(Ottawa) Le premier ministre Justin Trudeau et le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, se sont rencontrés mercredi pour un dîner privé à Rideau Cottage, couronnant neuf années en tant que collègues et amis.

Mais tout cela est sur le point de changer puisque le mandat de Jens Stoltenberg à la tête de l’alliance, prolongé à deux reprises, prendra fin en octobre. Il est largement attendu que Mark Rutte, le premier ministre néerlandais sortant, soit choisi pour le remplacer.

M. Trudeau affrontera les électeurs d’ici l’automne 2025, tout comme d’autres alliés clés de l’OTAN, dont la France, le Royaume-Uni et les États-Unis.

Au lendemain de leur dîner, M. Stoltenberg s’est entretenu avec La Presse Canadienne à Ottawa pour discuter de sa relation avec le Canada, un endroit où il se sent comme chez lui.

C’était un bon dîner. C’est un bon ami et un bon collègue.

Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’OTAN

C’est un point qu’il aime souvent souligner. Dans ses nombreux messages sur les réseaux sociaux au sujet de ses rencontres avec des dirigeants, il a désigné Justin Trudeau comme un ami.

Sa visite à Ottawa en pleine canicule a peut-être donné au Norvégien l’envie d’un retour dans l’Arctique, où il s’était arrêté en 2022 lors de son dernier voyage en sol canadien. Il a déplacé d’ailleurs l’entrevue dans sa chambre d’hôtel au Château Laurier parce qu’elle était mieux climatisée.

Sa relation avec Justin Trudeau a été au cœur de presque toutes les réponses. Il a qualifié le premier ministre de fervent partisan de l’Ukraine lorsqu’il a été élu pour la première fois en 2015, un an après l’annexion de la Crimée par la Russie.

M. Stoltenberg lui a même donné une marge de manœuvre pour ne pas atteindre l’objectif de l’OTAN en matière de dépenses de défense de 2 % du produit intérieur brut (PIB).

« L’un des défis du Canada est que les dépenses en matière de défense étaient très faibles en 2014, donc il y avait un long chemin à parcourir », a-t-il déclaré.

Le ministre de la Défense, Bill Blair, a tenu un discours similaire plus tôt cette semaine, soulignant que le Canada consacrait à peine 1 % de son PIB à la défense sous le gouvernement conservateur précédent.

PHOTO ADRIAN WYLD, LA PRESSE CANADIENNE

Le ministre canadien de la Défense, Bill Blair

Cette année, ce taux devrait se situer à 1,37 %, soit 41 milliards.

Les critiques se multiplient quant au fait que le Canada est le seul allié à ne pas avoir présenté de plan pour atteindre son objectif de dépenses.

Des dépenses en hausse partout

M. Stoltenberg a été le messager de trois présidents américains –  Barack Obama, Donald Trump et Joe Biden – qui ont exhorté leurs alliés à dépenser davantage.

Lors d’un rassemblement pour sa réélection cette année, Donald Trump a encouragé la Russie à « faire tout ce qu’elle veut » à tout membre de l’OTAN qui ne paie pas suffisamment.

Lorsqu’on lui a demandé comment le Canada devrait percevoir ces remarques, M. Stoltenberg a répondu que « la situation est très différente aujourd’hui en ce qui concerne les dépenses de défense » qu’à l’époque où Donald Trump était président des États-Unis.

« En réalité, de plus en plus d’alliés dépensent beaucoup plus, et je suis convaincu que tout président américain en est conscient. »

Les dépenses de défense des alliés européens et du Canada ont augmenté de près de 18 % cette année seulement, a annoncé M. Stoltenberg dans un discours à la Maison-Blanche lundi. Il s’agit de la plus forte augmentation depuis des décennies. On s’attend à ce que 23 des 32 alliés atteignent l’objectif de 2 % cette année.

Même s’il y aura probablement une vague de nouveaux dirigeants dans les mois à venir, peut-être même au Canada, M. Stoltenberg s’attend à ce que chaque dirigeant soutienne une OTAN forte.

« Nous vivons dans un monde plus dangereux avec davantage de rivalités mondiales et il est encore plus important désormais d’être unis », a-t-il déclaré.

Il a rendu visite aux alliés avant le sommet des dirigeants de l’OTAN à Washington le mois prochain et pour marquer le 75anniversaire de l’alliance.

Il a passé en revue chaque programme et chaque problème, mais n’a révélé aucune garantie reçue de la part de Justin Trudeau.

« C’est au premier ministre Trudeau d’annoncer quoi que ce soit au nom du Canada, mais le Canada a été et continuera d’être un fervent partisan de l’Ukraine », a-t-il soutenu.

L’Ukraine, la priorité absolue

PHOTO ROMAN PILIPEY, AGENCE FRANCE-PRESSE

Un soldat ukrainien sort d’un véhicule blindé dans la région de Donetsk le 19 juin dernier.

L’Ukraine sera la priorité absolue du sommet, car la guerre menée par la Russie soulève une menace d’extension du conflit en Europe.

Justin Trudeau a fait de l’Ukraine un point culminant de sa politique étrangère depuis son arrivée au pouvoir, et cela n’est pas passé inaperçu.

Le Canada a aidé l’Ukraine avant même l’invasion à grande échelle de 2022, a souligné M. Stoltenberg.

Depuis, le Canada a fourni des milliards de dollars d’aide à l’Ukraine, notamment des véhicules de combat, de la formation des pilotes de F-16, des munitions et d’autres équipements militaires.

Le Canada dirige également un groupement tactique en Lettonie, l’une des huit forces multinationales de ce type destinées à dissuader et à répondre aux menaces posées par la Russie.

M. Stoltenberg en demandera davantage lorsque les alliés se réuniront le mois prochain. Il a récemment proposé que les pays de l’OTAN contribuent à hauteur de 40 milliards d’euros par an (soit environ 58,6 milliards CAN).

« Notre soutien à l’Ukraine n’est pas un acte caritatif, c’est dans notre intérêt, a affirmé M. Stoltenberg. L’option la plus coûteuse pour les alliés de l’OTAN est de permettre à Vladimir Poutine de gagner, car nous devrions alors investir encore plus dans notre défense. »

Si la Russie gagne, la leçon pour le président russe et son homologue chinois Xi Jinping « est que lorsqu’ils utilisent la force militaire et envahissent un autre pays, ils obtiennent ce qu’ils veulent ».