Avec le Moyen-Age, certains seigneurs délaissent leurs droits à l'abbaye. D'autres y tiennent. En 1300, Guillaume d’Yville renonce à son setier de vin et de cervoise, ses quatre pains blancs et bis, le mouton qui lui étaient dus "le jour de messieurs saints Pierre et Paul". Le moustier compte 60 moines.1304. Voilà tout juste cent ans que la Normandie est en France. En juin 1304, "contract passé entre les religieux de l'abbaye de Jumièges et Richard dit Manchon, Robert, dit Levindel" concernant l'entretien d'un fossé courant à Conihout.
1311: un bureau de la vicomté de l’eau s'ouvre au bout de la Neuve-Quesnaie, au Kay du Roy. Toute marchandise soumise aux droits de vicomté, chargée au port de Jumièges ainsi que dans les havres de Jumièges à Rouen pour être transportées à val, devait payer acquit entre les mains des « fermiers branchiers » ou des collecteurs de la vicomté de l’eau.
1315: Confrontés aux révoltes, les rois de France sont contraints de reconnaître la spécificité de la Normandie. Symbole des libertés locales, la Charte aux Normands restera en vigueur jusqu'au XVIIe siècle.
Ces invités indésirables...
Deux hommes s’étaient opposés à l’abolition du droit de gîte. On transigea avec ce même Guillaume d’Yville. Philippe de Claire, lui, ne voulut rien savoir. En 1316, il adresse à l’abbaye un domestique avec un cheval, quatre lévriers, huit chiens courants pour se nourrir à l’abbaye ! Et il s’installe à son aise.
Quand les moines l’interrogent enfin sur ses intentions, il rétorque que son maître allait pousser encore plus loin ses prétentions. On le renvoya vers son seigneur. De Claire pesta. Le bruit courait qu’il allait fondre sur Jumièges avec des gens armés. Il finit par exiger des moines foule de rentes sur des terres où ils les estimait ses vassaux. Député de Jumièges auprès de lui, Dom Guillaume Lenfant échappa de peu à sa fureur. Le comte se radoucit après son départ. Puis sa colère se ravive. Mais plutôt que d’user de violence, il porte l’affaire devant le bailli de Rouen. Outre ses prétentions recevables, il y ajoute trois exigences qui vont le perdre.
1 D’abord celle de faire nourrir tous les jours à l’abbaye l’équipage qu’il lui avait adressé.
2 La seconde est de pouvoir emprunter entre deux soleils un cheval de l’écurie monastique, à l’exclusion toutefois de celui de l’abbé.
3 Enfin, c’est de pouvoir s’installer quatre fois par an au moutier avec sa femme, son fils et sa suite.
De Claire était sûr de son influence. Mais les moines avaient la leur au plus haut niveau. Le comte dû bientôt négocier et la paix fut conclue avant la Saint-André de 1320. Les moines ne lui devront que des broutilles dont dix mines d’avoine qui seront livrées chaque année à la grange de la cour du Mont.
1318 "En cette huitième année, beaucoup furent ensevelis [la peste noire régnait alors en France]. Vers la fin d'avril, apparurent de grandes gelées avec une neige abondante et accompagnée de grêle, le 15 mai, la pluie tombant en abondance, les eaux occasionnèrent soudain de grands dégâts à Pavilly, dont la féconde vallée fui dépouillée de beaucoup de ses charmes."
Note sur une copie de Grégoire de Tours réalisée à Jumièges.
Les tracas de l’abbé Cornet portent, à la même époque, sur le fait que le maire de Rouen lui conteste le droit de haute justice sur la péninsule et dépendances. Une sentence de 1319 lui donne raison. A ses frais. L’abbaye vendait aussi son vin sur place, à Jumièges, mais aussi à Rouen sans payer de droits. Les fermiers de la vicomté de l’eau contestent. Empêchent le négoce en novembre 1324. On se retrouve bientôt devant la justice. Imbroglio. Les religieux triomphent finalement le jeudi après la Saint-Gilles de 1325.
1326,
l’abbé expose au chapitre son
projet : agrandir la chapelle de la Vierge en
détruisant celle qui se situe à
l’arrière. Il est applaudi.
Le
16 juin 1327, malade, meurt l’abbé Cornet,
remplacé par Robert VI dit de Bordeaux, religieux en
l’abbaye, 51e abbé. Le corps de Cornet fut
entouré de pauvres de Jumièges à qui
il avait légué des rentes qui leur seront
distribuées par l’aumônier. La
cérémonie eut lieu chapelle de la Vierge.
1335. A
l’époque, les Jumiégeois croisent des
moines court-vêtus, portant les armes pour chasser dans
plaines et marais. Malgré un interdit
général prononcé dans la province en
septembre 1335.
L’église Saint-Pierre devient manaçante. La voûte du chœur est ruinée. Plus de vitres aux baies. Gamblet entreprit 18 mois de travaux.
Une
partie de l'église sera désaffectée au
profit d'un
vestibule surmonté d'une bibliothèque.
Raccourcie,
Saint-Pierre était maintenant privée
d’issue. Le
peuple y entre par la grande église puis un long corridor
voûté. Ce vestibule portera longtemps le nom de chapitre des grièves
coulpes. On y enterra durant les travaux
le corps d’Ensulbert, doyen de
Jumièges et abbé de Saint-Wandrille.
Jumièges connut une abondante moisson en 1334. Le revenu de l’abbaye à Jumièges, Duclair et autres paroisses est de 1900 livres. 60 vont à l’habillement des pauvres à la Toussaint. 50 aux religieux mendiants, « pauvres écoliers et autres… » Il y a toujours un écuyer à l’abbaye, mais aussi deux pages. Des maîtres enseignent la grammaire, la logique et la philosophie. Des enfants servent à l’église.
Importants sont les frais de justice. Le cellérier, grand fermier de la maison, monte aux greniers seigle, froment, méteil, pois, orge, avoine… La vendange produit 140 muids de vin. La recette du cellérier s’élève à 3400 livres. Considérable. Mais il y a des dépenses. Il pourvoit à la fabrication du pain pour les 55 religieux et les domestiques. 21 travaillent sous ses ordres. Il dispense aussi des aumônes en nature aux pauvres, aux malades, les jours de fête des fondateurs et anniversaires des abbés.
Une centaine d’étrangers font halte chaque jour à l’abbaye, centre névralgique en Normandie. La noblesse, les privilégiés viennent passer ici leurs contrats de mariage, célébrer leurs noces, traiter leurs affaires. Cent étrangers, ce sont cent chevaux à nourrir, cent repas à servir…
Ainsi
nos ancêtres voient-ils chaque jour défiler sous
leurs yeux le gratin de la province. L’abbé fait
remarquer au pape que son abbaye est l’hospice de tout le
monde, du plus pauvre au roi. Ces portes grandes ouvertes
coûtent la moitié des revenus.
