Bantous
On nomme « Ban-tu » (« bantu » signifie « humains » en kikongo) les locuteurs des langues bantoues (environ quatre cent cinquante langues) sur le continent africain. Ils sont répartis du Cameroun aux Comores et du Soudan à l’Afrique du Sud.
Le terme de « Bantu » est proposé par l'Allemand Bleek à la fin du xixe siècle.
Les groupes bantous ont des structures sociales et politiques différentes, leur seule caractéristique commune est linguistique avec l'utilisation d'un système de genre grammatical basé sur la classe et non le sexe[réf. nécessaire].
Selon Joseph Greenberg, les premiers locuteurs de ces langues auraient entrepris une expansion vers le sud et l'est du continent il y a 4 000 ans, à partir du Kongo ou bassin du Congo. En agglomérant d'autres groupes linguistiques, ils ont parfois absorbé certains de leurs phonèmes, comme le clic caractéristique des langues khoïsan.
Histoire
[modifier | modifier le code]L'histoire des locuteurs des langues bantoues a fait l'objet de nombreuses théories.
Le terme « bantu » est proposé par Bleek vers 1859. La première carte relative à la notion d'expansion bantoue date de 1886. Harry Johnston, qui établit la carte, évoque des migrations parties des grands lacs avec un foyer originel vers le Kongo .La preuve de l'existence d'une langue mère bantoue est apportée en 1907 par Carl Meinhof[4],[5].
Dans les années 1950, le linguiste Greenberg et l’anthropologue Murdock intègrent les langues bantoues dans l’ensemble dit Niger-Congo et fixent leur foyer dans la région du Kongo Dans les années 1960, l'archéologie de la métallurgie du fer tend à lier la dispersion des langues bantoues et celle de cette technologie. Cette proposition est diffusée en particulier par l'historien Roland Oliver, qui évoque une première diffusion depuis le Tchad-Benoué, puis un deuxième foyer vers le Katanga (République démocratique du Congo). L'utilisation de la métallurgie est ensuite détachée de la première dispersion[6].
Aujourd'hui, on parle plutôt de « micro-migrations », qui n'empêchent pas les continuités culturelles en particulier dans la culture matérielle. Pour Jan Vansina en 1995[7], il faut moins se représenter des remplacements de populations que des mélanges progressifs, des acculturations qui ont pris des siècles[note 1].
Selon l'hypothèse de Greenberg, à partir de leur foyer d'origine, situé aux confins du Kongo, les locuteurs des langues bantoues ont occupé progressivement leurs territoires actuels selon un processus qui a duré environ quatre mille ans. Ils commencent à étendre leur territoire vers la forêt équatoriale d'Afrique centrale entre 2000 et 1000 ans av. J.-C.[8]. Entre 1000 et 500 av. J.-C., a lieu une deuxième phase d'expansion plus rapide vers l'est et enfin une troisième phase, entre 0 et 500 ap. J.-C., vers le sud de l'Afrique. À l'occasion de cette expansion, les locuteurs bantous se mêlent aux groupes autochtones et constituent de nouvelles sociétés. L'expansion bantoue s’est poursuivie jusqu'au xixe siècle, interrompue par la colonisation européenne[note 2].
Caractéristiques linguistiques
[modifier | modifier le code]Les langues, qui présentent de nombreuses similitudes, constituent l'élément linguistique commun de ces peuples[9].
Organisation sociale et politique
[modifier | modifier le code]Les peuples de langues bantoues des territoires de la savane, comme les Kongos[10], les Yakas, les Pendes, les Leles et les Kubas[11], s'appuient sur une filiation matrilinéaire ; d’autres sont patrilinéaires[10],[11]. Les sociétés utilisant l’agriculture itinérante ont tendance à être à filiation matrilinéaire[12].
Pendant la période qui précède la colonisation européenne de l'Afrique subsaharienne, l'organisation sociale des Bantous est basée sur la famille, le lignage et les rôles genrés traditionnels. Pour les femmes, c’est la maternité qui constitue leur principal rôle familial. La fonction maternelle n’est cependant pas vue comme réductrice pour les femmes africaines, il s’agit plutôt d’un facteur de prestige. En effet, une femme qui donne naissance acquiert un statut social plus enviable, surtout si elle a des fils. La préférence des enfants mâles et le fait que, dans certaines sociétés, les enfants appartiennent au père témoignent toutefois d’une certaine suprématie de l’homme[13]. Les mères sont également responsables de l’éducation des jeunes enfants, celle-ci se fait différemment selon le sexe[14].
Dans les sociétés traditionnelles de l’espace bantou, les femmes sont également les principales responsables de la production alimentaire. L’agriculture est généralement au premier plan de l’économie et constitue la majeure partie de l’alimentation de la population; les femmes africaines jouent donc un rôle de grande importance dans la société[15]. De façon générale, les femmes travaillent la terre sans la posséder; dans plusieurs sociétés, les femmes ont droit à l’usufruit des terres qu’elles cultivent, même si les terres appartiennent généralement à leur mari[16].
