LE MONT-BLANC DANS LA VIE ET L'OEUVRE D'HORACE-BENEDICT DE SAUSSURE

Nous avons célébré dans l'année 1987 le 200e anniversaire de l'ascension de Saussure au Mont-Blanc et cette commémoration a retenu l'attention, au cours de très nombreuses manifestations sur le savant genevois et sur son œuvre. Cela nous permet de mesurer mieux encore la stature exceptionnelle de ce personnage qui, bien davantage que le Chamoniard Balmat et même le médecin Paccard, les premiers vainqueurs de la montagne en 1786, mériterait d'être appelé «Saussure du Mont-Blanc».

Notre époque, qui privilégie dans les masses les exploits sportifs aux valeurs de l'esprit, a été sensible à la performance physique de Balmat, le premier à figurer dans la liste des auteurs des «grandes premières» alpines. L'astucieux cristallier de Chamo- nix exploitera son ascension — au demeurant tout à fait méritoire — sur le plan matériel en se prévalant auprès des touristes, pendant 47 ans après son ascension, de son fameux titre de «Balmat du Mont-Blanc», titre dont les recherches que j'ai faites aux Archives de Turin, me laissent penser qu'il n'est pas du tout sûr que le roi de Sardaigne le lui ait effectivement décerne.

Balmat agira de manière bien peu élégante envers son compagnon le docteur Michel Paccard, «de Saussure de Chamonix», homme passionné pour la physique et l'histoire naturelle et matériellement désintéressé, en accréditant immédiatement que c'était lui, Balmat, l'authentique vainqueur, qui avait eu l'idée de l'ascension et qui avait littéralement traîné au sommet le malheureux médecin, alors que la vérité historique est exactement à l'opposé. Mais de Saussure, homme d'une toute autre stature intellectuelle et morale, était un grand seigneur de l'esprit très au-dessus de ces mesquineries que tout en étant conscient de ses propres mérites, il laisse à celui qu'il appelle dans une lettre — même si le terme était à l'époque moins péjoratif que de nos jours — «le manant Jacques Balmat».

Le savant genevois a été, dans sa relation au Mont-Blanc, l'homme d'une véritable passion pour cette montagne. L'ascension de 1787 marque l'apogée de sa vie, qui se partage en trois grands moments: avant le Mont-Blanc, l'épisode central du Mont- Blanc et après le Mont-Blanc.

Je traiterai successivement trois aspects :

— L'homme de Saussure et son attitude devant la montagne;

— La conquête du Mont-Blanc;

— La place du Mont-Blanc dans l'œuvre de Saussure.

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