L’industrie monastique compte encore l’infirmier, l’aumônier, le pitancier, le chantre, le sacristain, le jardinier, le prieur claustral et le cuisinier. L’aumônier délivre chaque année aux pauvres de la péninsule et à ceux qui frappent à l’abbaye blé, vin, la chair de trente porcs gras les restes du réfectoire, les vieux habits des religieux, dix robes neuves à la Toussaint, 186 livres aux aumônes journalières. L’hiver, le prieur garnit à ses frais les capuchons des moines de peau d’agneau pour les prévenir de la grippe. Les moines d’alors répugnent à faire maigre.
La guerre de Cent AnsDeux dynasties, Plantagenets et Valois, vont s'affronter durant 116 ans, de 1337 à 1453. Autrement dit l'Angleterre et la France.
Cette guerre dite de cent ans, avec des trèves plus ou moins longues, va donner un nouveau coup d'arrêt au développent de l'abbaye, située près d'un fleuve propice aux invasions.
1348.
Après
la peste noire de 1348, certains auteurs situent le transfert de
léproserie à Saint-Paul pour éloigner
la contagion.
A cette époque, les habitants de Jumièges ont construit des maisons jusqu’à la maladrerie Saint-Michel. Alors, ils viennent voir l’abbé Guillaume pour le prier de démolir cet édifice. Ils craignent la contagion. L’abbé refuse. La chapelle lui rapporte 7 livres. Mais les religieux joignent leurs voix à la population. Et l’abbé consentit à la démolir. On transhuma le corps de l’abbé de Fors à l’abbaye. D’autres restèrent en terre.
On reconstruisit la léproserie au mont d’Avilette, près de la chapelle Saint-Paul. Elle prit le nom de cet apôtre ainsi que celui de saint Nicolas. Bien que les plans la nommeront aussi Saint-Julien-du-Bout-du-Bois. L’abbaye en gardera le patronage en y nommant un religieux. La léproserie était entourée d’une douzaine d’acres de terre. Elle vivait grâce aux subsides des moines et des plus riches habitants de la péninsule mais aussi de Duclair et de Saint-Marguerite.1349. Le 16 septembre 1349 mourut l’abbé Guillaume. Avant sa mort, il avait fait bâtir des greniers à l’emplacement de l’ancienne porte de l’église Saint-Pierre.
A Guillaume succéda Jean de Boiracher, originaire de Duclair, 53e abbé. On dit qu’il fut nommé par la volonté du peuple. Il réclama le rattachement de l’église de Saint-Paër à la mense abbatiale, arguant des temps orageux nuisibles aux revenus agricoles et des séjours prolongés des princes en son abbaye. Un envoyé alla le dire au pape en Avignon où il fut retenu quinze jours.
1355-1364 : Charles Ier, duc de Normandie
Le pillage, la jachère...
1358. En
1358, vers la Saint Martin d'hiver (11 novembre) huit-cents Navarrais
fondent sur la contrée. Six jours durant, sous les yeux des
Mainberte, ils pillent l'abbaye, délaissée par la
plupart de ses moines réfugiés en leur manoir de
Rouen. Seuls quelques jeunes cénobites
demeurèrent. Jean de Boiracher, le Duclairois, passa pour un
déserteur.
1359. Au
début d'août 1359, sur ordre de Louis d'Harcourt,
lieutenant du régent Charles, 24 pionniers
passèrent trois jours à abattre les escaliers de
l'église et de la grosse tour qui servaient de
gué.
Cinq ans durant, il n'y eut plus de cultures dans la presqu'île. On tenta bien de la relancer vaille que vaille, mais treize moines moururent, et bien plus de domestiques. L’abbé fit parvenir des aides. Il mandata un envoyé pour quêter dans les monastères de l’ordre en faveur des défunts. L’émissaire n’alla pas plus loin que Saint-Wandrille. Les chemins étaient si peu sûrs.
Vente de dix
livrées de rente en la paroisse de Ducler, faicte au roy par
Jean
Duquesne. L'an 1369, may. |
1362. Boiracher mourut le 29 août 1362. On le remplaça par Pierre II dit de Mauroi, 54e abbé. Il ne survécut que deux ans, remplacé par Jean III dit de Saint-Denis ou encore Papillon, 55e abbé. Un étranger à la communauté. Il ne viendra séjourner à Jumièges qu'à la fin de son abbatiat. |
1366. L'arsenal de Rouen produit des armes à plein régime pour doter les places fortes. Jumièges est du nombre. Un navire armé patrouille sans cesse entre Rouen et Caudebec.
1369. En mars 1369, année où la trève avec les Anglais va expirer, le bailli de Rouen et Gisors, Guillaume Auxeau, accompagné de Baudrain de la Heuse vient inspecter les forticications de Jumièges, du Trait, de Saint-Wandrille...
Du 16 au 24 août, Charles V s'établit à l'abbaye pour surviller la concentration de nefs armées en vue d'un débarquement en Angleterre.1370. Au monastère, les quelques moines méprisent la règle, écoutent la voix séditieuse du cellérier, Pierre Sevran qui s'oppose aux dictats extérieurs de l'abbé. En 1370, Jean III vient enfin à l'abbaye pour rétablir l'ordre. Et ses revenus...
1377. L'abbé Jean III mourut le 8 mars 1377 après, dit-on, avoir consommé, nous dit-on, quelques grappes de doux raisin qui lui ulcérèrent l’estomac au point que des vers lui sortirent des entrailles.
1380. L’aumônier de Saint-Denis lui succéda sous le nom de Jean IV dit de Fors, 56e abbé, né d’une famille de Rouen qui a déjà donné un abbé à Jumièges. Mais il ne vient pas à l’abbaye. Les moines refusent de donner la crosse abbatiale à son envoyé. Cela ne se fait pas. Ce n’est qu’à Pâques 1380 que De Fors entre à Jumièges. Acclamé par une trentaine de moines en haillons qui demandent le nécessaire. L’abbé y pourvoit.
Il meurt le jeudi 22 avril 1389.
1389.
Geoffroi
III, dit Harenc, lui succède comme 57e abbé. A
peine installé, il intente un procès aux
habitants du Trait qui ont installé un port accueillant des
marchands, de jour comme de nuit, au détriment de
Jumièges. Or le droit de passage de l’abbaye
allait jusqu’à Caudebec. Le fermier de
Port-Jumièges taxait du reste les moines de Saint-Wandrille
pour leur port de Caudebec. L’affaire monte à
Paris. 11 février 1389, sentence favorable à
Harenc. Le droit de passage est d’un denier par personne et
par bête. Le double la nuit. Le double encore si la personne
et la bête sont chargées. C’est deux
sols pour une charrette vide, quatre si chargée. Dans les
paroisses de Jumièges, Yainville et Mesnil, le droit de
coutume doit être porté à
l’abbaye par les marchands en quelque lieu de Normandie
qu’ils vendent leurs denrées.
