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Impératif et interlocution dans la langue du XVIIe siècle

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Année 1998 78 pp. 21-27
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IMPÉRATIF ET INTERLOCUTION DANS LA LANGUE DU XVIIe SIÈCLE

Pierre- Yves DUFEU

La plupart des linguistes n'a jamais considéré le mode impératif du français comme un système. Ce mode est pourtant bien défini morphologiquement depuis les origines de la langue. Si l'on s'intéresse plus particulièrement au xvne siècle, c'est surtout dans la Grammaire de Port-Royal, parue en 1660, que l'on pourra trouver les interprétations logiques, syntaxiques et sémantiques les plus éclairantes. Le mode impératif y est vu comme l'expression naturelle d'un vouloir dont la réalisation dépend d'autrui 0). Il prend place, dans l'ordre des modes exprimant un vouloir, à côté de l'optatif (lequel traduit un vouloir sur lequel le locuteur n'a aucune prise) et de certaines indépendantes à la troisième personne du subjonctif, du type « Qu'il perde; Qu'il périsse » (2). Afin d'approfondir cette réflexion classique sur l'impératif, nous tenterons ici de la confronter à un échantillon concret de la langue du xvne siècle : j| s'agira d'occurrences relevées sur un corpus représentatif (3) ; la définition stricte qu'en donne Port-Royal (*) servira, dans ce relevé, de critère de reconnaissance des formes d'impératif.

Toute unité du langage est en droit communication. Cette propriété fondamentale devient plus sensible encore dans un énoncé impératif. L'assertion n'engage a priori que la

1. A. Arnauld et C. Lancelot, Grammaire générale et raisonnée (1660) suivie de La Logique ou l'Art de penser (1662), Slatkine Reprints, Genève, 1972. Pages 109 et suivantes, dans le chapitre qui concerne les « divers Modes ou manières des Verbes», l'impératif est ainsi essentiellement reconnu comme forme d'expression : « La troisième sorte de vouloir est quand ce que nous voulons, dépendant d'une personne de qui nous pouvons l'obtenir, nous lui signifions la volonté que nous avons qu'il le fasse. C'est le mouvement que nous avons quand nous commandons, ou que nous prions. C'est pour marquer ce mouvement qu'on a inventé le mode qu'on appelle Impératif : qui n'a point de première personne, sur tout au singulier, parce qu'on ne se commande point proprement à soy-mesme, ny de troisième en plusieurs Langues ; parce qu'on ne commande proprement qu'à ceux à qui on s'ad- dresse & à qui on parle. »

2. À propos de ces tours, que bien des grammairiens postérieurs auront la tentation de nommer « troisième personne de l'impératif », la Grammaire de Port-Royal note particulièrement ceci : « Les hommes auraient pu inventer une inflexion pour marquer ce mouvement, aussi bien qu'ils en ont inventé en Grec pour marquer le simple désir. Mais ils ne l'ont pas fait, & ils se servent pour cela du subjonctif. Et en François nous y adjoûstons que. Qu'il dépense, &c.»

3. Voir à la fin de cet article la composition précise de ce corpus.

4. Le paradigme morphologique retenu comme discriminant est donc celui, tripartite (ex : va/allons/alleï), des grammaires traditionnelles, qui le baptisent en général « défectif » un peu vite, en référence à l'indicatif. Retenons de la Grammaire de Port-Royal cette remarque tout à fait pertinente selon laquelle, à l'impératif, la troisième personne est exclue logiquement du paradigme dans la mesure où elle ne correspond pas au vouloir bien particulier dont l'impératif est l'expression.

faculté, propre aux interlocuteurs, de distinguer le vrai du faux. L'impératif, lui, sollicite l'interlocuteur de façon beaucoup moins neutre : il prétend le conduire à agir. En ce sens, si on la définit simplement comme le rapport institué entre une personne et une autre par le langage, I'interlocution est plus sensible dans un énoncé impératif. Elle ne peut guère s'y laisser oublier : forme verbale concise, l'impératif exprime bien d'abord ce lien qu'il pose entre deux personnes, ce rapport de pouvoir qu'il engage entre elles.

Liée à I'interlocution, la personne apparaît, par delà la diversité des tours, comme l'une des catégories linguistiques les plus pertinentes pour discerner un ordre inhérent au système de l'impératif dans la langue du xvne siècle. Cette personne d'interlocution y est en effet marquée par trois types d'indices morphologiques ou syntaxiques différents (5). Il convient de les classer selon leur position et le degré de régularité de leur apparition dans les énoncés. Nous distinguerons ainsi, du centre verbal à la périphérie de ce qu'on pourrait appeler, en première approximation, la phrase imperative (6) : les désinences, les pronoms, les appositions et apostrophes. Chacune de ces marques permettra de réexaminer certains fonctionnements linguistiques ponctuels ; le statut logique de l'impératif dans la langue classique s'y révélera peut-être plus eminent que ne le laisse entendre la tradition grammaticale depuis Vaugelas ou Port-Royal (7).

5. L'impératif français se caractérise, depuis le Moyen Âge en tout cas, par l'absence de pronom sujet. Cette absence laisse a la seule désinence verbale le soin de distinguer régulièrement la qualité de l'interlocuteur. Elle interdit qu'on puisse parler proprement d'accord à l'impératif, et, en évitant la redondance structurale propre aux autres modes personnels, conduit à simplifier l'inventaire logique des indices linguistiques renvoyant à la personne d'interlocution.

6. Cette expression renvoie au titre d'un article de Jacqueline Pinchon, « La phrase imperative », in Les types de phrases, recueil d'articles publiés sous la rubrique « Grammaire vivante » de la revue Le français dans le monde, de 1 962 à 1983. L'ensemble a été republié dans Morphosyntaxe du français. Hachette, Paris, 1986. J. Pinchon s'intéresse au français moderne dans cet article, mais son souci d'isoler « l'originalité du constituant impératif » la conduit à se dégager des analyses traditionnelles et à proposer des indices structuraux assez sûrs, notamment les propriétés logiques et sémantiques du sujet implicite du verbe à l'impératif, l'impossibilité d'utiliser certains verbes au mode impératif, les rapports entre impératif, emphase et apostrophe. La « phrase imperative » est encore reconnue par Pierre Le Goffic dans sa Grammaire de la phrase française, Hachette, Paris, 1 994, page 1 26 notamment : elle y est clairement distinguée de la « phrase exclamative ».

7. La Syntaxe française du xvne siècle, de Haase, Delagrave, Paris, 1935, ne consacre curieusement pas le moindre développement d'ensemble à un mode dont le fonctionnement classique présente tout de même suffisamment de particularités et de régularités pour qu'on y pressente un système ; →

L'Information grammaticale n° 78, juin 1998

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