Anomalies, fortune et vicissitudes de certains prénoms

C’est une vérité devenue banale qu’il y a une mode de prénoms, qui s’est manifestée de tout temps et encore de nos jours, mais tandis que les variations de notre époque peuvent paraître provoquées par un snobisme assez superficiel, celles des périodes anciennes ont eu pour origine des fac¬ teurs plus profonds et plus intimes, liés étroitement à la mentalité du temps et notamment à la mentalité religieuse. C’est pourquoi elles peuvent servir à déceler et à mettre en relief des courants d’opinion à peine soupçonnés ou mal connus. Dans un de ces aperçus, à la fois brillants et substantiels dont il a le secret, M. Lucien Febvre a montré comment la simple énumération des images ou des livres d’un inventaire mobilier tiré d’archives notariales peut ressusciter l’atmosphère, le climat d’une époque, mystique au Moyen Age, païen à la Renaissance (1). Au moment où nous achevons d’écrire ces lignes nous retrouvons la même idée, sous la plume de M. C. Laplatte (2) qui explique l’influence exercée dans le Cotentin au XVIIe siècle, par certains personnages sur le choix de prénoms inattendus comme Léonor ou Gene¬ viève. De la même façon les remarques que nous avons pu faire au sujet de deux prénoms, l’un très connu : Claude, l’autre étrange et circonscrit assez étroitement : Besançon, sont destinées à montrer l’intérêt de l’onomastique comme source auxiliaire de l’histoire sociale et religieuse..

Chez les Latins, Claude est d’usage courant, c’est le nom d’une gens, la gens Claudia et même d’une dynastie impériale, dite julio-claudienne. Par contre, éclipse presque totale durant tout le haut Moyen Age, pas une seule trace dans le fameux Polyptyque de Wadalde, édité magistralement par M. Ake Bergh (3), et pourtant ce document, tiré d’une région très fortement roma-nisée, offre de nombreux exemples de noms latins de la période païenne tels que Antonia, Cesar ius, Constantinus ou Costantinus, Licinia, Marcella, Marius, Martinus, Maxima, Maximus, etc. Nous le cherchons vainement dans les principaux cartulaires ou autres répertoires de noms du haut Moyen