Nos pêcheurs d'alors
Les pêcheurs de Jumièges, en 1389, sont les suivants : Robin Godeffroi, Simon Nivelet, Robin Mahommet, Guillaume Le Rouge, Raoul Amours, Robin Dane, Colin, Henri, Simon Le Roi, Guillaume Tuevaque (Tuvache), Roger Bernard, Robert Michel, Robin Le Rouge, Jouen Vi, Guillaume Le Blot, Jeannet Samson, Simon Leblont, Jouen Le Roi, Regnaut du Jardin, Ernault Hue, Guillaume Liart, Guillot Le Rouge. On les retrouvera un peu plus tard dans les rôles de fouages.
1390. Geoffroi
partit pour le Bec en mars. Sans chef, les moines se tournent vers le
pape. On les laisse patienter. Cette année-là,
Guillot
Hébert, de Jumièges, s'oblige près de
Jean du
Chastel, bourgeois de Rouen, à lui fournir un fausset de 36
pieds de long sur 10 à 11 de large suceptible de porter 26
poises de sel (environ 250 hectolitres).
1391.
Arrivée
de l'abbé Simon du Bosq, en avril 1391, Rouennais
d’illustre naissance, descendant de Danois, 58e
abbé. Mais le professeur de théologie
n’abandonna sa chaire que durant les vacances et durant les
grandes fêtes pour résider à
Jumièges .
Jean le Caron et Pierre le Cavelier de Saint-Martin-sur-Croisset s’est ensemble et l’un pour le tout à ce que ils feront un batel et rendront tout prest la Magdeleine prochain avenant ou de dans huit jours en suivant à Jean Boutard de la paroisse de Jumièges et à Marguerin le Blout (dit aussi Marquet Le Blond) bourgeois de Rouen de 28 pieds de long entre deux estables à pied marchand et 7 pieds ½ de lay et 4 pieds ½ de genoul, de merrein bon et suffisants, tel comme au cas appartient de clous et de ferrements, tel semble comme a de ce appatient et trouvera le dict acheteur le bray a faire le batel, pour 35 l.t et en auront les dicts vendeurs avant les marins 8 l. 15 s et que le fond en sera joint et les estables autant et quand il sera tout bordé autant et quand il sera bouté a l’eau l’autre quard paiement ; les dicts vendeurs promistrent livrer le dit batel en la manière que dict est et oblige corps et biens.
Deux artisans du bois de Croisset (réunis à Canteleu) s’engageaient donc à construire un bateau de 9 mètres 25 de long, 2 m 50 en sa plus grande longueur et de 1 m 50 de profondeur pour deux particuliers dont l’un demeurait à Rouen et l’autre a Jumièges. Ces artisans s’engageaient à fournir le bois de bonne qualité ainsi que les clous et les fers nécessaires à cette construction. Il n’est pas question de mat ni de gréement qui devaient être sans doute achetés à part, surtout les voiles. Les acheteurs devaient fournir le « bray » matière rare sans doute pour la peinture du bateau. Les constructeurs s’engageaient à le livrer avant la Sainte Madeleine (22 juillet) et au plus tard, huit jours après ce qui indique une construction réalisée en moins de quatre mois.
Le paiement était assuré en quatre fois, non pas à des dates fixées à l’avance, mais à des moments précis de la construction, avant la mise en chantier, lorsque le fond était joint, lorsque les cotés étaient terminés, à sont achèvement lors de la mise à l’eau. le prix de 35 livres tournois représentant le bois, le fer et le travail des ouvriers correspondant au prix de deux vaches vendues le même années à la grande foire d’octobre et de la Saint-Romain, c'est-à-dire que l’équivalence serait aujourd’hui établie entre 200 et 240.000 francs (1959).
Il existait alors de petits chantiers de construction et de réparations sur les bords de la seine, à Canteleu, à Dieppedalle, à Duclair, à Guerbaville, à Caudebec.
Ce petit bateau est le type même des bateaux employés sur la seine pour le cabotage. Au dix huitième siècle on en retrouve de semblables pour les voituriers d’eau – On y trouve encore des Boutard de Jumièges – qui deux fois par semaine faisaient un service de transport de marchandises entres Jumièges et Rouen notamment du cidre en fûts et des fruits de saison. La voie d’eau était alors la plus rapide à cause du reflux et la plus économique à cause du tonnage qui pouvait être transporté.
Dans ces actes du XVIIIe siècle, le contact était établi pour deux personnes dont l’une était toujours bourgeois de Rouen. Cette association devait sans doutes offrir des avantages du point de vue des droits de la ville; celui de Rouen pouvait aussi chercher pour le fret possible pour le retour. Ce contrat de construction peut également répondre au même but par l’achat en commun d’un bateau neuf. (source: A. Dubuc, Annales de Normandie, 1959).
1398.
La charge de maréchal est la
propriété de plusieurs familles
représentées par Jean Gouffre qui ne semble pas
posséder toutes les qualités requises. Car les
bénéficiaires sont aussi Richard de Conihout,
Raoul Marescal, héritier des premiers écuyers,
Jean Vauquelin, Raoul Vauquelin, le tonnelier, Raoul Duhamel, Raoul
Vauquelin du port, Guillot Vauquelin, Raoul Avril, Jean Marescot, Roger
Clarel, Thomas Viart, tous en leur nom.
Pierre le Nepveu en son nom et au nom de sa
femme. Robert
Boulard, ou Boutard, Simon Clarel, Colin Le Villain, Jean Lambert,
Pierre Cauvin, Roger Cornée, Raoul Mullot, Roger Thiebert,
Pierre Gaignet, Guillaume Le Sergent, Philippe Duhamel à
cause de leurs femmes.
24 serviteurs pour un seul office ! Et parmi eux, combien se sentaient capable d’aller en ambassade auprès du Roi, des ducs et des comtes, de pontes de la hiérarchie ecclésiastique. Ils renoncèrent donc à leur charge et avantages contre une rente. La date de cette transaction est du 8 mars 1398. Le fief de la maréchaussée subsista dès lors. Mais ce nom n’avait plus d’autre valeur qu’un souvenir historique.
1400. En
octobre 1400, Simon Luissier qui possédait un lopin de terre
près de Jumièges fut obligé de le
vendre à son créancier. Mais il continua de le
louer pour assurer sa subsistance. Le
fief du vacher de l'abbaye est représenté, en
1400, par
sept personnes ; celui du vigneron, par quatorze individus ; celui du
maréchal, on l'a vu, par plus de vingt. En ce cas, c'est
«
l'aîné » du fief qui en « rend
le service
», qui soigne les vaches, taille les vignes, ferre les
chevaux...
1402. Les Jumiégeois comme le reste du peuple répugnent à faire commerce le dimanche des rameaux. Si bien que la foire des religieux est presque abandonnée. Le 16 juin 1402, une lettre patente du Roi fixe désormais la foire annuelle à la saint Valentin, le 14 février, jour où foule d’étrangers investissent le village. On la veut semblable à celle qui se tient le dimanche de Pâques fleuries. On choisira l’endroit le plus commode pour les bestiaux. Mais cette foire ne fut pas plus courue. Alors, les commerçants allèrent bientôt à Duclair, le 11 octobre, jour de la saint Denis.
