant ont été appliqués avec une certaine parcimonie en Macédoine de sorte que toutes les minorités considéraient leur situation comme déplorable. Pourtant, des droits similaires appliqués dans un pays comme la Hongrie trouveraient une application très différente et s’avéreraient très positifs. «Il y a quelque chose de pourri dans la république de Macédoine», pour paraphraser Shakespeare. D’abord, les préjugés et les tensions sont complexes dans ce pays. Les deux principaux groupes, les Slavo-Macédoniens et les albanophones, nourrissent des antagonismes profonds qui ne peuvent que dégénérer si aucune solution n’était trouvée. Et là, on ne parle pas des Turcs, des Bulgares et des Grecs toujours à couteaux tirés les uns avec les autres.

Du côté des Slavo-Macédoniens, les albanophones sont perçus comme des citoyens favorisés et des «séparatistes virtuels» qui menacent à tout propos de former une éventuelle république albanaise avec l’Albanie et l’ancien Kosovo. Jamais les adeptes de la Grande Albanie n'ont accepté que l'Ouest macédonien, de Skopje au lac d'Ohrid, n'ait pas été rattaché à la mère patrie. Les Slavo-Macédoniens sont donc de plus en plus exaspérés des nationalistes albanais. Ils craignent, à tort ou à raison, l'achat par la minorité albanaise de terres agricoles qui lui permettront de se rendre maître d'un vaste territoire à la frontière de l'Albanie. Cela choque d’autant plus les Slavo-Macédoniens que les acheteurs albanais apparaissent comme étant les seuls à pouvoir trouver des fonds importants — soupçonnés d’ailleurs de provenir de l’argent sale de la drogue — dans un environnement économique au surplus dévasté. Pour toutes ces raisons, les albanophones sont considérés comme des «faux-frères» et non des citoyens macédoniens.

De leur côté, les albanophones estiment être dans leur «patrie», alors qu’ils sont considérés comme des citoyens de seconde classe et comme des «subalternes» par la majorité slavo-macédonienne qui impose sa loi à tous. Ils affirment souffrir constamment de discrimination à tous les points de vue et soutiennent que le gouvernement fait bien peu de choses pour améliorer leur sort. Pour eux, la Macédoine est une fausse démocratie.

Il est vrai que le gouvernement aura fort à faire pour juguler les préjugés des Slavo-Macédoniens à l’endroit des albanophones. Même les tièdes tentatives gouvernementales pour améliorer le sort de la minorité albanaise se heurtent immédiatement à l’opposition des Slavo-Macédoniens. Autrement dit, on dirait que toutes les décisions et toutes les tentatives destinées à assurer plus de justice sociale se retournent constamment contre le gouvernement, les minorités proclamant toujours plus leurs insatisfactions, contribuant ainsi à exaspérer la majorité. Jusqu’à récemment, les droits constitutionnels n’avaient jamais été élaborés avec l’accord des minorités. En somme, les Slavo-Macédoniens et les albanophones n’ont jamais collaboré ensemble pour quoi que ce soit, ils se sont toujours méfiés les uns des autres, ce qui a entraîné une dégradation réelle de leurs rapports. Il s’agit là d’un autre cas de deux solitudes imperméables l’une à l’autre. Les politiques linguistiques du gouvernement macédonien se sont avérées jusqu’à présent un échec sur toute la ligne, hormis le fait que les dirigeants ont quand même réussi à éviter toute dérive à la bosniaque. Mais ça, c’était avant la guerre du Kosovo. Depuis, même la politique d’assouplissement ethnique du gouvernement macédonien a été plusieurs fois compromise et la quasi-paranoïa de la majorité slavo-macédonienne s’est encore accentuée.

Le principal leader albanais de Macédoine, Arben Xhaferi, admet avec raison: «Nous avons réussi à modifier la Constitution. Maintenant, nous devons changer nos mentalités afin d’éviter des conflits ethniques.» Évidemment, ce changement de mentalité vaut pour toutes les communautés en Macédoine. Il n’en demeure pas moins que les dirigeants ont réussi, lors de l’accord du 1er août 2001 (entériné le 15 novembre), à accorder leurs violons sur l’épineuse question de la langue dans le pays. En effet, comme cet accord donne dorénavant de nouveaux droits linguistiques aux albanophones de Macédoine, il s’agit sûrement d’un pas dans la bonne direction de la part des deux grandes communautés. Il reste à espérer que la coalition actuellement au pouvoir survivra à l’accord d’Ohrid pour apaiser les tensions ethniques. Les Slavo-Macédoniens craignent encore qu’une éventuelle division territoriale du Kosovo (Yougoslavie), bien que rejetée jusqu’ici par la communauté internationale, soit un jour interprétée comme un «modèle» pour la division de la Macédoine, ce qui déstabiliserait définitivement le pays et enflammerait tous les Balkans.

Dernière mise à jour: 13 févr. 2006
 

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