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Astérix, la potion magique d'Hachette

La maison d'édition réalise le plus gros tirage français avec le 35e album des aventures du héros gaulois, "Astérix chez les Pictes", sorti, jeudi, dans dix-sept pays simultanément.

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Publié le 24 octobre 2013 à 07h49, modifié le 24 octobre 2013 à 20h34

Temps de Lecture 6 min.

Extrait de l'album

C'est le plus gros tirage de l'édition française et le lancement le plus stratégique de l'année pour Hachette. L'album Astérix chez les Pictes (éditions Albert-René), 35e aventure du célèbre héros gaulois créé en 1959 par René Goscinny et Albert Uderzo, sort jeudi 24 octobre, et sera massivement présent dans tous les points de vente : librairies, grandes enseignes culturelles, mais aussi hypermarchés et maisons de la presse.

Selon l'institut GFK, pour ce type de BD grand public, comme Titeuf, Largo Winch ou XIII, un gros tiers des ventes se fait en grandes surfaces culturelles, un tiers en librairie et un petit tiers en grandes surfaces alimentaires.

> Voir le visuel interactif : Le nouvel Astérix, sur les pas de Goscinny et d'Uderzo

Le prix de vente – 9,90 euros – a été ajusté : il suffit d'un billet de 10 euros. Une version numérique, commercialisée à 7,99 euros, sera disponible sur les différentes plates-formes numériques. Jeudi sort aussi une édition de luxe, dans un format plus grand (37 × 26 cm au lieu de 29 × 22 cm), qui comprend en plus des esquisses crayonnées, au prix de 35 euros.

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Le premier tirage de 2 millions d'exemplaires pour l'Hexagone a été imprimé en France et en Italie. A la Saint-Sylvestre, sauf si les dieux tombent sur la tête de l'éditeur ou des auteurs, cet album devrait forcément occuper la place de numéro un des ventes de livres en France. La barre des 3 millions d'exemplaires est atteignable, mais cela serait une première.

Extrait du dernier album,

Hachette Livre (propriété du groupe Lagardère) détient depuis 2011 « l'ensemble des droits liés à l'œuvre d'Astérix, (édition, audiovisuel, merchandising…) ». Sous la houlette d'Isabelle Magnac, directrice d'Hachette Illustrée, le numéro un de l'édition française a eu tout le temps de peaufiner sa stratégie pour réussir ce lancement crucial.

En 2012, c'est pour partie grâce à la trilogie Cinquante nuances de Grey, publiée par une filiale du groupe, Lattès, qu'Hachette a assuré son année. En 2013, la potion magique devrait venir du petit Gaulois.

Hachette Livre s'est d'abord attaqué au marché européen. Au total, ce sont 5 millions de volumes qui seront prêts le 24 octobre, car le lancement d'Astérix chez les Pictes est prévu simultanément dans dix-sept pays et dans vingt-trois langues. Cela donne notamment Asterix bei den Pikten, en allemand, Asterix and the Picts, en anglais, mais aussi Asterix ann an dùthaich nan Cruithneach, en gaélique.

Dans un deuxième temps, en 2014, Hachette s'intéressera au reste du monde : le marché chinois, mais aussi les Etats-Unis, le Japon et la Russie, trois pays, dans lesquels la notoriété du petit héros gaulois reste quasi confidentielle.

LA BD FRANCO-BELGE LA PLUS VENDUE AUえーゆー MONDE

A ces exceptions près, Astérix a su conquérir le monde : il s'agit à ce jour de la bande dessinée franco-belge la plus vendue au monde, avec 350 millions d'albums depuis l'origine (soit 100 millions de plus que Tintin). C'est aussi la série la plus traduite, dans 107 langues et dialectes, « sans compter les éditions pirates », précise le site Asterix35.com.

Après la France, l'Allemagne est le pays européen où le petit Gaulois est le plus populaire. Les deux pays font pratiquement jeu égal : 130 millions d'albums vendus en langue française contre 120 en langue allemande.

Jouer au quiz Astérix en 20 questions : le gros quix

Au Royaume-Uni et en Espagne, Astérix fait moins recette, mais il est en revanche édité par des filiales directes d'Hachette Livre, respectivement Orion et Anaya. De plus, comme l'action de cette 35e aventure se passe en Ecosse, un éditeur gallois indépendant, Dalen, a acheté les droits pour proposer des traductions en écossais, en gallois et en gaélique.