Notes et références
[modifier | modifier le code]Notes
[modifier | modifier le code]- Cette présentation est inspirée de Chrétien 2000, p. 38-46.
- Ainsi, au XIXe siècle, pendant la période coloniale, les Allemands visitant leur nouveau protectorat du Cameroun, ont observé des tribus bantoues (Betis, Bassa, Bafia) fuir le territoire de hauts-plateaux situé au sud du lac Tchad appelé aujourd'hui Adamaoua, pourchassés par des guerriers Haoussa (Peuls) venus de l'empire de Sokoto situé au Nord du Nigeria actuel. Les colons allemands mirent fin à la migration des populations bantoues vers le sud en les fixant sur les rives du fleuve Sanaga, dans l'actuel territoire du Mbam[réf. souhaitée].
Références
[modifier | modifier le code]- (en) C. Britt Bousman, « The Chronological Evidence for the Introduction of Domestic Stock in Southern Africa », African Archaeological Review, vol. 15, no 2, (lire en ligne [PDF])
- (en) « A Brief History of Botswana », sur thuto.org, (consulté le )
- (de) « Historischer Überblick », sur elaine.ihs.ac.at (consulté le )
- Jan Vansina, « Le phénomène bantou et les savants », Revue française d'histoire d'outre-mer, vol. 65, no 241, , p. 543-551 (DOI 10.3406/outre.1978.2151, lire en ligne)
- Patrick Mouguiama-Daouda, « Langue et histoire des Bantu », dans Contribution de la linguistique à l’histoire des peuples du Gabon : La méthode comparative et son application au bantu, Paris, CNRS Éditions, (DOI 10.4000/books.editionscnrs.3955)
- Chrétien 2000, p. 40-44.
- (en) Jan Vansina, « New linguistic évidence and the Bantu expansion », Journal of African History, no 2, , p. 173-195, cité dans Chrétien 2000, p. 45.
- « Bantou », Encyclopædia Universalis
- Oldrogge 1999, p. 320 — « le seul dénominateur commun est la structure linguistique, les indices de ces classes ayant partout une expression phonétique semblable, fondée sur un système verbal unique ».
- « Bantous matriarcaux (groupe ethnique) : un grand courant civilisateur de l’Afrique noire », sur matricien.org, Le Mouvement matricien (consulté le )
- Daniel Vangroenweghe, Sida et sexualité en Afrique, Bruxelles, Editions EPO, , 479 p. (ISBN 2-87262-163-6, présentation en ligne), p. 160
- (en) Robert Layton, « What Can Ethnography Tell Us about Human Social Evolution? », dans Nicholas J. Allen, Hilary Callan, Robin Dunbar et Wendy James, Early Human Kinship: From Sex to Social Reproduction, , p. 126
- Achola O. Pala, Madina Ly, La femme africaine dans la société précoloniale, Paris, UNESCO, p. 95
- Albertine Tshibilondi Ngoyi, « Rôle de la femme dans la société et dans l’Église », Théologiques, vol. 23, no 2, , p. 204
- (en) Margaret Jean Hay, « Queens, Prostitutes and Peasants: Historical Perspectives on African Women, 1971-1986 », Revue Canadienne des Études Africaines, vol. 22, no 3, , p. 436
- Achola O. Pala, Madina Ly,, La femme africaine dans la société précoloniale, Paris, UNESCO, p. 84-85
Annexes
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- [Chrétien 1985] Jean-Pierre Chrétien, « Les Bantous, de la philologie allemande à l'authenticité africaine », Vingtième Siècle. Revue d'histoire, vol. 8, no 8, , p. 43-66 (lire en ligne)
- [Chrétien 2000] Jean-Pierre Chrétien, L’Afrique des grands lacs. Deux mille ans d’histoire, Paris, Aubier, rééd. Champs Flammarion,
- Tiarko Fourche et Henri Morlighem, Une bible noire : Cosmogonie bantu, Paris, Les Deux Océans, , 2e éd., 248 p. (ISBN 2-86681-113-5)
- [Oldrogge 1999] D.A. Olderogge, « Migrations et différenciations ethniques et linguistiques », dans Comité scientifique international pour la rédaction d’une Histoire générale de l’Afrique (UNESCO), Histoire générale de l’Afrique, vol. I : Méthodologie et préhistoire africaine, UNESCO, , 4e éd. (1re éd. 1980) (ISBN 9232017083), p. 301-320
- W. G. L. Randles, « La civilisation bantou, son essor et son déclin », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, vol. 29, no 2, , p. 267-281 (lire en ligne)
- Placide Tempels, La philosophie bantoue (1945)