Etre apprenti en 1402 Un
enfant de Duclair fut placé, en 1402, comme apprenti chez
une femme orfèvre de la ville de Rouen. Alips Sevestre.
Etienne Boutard entrait ainsi pour six ans sous sa coupe, moyennant une
somme de 15 livres qui fut payée à sa patronne,
et qu'elle s'engagea à rendre aux parents, dans le cas
où, au bout du terme, l'apprenti consentirait à
rester deux ans à son service.
Les parents devaient trouver à leur fils, « caucher et vestir et le ramener, à leurs dépens, s'il s'échappoit ». |
Jean
Le Vacher vaque aux occupations liées à son
nom : garder sur cinq acres du Mesnil les vaches du cuisinier
de l’abbaye, les traire au manoir de la belle
Agnès, faire du fourmage et garder pour
sa peine le lait mesgué de la semaine,
autrement dit le lait maigre et tout le lait du dimanche matin. Jean Le
Vacher allait porter ses fromages aux cuisines de l’abbaye
où il les salait. On lui donnait en retour quelques
denrées. Quand le cuisinier décidait
d’abattre une de ses vaches, Jean recevait l’aler
et le parler, ce qui veut dire la tête et la
langue, deux joints du cou et les quatre pieds. Prenait-il un veau de
lait, le cuisinier ne gardait que les quatre quartiers et la peau, le
reste allait à Jean. Jean qui, au manoir, avait sa propre
vache. Pour son service, Le Vacher recevait des cuisines boire et
manger au fil de l’an et bénéficiait de
franchises pour ce qu’il vendait ou achetait au
marché, pour ses transports et passages sur la Seine, pour
les porcs qu’il menait en forêt. A sa mort, son
fief devra 60 sous et un denier aux religieux. A l’aube du
XVe siècle, le fief est tenu par sept personnes :
Jean Le Vaquier l’aîné, Philippe de
Poys, Robert Osmont, Martin Le Machon, Drouet Hardy et Denis de
Quiefdeville, un prêtre. Dans
l’incapacité de l’accomplir, tous
renoncèrent à leur charge et aux droits
correspondants. Sinon celui de panage et de taille de bois. Il leur
fallut alors verser au couvent 20 sols tous les ans, quitte
à se faire rembourser par leurs enfants qui reprendraient
l’office. L’accord est du 21 avril 1402.
1403 : Pierre Bourguegnon est recteur des écoles de Jumièges.
1407 :
On pense parfois que
quelques habitants de Jumièges accompagnèrent Du
Bosc pour aller en ambassade entre les deux papes rivaux de
l'époque. Douteux. Il partit de Paris le 16 avril 1407 en
compagnie d’un religieux, deux gentilshommes, un
maître-d’hôtel, un page, un valet de
chambre, un maréchal, un garçon
d’écurie et un valet de pied.
L’équipage arriva le 9 mai à Marseille.
Le voyage se poursuivit en Italie pour s’achever en janvier
1408.
Le 15 septembre 1407, une sentence est publiée à propos de l’application du droit mortuaire à un instituteur de Jumièges. Nous évoquerons le sujet plus loin. L'hiver de 1407 fut très rude: "Cinquante-deux nefs chargées de harengs, de figues et de vins doux furent arrêtées par les glaces dans la fosse du Leure, le carême approchait, les marchands craignaient de manquer l'occasion favorable à la vente, on déchargea les nefs et les chariots, traversant la Seine sur la glace, rapportèrent les chargements au port de Jumièges." Le passager du bac était Guillaume Hervieu, il était aussi fermier de la vicomté de l’eau. Les deux hommes aidèrent à la manœuvre en disposant des planches sur les bords du fleuve qui n’étaient pas gelés.
Il assassine un prêtre
1408.
Qu’apprend-t-on ! Domicilé au
Mesnil-sous-Jumièges, Robert Dubos d’Anneville a
assassiné un prêtre, Pierre Fauquart. Eh bien il
vient de bénéficier de privilège de
saint Romain. Oui, il est grâcié.
1409.
Du Bosc est au concile de
Pise qui désigne Alexandre V pour pape. En reconnaissance,
il lui accordera le droit de porter la mitre, l’anneau et les
ornements pontificaux les jours de cérémonie. Il
peut bénir le peuple, les objets du culte dans toutes les
églises dépendantes de l’abbaye si
l’évêque ou un légat du
Saint-Siège sont absents.
8
juillet 1409 : une bulle papale accorde quarante
jours
d’indulgences à qui visitera
l’église de Jumièges les jours de
l’Assomption, de Saint-Pierre et de Saint-Valentin.
Du
Bosc pousse les prieurs de sa mouvance à
l’étude au collège de Justice
où il enseigne et loge. De Jumièges, il fait
monter à Paris doms Guy de Vatetot et Jean de la
Chaussée.
1410. Le fief de la Vigne compte 14 tenanciers. Chaque jour que besoin est, ils doivent un laboureur aux religieux pour cultiver le clos de la grand’ vigne. Ils en demandent une rente de 30 sols et renoncent au pain et vin fournis par la cuisine du moutier.
Le fief MainberteEn 1410, les services de fiefs sont étendus par du Bosq. Parmi les religieux, certains sont en charge qui de l’infirmerie, qui du cellier, qui de la sacristie, des aumônes. Ce sont des titres de bénéfices auxquels sont annexés des revenus. On les désigne sous le nom d’offices claustraux. Chaque titulaire est donc un officier de l’abbaye. Le cellérier, on l’a vu, est aidé dans sa tâche par une vingtaine de domestiques. Mais les autres… Or Du Bosc constate que ses officiers claustraux, faute de disponibilité, ou plutôt par négligence, manquent à leurs devoirs religieux, aux exercices de jour comme de nuit. Ils n’assistent au chœur que dimanches et fêtes. Alors, l’abbé désigne sur Jumièges autant de familles qu’il y a d’offices. A l’aîné de chaque famille, il met à disposition une terre en fief et lui garantit la nourriture. Le voilà chargé de la garde du temporel de l’office auquel il est affecté. Il participera à son fonctionnement et cette charge est héréditaire. Il la transmettra à l’aîné de ses enfants. Peu enclins à observer les contraintes spirituelles de la vie monastique, les officiers protestèrent. Mais il en fut ainsi.