Premier album 100 % Hachette, Astérix chez les Pictes a aussi pour caractéristique majeure d'être le premier titre de la série à ne pas avoir été scénarisé et dessiné par René Goscinny, mort en 1977, et par Albert Uderzo. « Astérix a connu trois vies, précise Isabelle Magnac, gérante des éditions Albert-René, la première avec ses deux créateurs, la deuxième sous la conduite seule d'Albert Uderzo, et enfin la troisième avec Jean-Yves Ferri au scénario et Didier Conrad pour les dessins. »

Le choix de ce nouveau tandem n'a pas été laissé au hasard, comme l'a raconté Frédéric Potet dans sa série sur « Les coulisses du prochain Astérix », parue cet été dans Le Monde. Auteur notamment de De Gaulle à la plage (Dargaud), Jean-Yves Ferri a été retenu en 2011 parmi seize autres candidats et s'est retrouvé, au final, préféré à Jul, l'auteur de Silex and the City (Dargaud).

Lire le premier épisode de la série : Astérix : comment Albert Uderzo a cédé le flambeau

Le choix de Didier Conrad en 2012 a été tout aussi sélectif. Les deux hommes n'avaient jamais travaillé ensemble. Ils ont dû signer une clause de confidentialité pour éviter que ne filtre à l'extérieur la moindre information sur le nouvel album.

Quand Hachette a pris le contrôle des éditions Albert-René en 2008, en achetant pour un montant non communiqué 60 % des parts de la société (40 % détenus par Albert Uderzo et 20 % par Anne Goscinny, fille unique de René), l'éditeur a aussi obtenu des deux ayants droit l'autorisation contractuelle de poursuivre les aventures du héros gaulois, ce qui a constitué une plus-value inestimable.

Cette décision a provoqué la colère de Sylvie Uderzo, qui est en conflit juridique avec son père. Elle a néanmoins fini par vendre en 2011 à Hachette les 40 % qu'elle possédait dans la société Albert-René.

La prospérité économique d'Astérix n'a véritablement explosé qu'après le décès de René Goscinny. De son vivant, la série avait passé le cap du million d'exemplaires avec Astérix et Cléopâtre, en 1965. Le Grand Fossé, premier album fait uniquement par Albert Uderzo, dépassera les 2 millions d'exemplaires en 1980. Entre-temps, M. Uderzo, redoutable homme d'affaires, s'était séparé de Dargaud, l'éditeur historique d'Astérix, pour créer sa propre maison d'édition, Albert-René, nom formé des prénoms des deux créateurs.

A l'issue d'une rude bataille avec Dargaud, Albert Uderzo récupère en 1998 les droits d'exploitation des vingt-quatre premiers albums. Il en confie l'édition à Hachette, le début d'un long compagnonnage. En 2005, Le ciel lui tombe sur la tête, 33e album de la série, sérieusement éreinté par la critique, se vendra pourtant à 2,7 millions d'exemplaires.

Mais depuis 1998, l'expansion des éditions Albert-René repose essentiellement sur les exploitations cinématographiques. En plus de l'édition des albums, elles gèrent les droits mondiaux de l'univers Astérix en concédant des licences d'exploitation de produits dérivés et de publicité, y compris celle du parc Astérix.

Elles étudient tous les nouveaux projets de films, dessins animés ou expositions. Les quatre longs métrages réalisés jusqu'à présent ont fait près de 40 millions d'entrées en France. Avant qu'elles n'appartiennent à 100 % à Hachette, le chiffre d'affaires des éditions Albert-René pouvait osciller de 9 millions, en 2005, à 25 millions d'euros, en 2006, après la signature d'un film ou la réalisation d'un album.

Pour accompagner le lancement d'Astérix chez les Pictes, Hachette a fait le choix de la sobriété en se concentrant sur l'album. Seuls ont été conservés des partenariats de longue date avec les biscuits Delacre, la Monnaie de Paris, qui va émettre des pièces de 10, 50 et 100 euros à l'effigie des héros gaulois, et avec la société Bulkypix, qui développe des jeux vidéo fonctionnant sous Android.

L'adaptation au cinéma d'Astérix chez les Pictes est pour l'instant renvoyée aux calendes grecques, le temps que l'adaptation en dessin animé 3D du Domaine des dieux (17e album de la série) par Alexandre Astier et Louis Clichy, prévue pour 2014, voie le jour.

Hachette préfère s'appuyer sur l'exposition « Astérix à la BNF ! », qui a ouvert ses portes le 16 octobre à la Bibliothèque nationale de France et qui s'accompagne d'un catalogue Astérix de A à Z (Hazan, 208 pages, 35 €). Un événement qui tire vers le haut Astérix et permet de revenir à l'origine du mythe.

> Lire la critique de cette exposition : Astérix en version originale

Cela arrange à la fois l'éditeur et les auteurs, car, en racontant un voyage en Ecosse, Jean-Yves Ferri et Didier Conrad renouent avec la tradition des albums qui ont fait la réputation de la série dans les années 1970, comme Astérix en Hispanie ou Astérix en Corse.

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