Tous les matins, Romain Gazzola emprunte le même trajet pour rejoindre l’entreprise familiale de maçonnerie de Garges-lès-Gonesse (Val-d’Oise) de son domicile de la place de Clichy, à Paris, vérifiant, plus par habitude que par nécessité, son logiciel de navigation Waze avant de prendre la route au volant de sa Citroën Picasso grise. Mais en ce début d’année 2019, alors que la crise des « gilets jaunes » bat son plein, l’application le déroute et lui recommande de suivre les quais de Seine. Bloqué dans les embouteillages, il laisse son œil vagabonder quand son attention est attirée par un étonnant ensemble de bâtiments rouge brique décatis sur le bord de la route.
Il décide alors de se garer en double file dans cette zone en friche du quartier de Pleyel-Confluence, à Saint-Denis, et de partir à la découverte du site. « Au bout de cinq secondes, j’ai su que je voulais créer ici un lieu qui réunirait les entreprises de notre groupe, un modèle calqué sur les anciens faubourgs ou les bottegas italiennes de l’Antiquité et de la Renaissance : ces endroits réunissaient différents corps de métiers de la construction et des arts décoratifs, mais aussi des mathématiciens, philosophes et artistes comme Raphaël ou Léonard de Vinci », explique le jeune entrepreneur d’origine italienne.
Son arrière-arrière-grand-père Eugenio Gazzola, maçon immigré né à Piacenza (Emilie-Romagne), entre Milan et Parme, s’installe à Paris au début du XXe siècle. Chaque génération étoffe l’entreprise déjà spécialisée dans la maçonnerie haut de gamme et les chantiers d’exception, comme le rocaillage du bois de Vincennes.
« Notre famille a toujours pensé la maçonnerie comme un métier d’art alors que les préjugés sur cette activité sont énormes, notamment depuis l’industrialisation du secteur du bâtiment, dans les années 1950, avec l’arrivée de grosses entreprises comme Bouygues et la disqualification du métier, associé à l’immigration sur d’immenses chantiers déshumanisés », souligne Romain Gazzola, qui veut remettre en lumière la noblesse de cette discipline depuis qu’il a repris l’entreprise familiale avec son cousin, en 2010.
Une organisation optimale
Séduits par sa vision du métier et son aptitude à restructurer Gazzola, d’autres corps de métiers du bâtiment spécialisés dans les chantiers haut de gamme font appel à lui, avant qu’il n’acquière des savoir-faire complémentaires au fil du temps. Une dizaine d’entreprises constituent aujourd’hui le jeune groupe : Atelier Tourtoulou (peinture décorative), Ateliers Bataillard & Maison Meilleur (ferronniers d’art), Parquets Briatte (les derniers à savoir restaurer les parquets de Versailles), Marbrerie de Vitry ou encore Bernard Pictet, spécialiste du verre appliqué à la décoration et à l’architecture. « J’étais persuadé que l’idée de s’installer ensemble ici permettrait une émulation entre ces manufactures, de créer des ponts », se réjouit Romain Gazzola.
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