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« Stable », « avant-gardiste » ou « désengagé » : quel travailleur êtes-vous ?

« Stable », « avant-gardiste » ou « désengagé » : quel travailleur êtes-vous ?

Un nouveau baromètre classe les actifs en trois grandes familles selon deux axes transversaux : l’employabilité et la confiance en l’avenir.

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Selon le premier baromètre du rapport au travail publié fin avril par le groupe Actual et l'école de management EM Normandie, les « stables » constituent 45,9 % des actifs.
Selon le premier baromètre du rapport au travail publié fin avril par le groupe Actual et l'école de management EM Normandie, les « stables » constituent 45,9 % des actifs. © CHAMUSSY/SIPA

Temps de lecture : 5 min

« Une France active fragmentée » : tel est l'intitulé du premier baromètre du rapport au travail publié fin avril par le groupe Actual et l'école de management EM Normandie, en partenariat avec Le Figaro Emploi. Fondée sur une enquête conduite auprès de plus de 198 000 personnes, l'étude révèle une nouvelle typologie de travailleurs qui vient bousculer les segmentations classiques et contribue à décrypter les mécanismes à l'œuvre sur le marché du travail. Car, à l'heure actuelle, ceux-ci semblent s'être bien enrayés…

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« Quand on écoute les recruteurs et les candidats, on a l'impression que le lien ne se fait pas, souligne Jean Pralong, enseignant-chercheur en gestion des ressources humaines à l'EM Normandie et créateur du baromètre. Il y a comme un manque de points de rencontre entre des gens qui cherchent des candidats et des gens qui cherchent un emploi, alors que logiquement ce devrait être assez fluide. On se rend compte, d'une part, que ce n'est pas parce qu'on publie une annonce qu'on va mécaniquement créer un afflux de candidats. Et, d'autre part, que les catégories socioprofessionnelles utilisées – aujourd'hui, on raisonne par métier, par territoire ou par macro-catégorie – ne sont plus opérationnelles. »

Deux axes invisibles : l'employabilité et la confiance en l'avenir

Parmi les « ruraux », quoi de comparable en effet, pointe l'étude, entre l'agriculteur, l'employé d'une PME et le dirigeant relocalisé après la pandémie ? Parmi les « cadres », quels points communs entre le data scientist, le manageur dans l'industrie ou le responsable de boutique dans l'habillement ? Quant aux livreurs à vélo, sont-ils des précaires piégés par leur statut, des opportunistes en transition ou des nomades assumés ?

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Dans un monde en pleine mutation, de nouvelles lignes découpent la population active et « conditionnent, catalysent ou freinent son accès à un travail satisfaisant », poursuit Jean Pralong, qui a identifié deux axes transversaux et invisibles. D'un côté, l'employabilité – qui désigne les ressources disponibles chez un individu pour accéder à un emploi et le garder – et, de l'autre, la confiance en l'avenir, qui reflète la représentation que l'on peut avoir du futur mais également la capacité à tirer parti des changements. C'est le croisement de ces deux dimensions qui dessine trois grandes familles de travailleurs.

Chez les actifs « stables », un point de bascule à 39 ans

Numériquement parlant, les « stables », qui constituent 45,9 % des actifs, sont les plus importants. Majoritairement en CDI et habitant en zones urbaines, ils sont diplômés au moins d'un bac + 2. Ils se divisent en deux sous-groupes, les stables pessimistes (24,6 %) et les stables optimistes (21,3 %). Le principal critère faisant passer d'optimiste à pessimiste ? L'âge. Selon le baromètre, le point de bascule se situe à 39 ans car approcher la quarantaine « signifie perdre en attractivité pour un employeur potentiel et redouter un lent déclassement ».

