LA FONTAINE ET MOLIÈRE

S'il est un rapprochement usé, commun et rebattu, c'est bien celui de La Fontaine avec Molière. La question, pourtant, mérite d'être reprise, et, puisque le tricentenaire de Molière y invite, il vaut la peine de faire le point. Il y faudrait tout un livre : j'en suggère l'idée, en espérant qu'elle germera dans le cerveau d'un jeune chercheur. Je me contenterai de poser quelques jalons.

On ne sait quand La Fontaine a connu Molière, mais on peut se demander si ce ne fut pas dès le temps de l'Illustre Théâtre, en 1644 ou 1645. Émancipé de l'Oratoire, le futur fabuliste va commencer des études de droit. Il cultive la poésie, sous les auspices de Malherbe, et Tallemant, dans son historiette, le montre vers cette époque si passionné de théâtre qu'il en oublie l'affaire urgente dont son père Га chargé. Il partage avec toute sa génération l'engouement qui pousse à la même date le jeune Poquelin sur les planches.

Quelques années plus tard, d'ailleurs, La Fontaine débutera dans les lettres par une adaptation de Térence, humble et lointain prélude à l'ample comédie des Fables. L'achevé d'imprimer porte la date du 17 août 1654 : par un remarquable parallélisme entre les deux carrières, Molière encore en province donne peu après, coup sur coup, avec L'Étourdi et Le Dépit amoureux, ses deux premières comédies en cinq actes et en vers. Il ne s'inspire pas de la comédie latine, mais puise à des sources italiennes.