Claire Badiou-Monferran
Université de la Sorbonne-Paris IV, Équipe d'accueil « sens et texte »
Négation et coordination
en français classique : le morphème ni
dans tous ses états1
Dans l'édition princeps du Dictionnaire universel de Furetière (1690), le morphème ni ne fait l'objet d'aucun article à part entière. À l'entrée NI, on trouve : NI. Voyez. Ne.
Le coordonnant ni est ainsi confondu avec l'adverbe négatif, au titre des « conjonctions et particules négatives » 2. Or, à l'article « NE, NI », le traitement de ni s'efface devant celui de ne. De fait, si, à l'instar des autres mots-entrées du Dictionnaire universel, les occurrences de l'adverbe sont toujours mises en valeur par les italiques dans les exemples subséquents, les occurrences de la conjonction négative, elles, ne le sont pas :
NE, NI. Conjonctions & particules negatives. Je iV'aime point. Il ne s'en ira de huit jours. Il ne vaut rien. Il n'est ni beau, ni honneste de faire telle chose. Ne suis-je pas bon pour en respondre.
Il faudra attendre la version revue et corrigée de 1694 pour qu'elles le deviennent. Il n'en reste pas moins que, même dans cette nouvelle édition, ni est toujours dépourvu d'entrée à part entière et que, dans la suite d'exemples - inchangée — où il figure, il n'apparaît que sous la forme exclusive de sa variante polysyndétique ni... ni : variante à laquelle le coordonnant simple est imprudemment rapporté. Le
1. Je remercie Danièle James-Raoul, ainsi que Pierre Fiala et Gérard Berthomieu pour leur concours informatique.
2. Voir Furetière, ouvr. cit., NE. Ceci s'explique sans doute en raison de l'ancienne morphologie de la conjonction, homomymique de celle du discordanciel : de fait, ni a longtemps été graphie ne, et le reste encore, au XVIIe siècle, dans deux expressions figées : ne plus ne moins que et ne l'un ne l'autre.
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