Le
nom de Rue de Mainberte existait déjà en 1290 et
1405. Après la décision de Du Bosc, on trouvera
mention du fief de Mainberte en 1486 mais encore en 1679 bien que ce
système soit alors tombé en
désuétude. L’abbaye devra racheter les
terres à leurs titulaires où les leur abandonner
contre rentes. C’est le cas notamment du fief de la Porte,
situé le long du bois de Jumièges, dont est
titulaire celui qui garde la porte du monastère. Il
apparaît dans un acte notarié du 24 mars 1519 et
dans une délibération capitulaire du 14
décembre 1658. Alors que disparaîtront les fiefs,
les religieux abandonneront aussi le campart, c'est-à-dire
leur droit à prélever des gerbes de la
récolte. Les tenanciers lui préfèrent
le cens, la rente en argent. La mutation aura lieu dans les
années 1500. Au profit des paysans car l’argent
allait perdre de sa valeur. Aux périodes de vaches maigres,
si faible que puisse être le cens, il sera cependant lourd
à supporter.
Alors
à quoi pouvait être tenu le titulaire du fief
Mainberte. Je pense à des corvées purement
agricoles. Comme les tenanciers du fief aux Vaindeaulx, aux
Cléreaux et du fief Savary à Jumièges,
du fief Campart, Dumoutier, Hersant à Yainville, ceux du
fief Mahommet, sur Heurteauville, du fief Fleury, Ferrant…
On note encore le fief de la bouverie, du bac, la terre aux
Chambellans, le fief du jardin des religieux, le tènement dit
lorumarii elemosine Gemmeticensis ecclesie ad sustentationem pauperum,
le ténement de serjantagium sacristarie
Gemmeticensis…
Les
actes de nos paysans sont dictés dans les aveux. Et par le
prévôt des vilains fiefs au moment venu. Ils
devaient arer, herchier et semer à la saison du
blé, séer, lier et tasser au champ la
récolte avant de la carrier (la charrier) au fenil du manoir
d’Agnès ou celui du monastère,
à la grange d’Yainville, à celle
d’Heurteauville… Leurs actes étaient
encore dictés pour l’orge, pour l’avoine
qu’il fallait fauquier,
fener…. Ils recevaient pour salaire… une gerbe de
blé. Eux, ils devaient verser de l’argent lors de
certaines fêtes, donner des œufs, des oies, des
poussins pour le cellérier, des poules pour le forestier.
Parfois, ils devaient encore aider à l’amarrage de
la nef apportant le vin de Longueville. Fournir de la toile pour les
sacs à grain. A celui-là, on demandait des
branches de buis le jour des Pâques-fleuries, à
d’autres des boisseaux de lierre le jour du vendredi aoré,
à d’autre encore la préparation des
harengs saurs qui servaient à la nourriture des religieux et
que l’on appelaient le flaquage. Quand il
ne fallait pas aller avec ses chevaux chercher le blé
à Motteville-l’Esneval. De menus services
rémunérés en pain d’orge.
1411. Abbé et chambrier sont en désaccord quant au financement du vestiaire. Des moines menacent de partir…
1412. Colin, Pierre et Sevestre du Demoral délaissent leur droit de heurtage et de chargement des navires, depuis la fontaine Saint-Vaast, tout le long du rivage de port Jumièges.
Jean de Mainberte et Jehanne Lemitoys1413.
Avant l'invasion des Anglais, la population semble jouir
d'une relative aisance. Le rôle des fouages fait
apparaître 686 foyers fiscaux dont 46, essentiellement tenus
par des veuves, sont exonérés pour
pauvreté. Jehan de Mainberte, mon ancêtre direct,
est alors le seul à porter le nom. Son père et sa
mère sont manifestement morts et il n'a pas encore d'enfant.
Le nom qui suit immédiatement le sien sur la liste des
contribuables est celui de Jehanne Lemitoys. Adoptons-la pour
aïeule. Elle est apparentée à Guillaume
Le Mitois qui est alors le meunier du moulin à vent de
Jumièges.
L'abbaye
emploie 32 personnes : procureur de l'église, valets,
cuisiniers, couturiers, bouchers, servantes de basse-cour et
bergères... L'écuyer de l'abbé est
Guiot Baudry et Perrin Boudin son barbier. La forge est
fieffée à la veuve de Simon Auber et la Porte
à Rogière, la fille de Jaquet Touppe. Le
prévôt de la ville est Robin Baudri et Rogier
Duval celui de la campagne. Les jours chômés pour
fêtes religieuses sont alors légion.
En
1413, c’est donc Roger Duval qui vient pousser le tenancier
du fief aux Cléreaux, à arer, herchier, semer
à la saison du blé puis séer et lier
en août demi-âcre de blé. Au temps de
l’avoine : arer, herchier et semer encore puis
fauquer, faner et charrier et tasser au fenil de l’ostel,
c'est-à-dire au monastère, demi-acre du
pré aux moines. Fournir au cellérier deux
ouées à la Saint Michel, 20 œufs
à Pâques, trois poules pour le forestier
à Noël à cause d’un droit
d’usage en forêt.
Du
Bosc est encore sur les routes. Ambassadeur,
député, bref, artisan de la fin du grand
schisme…
1418. Accompagné
à Paris par Guillaume de la Haie et Jean de la
Chaussée, du Bosc mourut le 14 septembre 1418,
hors de l’abbaye désertée. Mais son
corps regagnera Jumièges. Le 29, à Rouen, les
moines élisent un nouvel abbé. La nouvelle est
annoncée à la foule qui attend dans la
rue : Nicolas Le Roux ! Un Rouennais
apparenté à du Bosc…
Mais
on réclamait de l’argent à
l’abbaye. Et l’abbaye en exil n’avait pas
les moyens de payer. En ces années, Jehan de Mainberte vit
les Anglais piller son pays. Il connut la misère, pria
contre la maladie et dut abandonner sa ferme, laissant ses terres en
friche. « Les domaines sont pleins
d'arbres, épines et buissons, note
un chroniqueur, habitants estant morts ou absens du
païs... »
A
cette époque vivait un dénommé Vitou,
marin de Jumièges qui eut pour mousse durant deux ans
à certain Robert Duffay, de Vatteville, Ce dernier naviguait
encore en 1452. |
Quand la petite communauté son nouvel abbé peut enfin revenir à Jumièges, c’est dans la plus grande pénurie. Pour y faire face, ont dut abandonner des biens à ceux qui alimentaient l’abbaye. Les Anglais sévissent toujours sur les terres, les métairies… Les officiers ramènent les soldats au calme. Le Roux alla remettre dans ses dépendances des fermiers là où il n’y en avait plus. |
L'affaire Gombaud
1419. Guillaume Gombaud, l’un des religieux, a commis une faute « grossière ». Laquelle ? Mystère. Apprenant cela, Le Roux accourt de Verneuil à Jumièges, fait la leçon à Gombaud qui crie à la calomnie. De sa pénitence, il mobilise sa famille qui accourt à Jumièges en armes. Ces gens repartent, noircissent l’abbé auprès des puissants. Puis reviennent en force dans le moutier, insultent, bousculent les religieux. Ils tentent alors de soulever les habitants de Jumièges. Seulement, ces derniers demeurent fidèles aux religieux. Jehan de Mainberte et les siens menaçent même de prendre les armes pour les défendre. Le Roux alerte le commandant anglais de la place de Rouen. Deux compagnies de soldats débarquent à Jumièges, se saisissent des rebelles et les jettent dans les prisons de l’abbaye. Ils n’en sortirent sur ordre de l’abbé qu’une fois repentis, s’engageant à ce que Guillaume Gombaud aille faire pénitence dans un autre monastère de l’ordre jusqu’à la fin de ses jours. Les rebelles ne vinrent plus inquiéter la communauté. Quant au pécheur, on ne sait s’il prononça son repentir…
1420-1450 : Heny VI, roi d'Angleterre, règne sur la NormandieLa
guerre continuait entre Français et Anglais. Il est dit que
l'abbaye fut un temps abandonnée jusqu'en 1421.