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« En termes de comportement, il y a une vraie différence entre les stables optimistes et les stables pessimistes, constate Jean Pralong. Car même si ces derniers sont compétents et employables, ils vont être dans des postures d'évitement et d'auto-élimination sur le marché du travail. Ce sont des gens qui sont sensibles à l'échec, qui ne vont, par exemple, pas vouloir envoyer des tonnes de CV parce que les refus vont les fragiliser. Les recruteurs se plaignent également aujourd'hui d'attitudes de ghosting, autrement dit de candidats qui disparaissent entre deux rendez-vous et dont on n'entend plus jamais parler. Mais je pense que cela s'explique non pas par de la négligence, mais plutôt par de la peur. »

Des personnes « désengagées » peuvent devenir « stables »

Deuxième grande famille, les « avant-gardistes », qui représentent 13 % des actifs. Caractérisés par un haut niveau d'employabilité et de confiance, ils sont capables de définir leurs propres règles du jeu. Nombre d'entre eux ont quitté le salariat et sont consultants autoentrepreneurs, créateurs de start-up ou multi-investisseurs. Leurs revenus sont souvent très au-dessus de la moyenne.

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Enfin, à l'autre bout du spectre, on trouve les actifs les plus en difficulté, les « désengagés » (12,6 %). Moins qualifiés, plus âgés et moins urbains, ce sont d'anciens salariés des territoires désindustrialisés, mais aussi des habitants de territoires très ruraux. Leurs revenus proviennent d'emplois saisonniers ou précaires, très dépendants des opportunités. Leur comportement est marqué par la résignation et le désengagement.

« Ces catégories sont mouvantes, analyse Jean Pralong. Ainsi, une personne “désengagée” peut être accompagnée, faire une formation et passer dans le groupe des stables. À l'inverse, quelqu'un qui, hier, était stable peut être confronté à la disparition de son entreprise et basculer dans le camp des désengagés parce qu'il est dans l'incapacité de se reclasser rapidement dans son bassin d'emplois… L'actualisation régulière du baromètre – le prochain paraîtra dans six mois – permettra de mesurer les évolutions. »

Un outil pour le recruteur ?

Si cet outil offre une classification plus fine de la population active, il apporte aussi un éclairage inédit permettant aux entreprises de mieux comprendre – et mieux cibler – les candidats. « En tant que recruteur, il ne faut pas perdre de vue que, si on n'y prend pas garde, on ne va s'intéresser qu'à un quart du marché, les “stables optimistes”, qui sont à la fois compétents et dynamiques sur le marché du travail, insiste l'expert. Or, cette France du salariat se fragmente et se réduit. Il faut donc trouver des leviers pour aller chercher les autres. »

Ainsi, pour les stables pessimistes, qui ont besoin d'être rassurés, rendre les démarches de recrutement plus transparentes peut constituer une piste intéressante, estime l'enseignant-chercheur. Pour les avant-gardistes, qui aspirent à une forme de souplesse et d'autonomie dans leur rapport au travail, l'enjeu est tout autre. Il s'agit de leur proposer un statut qui ne soit pas un frein à leurs ambitions ou à leur souhait de concilier vie personnelle et vie professionnelle.

« L'annonce traditionnelle qui dit : “Venez travailler 35 heures chez nous pour tel salaire”, cela ne marche pas pour cette population, décrypte Jean Pralong. Les personnes très employables et très confiantes ne cherchent plus un CDI. Elles veulent faire valoir leurs compétences dans des conditions qui les intéressent. Alors peut-être que, demain, il va falloir décorréler les compétences du support juridique de la collaboration. » De quoi, possiblement, contribuer à réduire l'écart entre l'offre et la demande. Car, conclut le spécialiste, « là où les entreprises croient manquer de candidats, ce sont en réalité les candidatures qui manquent ».

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Commentaires (2)

  • Skalou

    "Les recruteurs se plaignent également aujourd'hui d'attitudes de ghosting, autrement dit de candidats qui disparaissent entre deux rendez-vous et dont on n'entend plus jamais parler. "
    En revanche se posent-ils la question du ghosting pratiquée par les entreprises ? Celles qui ne se donnent même pas la peine de répondre à votre candidature, ne serait-ce que par la négative, alors que les outils d'aujourd'hui le permettent beaucoup plus facilement.
    Entendu de la bouche d'une RH d'un (grand) transporteur frigorifique à qui je demandais un mail attestant de notre entretien, car Pôle Emploi me demandait des preuves de recherche active : "J'ai autre chose à faire que d'envoyer des mails ! "
    Et si on classifiait les entreprises pour leurs bonnes pratiques du traitement des candidatures ?

  • Legoff

    Souvenir d'etudiant
    il etait de bon ton vers la fin des annees 60 de commencer toute dissertation par

    "dans un monde en pleine mutation"