Le ministre fédéral des Transports craint que Pierre Poilievre n’abandonne les plus vulnérables

(Ottawa) À une autre époque, Pablo Rodriguez devait se rendre dans un comptoir de l’Armée du Salut de la région de Montréal en compagnie de ses parents pour mettre la main sur quelques vêtements. Sa famille a aussi eu recours aux banques alimentaires.

Ces visites étaient nécessaires s’il voulait être convenablement vêtu pour aller à l’école ou manger à sa faim. Sa famille a dû quitter sa ville natale de San Miguel de Tucumán, en Argentine, alors qu’il avait 8 ans. Son père avait été emprisonné et torturé à quelques reprises par la junte militaire au pouvoir en raison de ses opinions politiques.

L’explosion d’une bombe dans la maison familiale a forcé les Rodriguez à mettre le cap rapidement sur le Canada pour y trouver refuge. C’était essentiellement une question de vie ou de mort.

Les premiers pas de Pablo Rodriguez au Québec ont donc été marqués par la pauvreté. Ces souvenirs, le ministre des Transports les garde bien en tête alors que des élections fédérales se profilent à l’horizon.

En entrevue avec La Presse, le lieutenant politique de Justin Trudeau reconnaît que la bataille à venir sera des plus rudes. Mais il affirme être prêt à faire campagne tous azimuts afin non seulement de défendre le bilan du gouvernement Trudeau, mais surtout de protéger les programmes sociaux qui ont été mis sur pied depuis huit ans et qui ont permis d’extirper des centaines de milliers de Canadiens de la pauvreté.

Une question de « valeurs profondes »

Des mesures importantes, comme le programme national de garderies et le programme national de soins dentaires, pourraient passer à la moulinette si le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre, prend le pouvoir à l’issue du prochain scrutin. Le chef conservateur a promis de réduire la taille du gouvernement fédéral et d’éliminer le déficit. De telles coupes feraient très mal aux plus vulnérables de la société.

Pour M. Rodriguez, c’est une question de « valeurs profondes ». Il est primordial de continuer de bâtir une société plus juste et plus égalitaire, a-t-il soutenu, cachant mal ses émotions en se remémorant ses premières années sur le sol québécois.

« Je l’ai vécue, la pauvreté. J’allais aux comptoirs alimentaires. On n’avait pas d’argent. Je m’habillais grâce à l’Armée du Salut. Je marchais dans le local de l’Armée du Salut. Il y avait des tables où il y avait du linge. On choisissait comment je m’habillais. Alors, nos politiques sociales, elles sont essentielles. Ça fait partie de ce que fait le Parti libéral du Canada », a-t-il exposé les yeux pleins d’eau.

La rigueur budgétaire, oui, c’est important. Mais pas au prix d’abandonner des gens qui souffrent et qui ont besoin de nous.

Pablo Rodriguez, ministre des Transports

Depuis un an, les sondages nationaux accordent une avance de 15 à 20 points au Parti conservateur. M. Rodriguez a convenu que le défi que doit relever le Parti libéral est imposant. Mais il croit que Justin Trudeau demeure la meilleure personne pour diriger les troupes libérales.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Le ministre fédéral des Transports, Pablo Rodriguez

« Le défi d’obtenir un autre mandat, il est énorme. On est le gouvernement. On a le devoir de livrer la marchandise, à travers les tempêtes que l’on traverse, à travers les attaques de l’opposition, à travers les sondages qui sont négatifs », a-t-il dit.

Ça va être des élections qui auront énormément de conséquences, en particulier si on tient compte de ce qui se passe actuellement aux États-Unis. Les Canadiens pourraient être aux prises avec les deux gouvernements les plus à droite de l’histoire de l’Amérique du Nord.

Pablo Rodriguez, ministre des Transports

« Mais nous, ce que l’on doit faire, c’est ne pas essayer de se dénaturer. Il faut rester fidèles à nos principes. Il faut être là pour ceux qui ont besoin de nous. Les grands, les riches, les Walmart de ce monde, ils n’ont pas besoin de nous. Ils sont bien capables de se défendre. Mais il y a des gens qui ne sont pas capables de se trouver un loyer. Il y a des enfants qui ne mangent pas le matin. »

Il a aussi fait valoir qu’une campagne électorale, « ça compte », et que les électeurs auront un choix crucial à faire.

« Entrer dans un ring »

En entrevue, le ministre Pablo Rodriguez s’est dit inquiet du ton hargneux qui est devenu la norme à la Chambre des communes depuis l’arrivée de Pierre Poilievre à la tête du Parti conservateur.

« Sans être partisan, disons que l’arrivée de Pierre Poilievre a beaucoup changé le ton à la Chambre des communes. Le niveau d’animosité, d’attaques personnelles, ça a mis comme une chape de plomb sur la Chambre des communes. On a l’impression, plus qu’avant, d’entrer dans un ring. C’est un contexte extrêmement difficile qui, à mon avis, ne sert pas bien les Canadiens », a-t-il avancé.

« On est ici en tant qu’élus, des hommes, des femmes, et les gens nous demandent de les représenter au meilleur de nos capacités. Oui, on doit se battre et défendre nos points de vue avec fermeté et dignité. Il ne faut pas essayer d’enlever la dignité de l’autre. C’est un peu ce que l’on voit aujourd’hui. Je trouve cela malheureux. »

Au passage, le lieutenant politique de Justin Trudeau invite Pierre Poilievre à se ressaisir.

« Je lui tends la main, d’une certaine façon, pour lui dire : “Tu n’es pas venu ici pour faire cela. Peut-être que tu vois cela comme une façon de gagner. Mais tu n’es pas venu ici pour cela.” Les Canadiens n’ont pas élu des députés pour faire cela. Notre job, c’est d’améliorer le sort de nos concitoyens, de nos familles, de nos aînés, de nos enfants. »

Qui est Pablo Rodriguez

  • Il est né en Argentine et est arrivé au Canada à l’âge de 8 ans.
  • Il a été élu pour la première fois aux Communes en 2004.
  • Il est ministre des Transports et lieutenant politique de Justin Trudeau au Québec.
  • Il parle trois langues : français, espagnol et anglais. Il a eu 57 ans le 21 juin.
  • Avant de faire le saut en politique, il a notamment été vice-président du conseil d’administration d’Oxfam-Québec de 2000 à 2004.