|
1426. Le tenancier du fief Savary, à Jumièges, doit arer et herchier à la saison du blé, séer et lier en août demi-acre de blé. Arer et herchier au temps de l’avoine une même quantité qu’il devra fauquier, fener et carrier en la grange du monastère. Là, il fournira deux ouées au cellérier à la Saint Michel, neuf gerbes et deux gélines pour le forestier. Sa rétribution au moment de la récolte : une gerbe de blé liée d’une longueur de deux blés. 1430. Collaborateur des Anglais, Le Roux prend part au procès de Jeanne la Pucelle et joue les Pilate. |
1431. Le
Roux revient à
Jumièges en janvier 1431, les mains pleines
d’argent. Et tombe malade. Seulement, pendant son agonie, la
famille de l’abbé délesta le moribond
d’une partie de ses avoirs. Cela se fit à
l’insu des religieux qui n’étaient
autorisés à parler à Le Roux
qu’en présence de ses proches. |
Du rififi sur le
marché de
Duclair
Le mardi 18 septembre 1431 eut lieu un spectaculaire incident sur le marché de Duclair. On vit deux hommes, étrangers au pays, en arriver aux mains. Ils étaient venus là pour régler un litige devant la justice. Quittant précipitamment les halles, l’un d’eux s’enfuit soudain vers l’église, épée en main, poursuivi par un cavalier. Rattrapé, il assène un coup de lame à la main gauche de son poursuivant et lui sectionne les tendons. Ce dernier met alors pied à terre, tire sa propre rapière et en frappe du plat son adversaire. Sur ce intervint le sergent de Saint-Joyre qui dirigera les deux protagonistes et leurs serviteurs jusqu’à la justice de Rouen. L’un d’eux mourut peu après en tentant d’occire son monde.[1] |
« Prenez
garde de mal juger et de vous mettre en grand péril. Je vous
donne cet avis afin que si vous être punis de Dieu on
s’en souvienne. » Son
avertissement lors du procès sonnait comme une
prophétie. On ne trouva que mille sols sur Le Roux. Guy de
Vatetot les affecta aux obsèques. La pierre tombale est
toujours visible au musée de Jumièges.Au manoir de la Poterne, le
5 juillet 1431. on élit Jean de la
Chaussée, 60e abbé, jusque là
procureur de l’abbaye, 46 ans. Grand dîner pour
tous les électeurs. Jean reste à Rouen. 16
octobre : le pape excommuniera tous ceux qui ont
spolié l’abbaye durant la guerre s
1432. C’est
alors Jean Levesque le titulaire du fief du bouvier. Deux acres et
demie et 30 perches. Il percevait 30 sols et un dernier pour y passer
la charrue. On lui donnait sept pains d’orge quand il
labourait la terre du marais, six pour les terres de la Pierre. Les
jours de fête, c’était encore
mieux : du pain mais aussi du vin, de la chaire
fraîche et salée, un quartier de mouton, six
deniers, des chaussures et un valet. Seulement, avec la domination
anglaise, ce fief ruiné ne lui rapportait rien. Plusieurs
fois, il se retourna vers les religieux pour se dessaisir de cet
héritage. Jean Levesque fut rendu à la
liberté moyennant 40 sols de rente annuelle et
l’abandon des avantages en nature. Il ne garda que la
franchise de taille de tourtel, le droit
d’avoir deux porcs au panage comme les vavasseurs de la
baronnie. Le contrat fut signé le 17 août 1432 au
tabellionage de Rouen.
1433. Un
commissaire du Châtelet vient enquêter à
Jumièges en
juin 1433 sur la disparition des
avoirs de Le Roux. Il exhorte les éventuels
témoins à déposer à Rouen.
Plusieurs s’y rendent et confirment : la famille a
soustrait les 32.000 livres que réservait le
prélat à la réparation de son
monastère. On ne sait s’il y eut suite. Mais la
famille Le Roux mourut misérablement, rapporte la chronique
de l’abbaye.
1434. A l’automne, dans un pays
saigné par les Anglais, il y eut des pluies abondantes puis,
dès novembre, la gelée s’installa pour
ne fondre qu’à Pâques. Jean Dufay
rapporta qu’il put traverser la Seine à cheval
sans rien payer. Les semences furent perdues et il en
résulta une grande famine. La mine de blé vaut
ses quatre saluts d’or. On meurt en masse de
misère, de maladie. Quand on ne déserte pas. Il
est dit que le pays de Caux ne garda qu’un habitant sur cent.
1435.
En septembre, les Jumiégeois voient leurs moines revenir au
pays. Et leur nouvel abbé, déjà
préoccupé de disputer avec ses homologues sa
préséance dans les synodes. Mai les vivres
restent chers. La disette est toujours là. On dit que tous
les moines furent décimés à
l’exception de quatre. Et puis des malfaiteurs mirent le feu
à la forêt de Jumièges. 48 arpents
furent détruits.
Vers cette époque, un certain Robin
Duquesne, de Jumièges, se disant chirurgien,
s’était taillé une certaine
réputation de son habileté. On venait parfois le
consulter de très loin. Des
moules à Jumièges
|
Les deux Duclairoises avaient faim
1438. Dépouillées de leurs biens par les Anglais, chassées de Duclair, une mère et sa fille se réfugient à Valognes. Un jour, la gamine dérobe une tasse d’argent dans l’hôtel de Michel Le Cappon. Les deux femmes la revendent aussitôt pour acheter du pain. En fuite, elles sont retrouvées au marché de Montbourg par le sergent royal du cru qui les ramène à Valognes. Là, on les emprisonne. Les religieux voulurent faire valoir leur privilège pour les amener à eux et le procès vint aux assises le 30 janvier 1439. Embarras des juges. La famine régnait encore, elles avaient longuement tâté de la prison où la faim n’épargnait pas les détenus. On les libéra. |
1448. Mes ancêtres furent condamnés pour laisser divaguer leurs bêtes en forêt. Seuls les porcs y étaient admis. De tels jugements seront encore rendus. De là naît peut-être une déchirure entre la population et l’abbaye.
