Corinne Maier est économiste, psychanalyste et essayiste. Elle a écrit une quinzaine de livres, dont Bonjour paresse (2004) et No Kid (2007). Elle publie #MeFirst ! Manifeste pour un égoïsme au féminin (L’Observatoire, 160 pages, 18 euros).
Pourquoi plaider pour un « égoïsme au féminin » ?
J’ai écrit ce livre pour dénoncer une injustice fondamentale : les femmes, contrairement aux hommes, n’ont pas le droit de se montrer égoïstes. Petite, quand mon cousin m’arrachait mes jouets, tout le monde s’exclamait : « Un vrai petit mec ! » Alors que, moi, quand je volais ses affaires, personne ne disait : « Une vraie nana ! »
L’égoïsme est très bien toléré, voire valorisé, chez les hommes. Un homme qui ne se lève pas la nuit pour s’occuper du bébé, qui n’a pas le temps de faire les courses parce qu’il rentre tard du travail, qui a besoin de faire du sport le week-end pour décompresser…, tout cela est considéré comme normal. A l’inverse, une femme qui oublie l’heure de la sortie de l’école parce qu’elle est en train de prendre l’apéro avec ses copines est montrée du doigt comme une mauvaise mère. Elle trahit sa nature protectrice, c’est un scandale !
Certains disent que les femmes aujourd’hui n’ont jamais été aussi libres de faire des choix : carrière, couple, enfants… Qu’en pensez-vous ?
Les chiffres sont là pour attester que le déséquilibre perdure et que la charge mentale continue d’être inégalement répartie. Les femmes accomplissent 75 % du travail de soin et d’accompagnement non rémunéré dans le monde. Elles s’occupent en moyenne quatre fois plus des enfants et trois fois plus des tâches domestiques. Elles continuent d’avoir des vies bien plus limitées que les hommes. S’occuper des autres leur prend leur temps, leur énergie, bouche leur horizon. Les hommes, eux, font ce qu’ils ont envie de faire, qu’ils aient des enfants ou pas.
Vous avez eu deux enfants. Quel serait votre conseil aux jeunes femmes d’aujourd’hui ?
En faire moins, tout simplement. Cela paraît peu de chose, mais le vrai changement commence par là. Il est temps pour les femmes de revendiquer leur droit à l’égoïsme. Elles doivent refuser de faire passer leur carrière après celle de leurs compagnons, d’essayer de ressembler à une « super-mère » investie à 100 % dans le bien-être des enfants, de s’occuper de leurs parents âgés alors que les garçons de la famille en font dix fois moins…
Bref, elles doivent tuer définitivement « l’ange du foyer », cette petite voix intérieure héritée des siècles précédents qui, selon [l’autrice et féministe britannique] Virginia Woolf, ordonne aux femmes d’être des servantes dévouées à la vie domestique.
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