La mort d'Agnès Sorel1449. Charles
VII est là, sa maîtresse, Agnès Sorel,
aussi. Elle
meurt au manoir de la Vigne en mettant au monde un quatrième
enfant du Roi. L'un des grands événements de
l'histoire gémétique que nous
développons par ailleurs. Jumièges va pouvoir
entreprendre bientôt la reconquête de ses anciennes
possessions. Car en 1450, les Anglais quittent enfin la Normandie.
|
On
vient de confirmer le privilège de l’abbaye de
faire passer librement son vin par la Seine. Voilà Michel
Dubusc, fermier de la vicomté de l’eau, qui
dispute aux moines le droit de percevoir des taxes sur les marchandies
entrant et sortant de la péninsule par le fleuve. Il sera
désavoué en 1455. Entre temps, à
partir du 10 décembre 1452, les commissaires de
l’Echiquier de Normandie enquêtent, entendent foule
de témoins. Retenons les gens de Jumièges. Jehan
Gasselin, 60 ans, laboureur, ancien clerc de l’abbaye. Raoul
de Conihoult l’aîné, 65 ans, ancien
marinier. Jehan de Conihoult, 50 ans, Guillaume Rouxel, 45 ans.
Perrenot Tuvaque, laboureur, 60 ans, du Mesnil. Jehan Le Mercier, du
port de Jumièges, 56 ans. Jehan Le Vallois, 26 ans,
laboureur, Valentin Duquesne, carpentier de bateaux, 70 ans, Guilleber
Le Rouge, 72 ans, carpentier de maisons. Guillaume Costard, laboureur,
60 ans, Raoul Le Maçon, 60 ans, maçon. Perrin des
Rues, 52 ans, marchand de bois. Robin Marescot, 45 ans, carpentier de
bateaux. Les gens du Lendin : Jean Gueroult, 50 aus, tieulier,
Guillaume Vauquelin, 60 ans, marinier, Guillaume de
Breaulté, 60 ans, tieulier et laboureur, Robin Le Zemble, 60
ans, laboureur, Colin Delamare, tieulier, 45 ans. Raoul Le Danp, 45
ans, tieulier. Perrenot Regnault, tieulier, 45 ans. Dans tous ces
témoignages sont évoqués de vieilles
figures : Guieffin de Moriau, toujours vivant, qui tenait les
maisons assises Kay-le-Roy, Massiot Guillebert qui tenait la ferme de
la vicomté, Vitou, du Conihout, Hervieu, le passager du bac
au début du siècle…
La
Chaussée continue de disputer ses droits de
préséance. Il ne supporte pas que
l’abbé de Saint-Wandrille le
précède aux synodes, conciles et
échiquiers. On n’hésite pas
à produire des faux pour prétendre que
Jumièges est antérieure. C’est Dagobert
qui a construit l’église Saint-Pierre en
638 ! Clovis II qui a fait bâtir la basilique
Notre-Dame ! Et puis, après les ravages des Danois,
Jumièges a été relevée la
première ! Les allégations furent
démenties point par point. On n’alla pas
jusqu’à réfuter la légende
des énervés. Mais tout cela fut longuement
débattu en futiles procès.
1459.
L’abbaye afferme la pêcherie de
Jumièges pour 75 livres tournoi à Jean le
Villain, Jeannet Cottart, sans doute un des mes ancêtres,
Jean Verdin et Pierre Le Conte.
1462.
Le cellérier, tous les officiers sont
déposés par l’assemblée
capitulaire. Ils revendiquent l’autonomie de leur charge.
Mais demandent grâce devant les bulles papales. Ils sont
maintenus et assignés à résidence.
Peu de temps après sonnent à toute volée les cloches de Jumièges. Un dais est tendu pour recevoir Marguerite d’Anjou, reine d’Angleterre, bienfaitrice de l’abbaye. Elle passe quelques jours ici dans l’appartement de Charles VII. Antoine Crépin l’accompagne. Descendant des Grimaldi de Monaco, l’archevêque de Narbonne s’informe des revenus du monastère auprès de quelques moines indiscrets. Qui gonflent les chiffres. C’est décidé : il lui faut cette abbaye !
Le
prieur de Bourg-Achard a beaucoup d’influence sur La
Chaussée. Crépin va d’abord
l’utiliser pour pousser l’abbé
à la démission. En vain.
L’abbé chasse un prêtre
dépêché par le félon prieur.
Alors Crépin fait jouer les grands vicaires de Rouen. En
voilà un qui, devant les religieux, reproche à La
Chaussée son train de vie. Il revient huit jours
après, flanqué
d’ecclésiastiques et instruit un
véritable procès contre le vieil abbé.
Le grand vicaire cherche alors l’assentiment du chapitre de
Jumièges. Qui résiste. Fou de rage, il bouscule
un moine. Ses confrères font barrage de leur corps et
lèvent l’assemblée. On croit le
péril passé. Dès le lendemain, des
hommes en armes investissent l’abbaye et s’emparent
du prieur ainsi que de trois autre religieux. Ils sont jetés
dans un cachot de Rouen. Six semaines. Dehors, les bourgeois auraient
forcé les portes s’il n’y avait eu force
gardes, prêtres et agents de Crépin.
A
Jumièges, la communauté résiste
encore. Le grand vicaire dresse alors un procès-verbal de sa
visite où les religieux sont accusés de
rébellion et de désordres, le prieur de fauteur
de crimes. L’abbé est
présenté comme un imbécile
guidé par les sens. Quand Louis XI lit cela, il intervient
auprès de Pie II pour nommer Crépin coadjuteur.
16
novembre 1463 : le cheval de Jean Senot
s’écrase le nez sur la porte close de
l’abbaye. C’est le domestique de Crépin
venu prendre possession de sa charge par procuration. Honteux, il en
repartit avec un appel de Jean de La Chaussée au pape.
Crépin se retourne encore vers le roi. La
Chaussée aussi. Mais Louis XI finit par donner raison au
Narbonnais le 6 mars 1464. Ses émissaires enfin dans la
place tyrannisent la communauté, tentent de leur faire
signer un mémoire contre l’abbé. La
Chaussée finit par partir pour Paris sur ordre du roi. Quand
il approche de la capitale, il est escorté par Senot,
l’injure à la bouche jusqu’au bailli de
Sens. Qui finit par le relâcher…
Encadré
par son chapelain et le prieur claustral, La Chaussée dut
encore quitter Jumièges, suivre un émissaire de
ville en ville pour rencontrer le roi en l’hôtel
Picart de Rouen. Il eut en face de lui quatre commissaires acquis
à la cause du Narbonnais. Parmi eux : le grand
vicaire de Rouen… Le vieil abbé refuse de
démissionner. On le menace d’exil. Le roi entend
tout de la chambre voisine. Surgit. Et menace lui aussi. La
Chaussée persiste. Argumente. Argumente si bien que le grand
vicaire est soudain tout chose. Le roi s’en
aperçoit. Il soupçonne enfin la machination. Et
laisse aller en paix pour aujourd’hui
l’abbé de Jumièges. Dehors, le
Rouennais le rattrape, implore le repentir, l’assure de
vouloir dissuader Crépin, l’invite même
à manger en tête à
tête…
Jean
de La Chaussée entre chez le grand vicaire. Les quatre
commissaires sont là ! Quant au prieur et au
chapelain, ils sont congédiés.
L’abbé de Jumièges finit par signer un
document sous la contrainte. Il s’en remettait à
la décision du roi, assuré que Louis XI ne serait
pas dupe de la manœuvre quand le grand vicaire lui
présenterait le document. Mais le traître assure
au monarque que La Chaussée veut démissionner sur
les conseils mêmes de ses deux accompagnateurs. Le lendemain,
Louis XI fit appeler La Chaussée à
l’hôtel Picard. Il s’y rendit trop
tôt. Retourna à la Poterne. Là, le
grand vicaire et les neveux du Narbonnais vinrent le chercher pour le
porter enfin au roi. Immédiatement, Louis XI lui signe sous
sa garantie personnelle une pension de 800 écus
d’or. La Chaussée veut lui expliquer la
machination. Le roi ne l’écoutera plus. Il le
menace d’exil, de prison et le fait chasser…
Mais
où est passé l’abbé de
Jumièges ? Les agents du Narbonnais ne tardent pas
à le débusquer, caché à
l’hôtel du Bec. Le grand vicaire y
débarque avec les partisans de Crépin. Et le
vieux La Chaussée fut frappé. Et signa cette fois
sa démission dressée par quatre notaires de la
ville. On voulut le faire partir de suite pour Paris où La
Chaussée voulait se retirer à cause des
immunités que lui conférait son état
de bachelier. Ses persécuteurs lui accordèrent
finalement trois jours pour débarrasser Jumièges
de ses affaires et embrasser ses frères. A
Jumièges on pleura. Mais son départ eut plus
l’image d’un triomphe que d’une fuite. A
peine eut-il franchi la porte de l’abbaye qu’il vit
venir à lui une foule considérable en guise de
haie d’honneur. La noblesse l’accompagna
à cheval jusqu’aux portes de Rouen où
le peuple ventait ses vertus. De là, il prit la route pour
Paris où il mourut en 1470. Ce fut le dernier
abbé de Jumièges élu par ses pairs.
Outre cet épisode malheureux, Jumièges eut aussi à souffrir, de 1464 à 1468, de la ligue des princes contre Louis XI. La guerre du Bien public. Des vases précieux, manuscrits, chartes furent volés. Crépin prit aussi sa part…
Vint donc l’abbatiat d’Antoine Crépin, 61e abbé. Les moines se plièrent à son autorité. Mais lui n’avait rien oublié. Les officiers furent dépouillés de leurs charges au profit de ses domestiques. Les pitances se firent bien maigres. L’archevêque de Rouen s’engraissa. On ne fit plus l’aumône aux pauvres. Crépin avec l’aide du pape tenta de mettre la main sur les biens soustraits pendant l’agonie de Le Roux. Un jour que le prieur de Montarerre demande réparation de son prieuré, il tique sur le devis. Et invite le religieux à parcourir la France avec les saintes reliques amenées à Jumièges, de quêter ainsi pour obtenir l’argent des travaux…
1465-1469 Charles II, dernier duc de Normandie
Charles II, aussi duc de Berry, fut le dernier duc de Normandie effectif. Son frère, le roi Louis XI, lui donne en 1469 le duché de Guyenne contre celui de Normandie. Puis il brise l'anneau ducal. Cette fois, nous sommes vraiment en France.Crépin ne semble pas avoir résidé dans son abbaye usurpée. Il ne vint que présider les chapitres. Le voilà le 19 mai 1471 avec le comte d’Harcour et le sieur de Bussi. Curieusement, les trois hommes couvrirent la communauté de présents. Crépin épongea aussi les dettes de son prédécesseur. Et gagné par la maladie, mourut à Rouen le 15 octobre 1472. Ce n’est que par la rumeur que les religieux de Jumièges apprirent le trépas de leur abbé. Ils dépêchèrent à Rouen un religieux pour faire main basse sur sa cave à vin. Depuis huit ans, Crépin faisait descendre dans la capitale normande tous les vins de Longueville et autres vignobles de l’abbaye. La part des moines s’y trouvait avec celle du défunt abbé. Seulement, le jour des obsèques, Jacques de Brezé, son héritier, avait commencé à transférer le vin en lieu sûr. Le député de Jumièges fit poser les scellés sur l’ancienne et la nouvelle cave et assigna Brezé en justice. Jumièges gagna son procès le 30 novembre.
1473. Cette année-là, la ferme des pêcheries de l’abbaye est gagnée par Raoul Avril pour 70 livres l’an. C'est aussi l’abbatiat de Louis d’Amboise, 62e abbé, nommé par le roi. Il démissionna vite pour prendre l’évêché d’Albi en novembre 1473. Mais s’efforça de restituer les biens dont Crépin avait dépouillé la communauté.
1474. Son
frère Jacques, 63e abbé, lui succède
en janvier 1474. Les règles monastiques sont alors
négligées, chacun possède le
l’argent, des meubles, des vêtements personnels,
des couverts d’argent ou de vermeil. On voit les moines plus
souvent au dehors. Observent-ils encore l’abstinence de la
chair ? Alerté, d’Amboise est trop
préoccupé par ses propres
intérêts. Il vit encore à
l’abbaye. Mais ne voit que son chartrier qui lui inspire
d’incessants procès. Toujours la recherche des
biens de Le Roux, des biens spoliés…
1478 : Un
paysan du Mesnil se réfugie à Rouen pour
échapper à la Taille (Archives
départementales, cote G 269)
1480 commence
une réforme des mœurs. On assista de nouveau
à l’office divin. On ne sortit qu’une
fois par semaine dans quelque maison de campagne. La
propriété personnelle cependant fut plus
difficile à combattre.
1486 :
Le tenancier du fief Campart, à Yainville, doit
labourer une vergée de terre à la saison de
l’orge à la grange, puis faucher, fener, carrier
et tasser la récolte en ladite grange, payer 6 deniers
à la Sainte Jean-Baptiste, 6 à la
Saint-André, 12 avec avec une géline à
Noël et 6 deniers à la mi-carême.
1487 :
Jean Le Roi et Jean Le Rouge afferment la
pêcherie de Jumièges ainsi que le bac. Ainsi
qu’en 1494, cette fois en compagnie de Lucas Le Roi .
1492. L’année où Colomb pose le pied en Amérique, le tenancier du fief Dumontier, à Yainville, doit labourer pour le fermier de la grange une vergée de terre en la saison d’orge, faucher, fener, quarrier et lever la récolte au fenil du monastère qui ne compte pas trente moines.
[1]
Actes de la chancellerie d’Henri VI concernant la Normandie.