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#Investigation : IKEA, le 'saigneur' des forêts - RTBF Actus
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#Investigation : IKEA, le "saigneur" des forêts

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Par Romane Frères

Le géant de l’ameublement n’est plus à présenter : avec ses 460 magasins répartis dans une cinquantaine de pays, il est LE leader dans le domaine. Connu pour ses prix très attractifs et ses meubles en kit, Ikea cultive une image vertueuse qui se soucie de la planète. Derrière son image vertueuse, se cache une société affamée de bois. Et pour assouvir son appétit, l’entreprise n’hésite pas à utiliser du bois d’origine problématique.

Pour garder ses prix le plus bas possible, elle adopte deux stratégies. La première, c’est le principe des paquets plats et de laisser le montage aux clients, cela permet de réduire les coûts de stockage. La deuxième, sous-traiter la fabrication des meubles, ce qui réduit les coûts de production. Grâce à ces tactiques, Ikea peut continuer son expansion, notamment en ajoutant 2000 articles à son catalogue chaque année.

Avec ce renouvellement permanent de la gamme, l’étiquette de "fast furniture" lui a été attribuée. Le préfixe "fast" est aujourd’hui connoté négativement. De fait, ce terme fait référence au rythme avec lequel un grand nombre de produits est conçu et consommé. Cette manière de consommer est contraire à un mode de vie responsable et écologique. Car comme l’explique Cecilia Soler, professeur de marketing à l’université de Göteborg, "lorsque le tarif est très bas, vous pouvez être sûr à 100% que quelqu’un ou quelque chose en paie le prix. Dans ce cas précis, c’est la nature qui paie pour ces produits bon marché".

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Déforestation massive illégale

Le principal matériel utilisé dans la fabrication des meubles Ikea est le bois. Une ressource, certes renouvelable, mais surtout fragile. L’entreprise suédoise est le plus grand consommateur de bois au monde. Elle dévore plus de 20 millions de mètres cubes de bois chaque année, ce qui représente environ 1% du bois coupé dans le monde, soit un arbre toutes les deux secondes.

Trois pays européens fournissent un tiers du bois d’Ikea : la Suède, la Roumanie et la Pologne. Mais ceux-ci sont dans le viseur d’associations de lutte pour l’environnement. En effet, des coupes rases, c’est-à-dire l’abattage de la totalité des arbres d’une exploitation forestière, sont effectuées de manière illégale. Celles-ci, en plus de détruire la flore, favorisent l’érosion des sols et nuisent grandement à la faune. Car, pour garantir des prix bas pour le consommateur, "il faut faire des économies quelque part, vous devez fermer les yeux, vous devez abattre des forêts vierges, parce que ce sont celles qui sont toujours debout" souligne Johan Stenebo, l’ancien assistant du créateur de la marque.

Pourtant, Ikea qui possède plus de 280.000 hectares de forêts à travers le monde, clame que la sous-traitance de ses meubles se fait à partir de forêts exploitées de manière responsable. Cependant, l’entreprise n’autorise pas la vérification de ses dires et elle refuse d’indiquer où elle se fournit.

Néanmoins, le géant suédois assure faire le nécessaire pour préserver l’environnement. "Avant toute intervention de gestion forestière, nous procédons à une évaluation approfondie des impacts potentiels sur l’environnement et des mesures suffisantes sont prises pour garantir que l’érosion du sol soit évitée, surveillée et atténuée", Il ajoute que ces forêts ont été contrôlées par un organisme indépendant, le Forest Stewardship Council (FSC), et qu’il n’a trouvé aucune irrégularité.

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Le FSC ou comment acheter son greenwashing

Le FSC est né d’une volonté de rendre l’exploitation forestière plus vertueuse. L’ONG, d’abord composée d’un petit groupe d’écologistes puis rejointe par des acteurs de l’industrie, crée un certificat homonyme. Celui-ci permet d’informer les consommateurs que l’entreprise en question essaye d’exploiter le bois de façon plus durable.

Créé à partir d’une bonne intention, ce label se retrouve vite confronté à un conflit d’intérêts majeur. Les certificateurs sont directement payés par les entreprises qui veulent obtenir leur label, ils sont donc dépendants d’elles. Il est par conséquent dans l’intérêt des certificateurs d’accorder ces attestations et de minimiser voire d’ignorer certains problèmes qui pourraient freiner leur obtention.

Ikea étant le leader sur le marché, des problèmes qui auraient dû être considérés comme majeurs ont été répertoriés comme mineurs afin que l’entreprise garde sa certification et par la même occasion que l’ONG garde son financement.

Le consommateur croit donc que la multinationale a recours à des pratiques responsables et vertueuses de l’environnement alors que le FSC lui autorise des coupes rases de bois issus de parcs nationaux et de bois issus de forêts primaires et anciennes.

Aucune législation européenne

Le problème, c’est qu’il n’existe aucune politique commune concernant les forêts. Les questions du climat et de la préservation des espèces sont gérées par l’Europe, mais les forêts et leur exploitation commerciale relèvent de politiques nationales. "À l’Union européenne, il n’y a pas de définition commune de ce qu’est une gestion durable des forêts", indique Anna Deparnay-Grunenberg, députée européenne.

Sur ce sujet, deux camps s’affrontent : celui qui veut protéger la forêt et celui qui défend l’industrie du bois. Dans cette équipe, on retrouve notamment les trois plus gros fournisseurs d’Ikea.

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Viveka Beckeman dirige la Fédération suédoise du bois et défend à Bruxelles les intérêts des exploitants forestiers : "Nous voulons conserver le droit de récolter du bois. Au fil des siècles, la Suède a mis au point une méthode de gestion des forêts qui s’avère très active : elle est basée sur la monoculture. Chaque parcelle est plantée d’arbres de la même espèce, qui seront récoltés quelques années plus tard. Puis, de jeunes pousses seront plantées comme dans l’agriculture. Nous n’exploitons pas la forêt, nous la cultivons et nous l’entretenons. Il n’y a qu’1% de la forêt qui est récolté chaque année. Et pour chaque arbre abattu, nous en plantons deux autres."

Pour Lina Burbelius, membre de l’ONG Protect the Forest Sweden, ce discours est un parfait exemple du greenwashing de l’industrie forestière suédoise dont profite Ikea. "La Suède n’est pas un modèle d’exploitation forestière durable. Il est le plus nuisible au climat et à l’environnement. Si l’entreprise plante ces arbres, ce n’est que dans l’optique de les raser à nouveau."

Une plantation de palmiers n’est pas une forêt tropicale, un champ de tulipes n’est pas une prairie, une plantation de pins n’est pas une forêt ancienne. Nous troquons nos forêts contre des plantations d’arbres.

Elle ajoute que cette industrie ment en disant qu’il y a aujourd’hui plus de forêts que jamais. Il y a beaucoup d’arbres, mais ça ne suffit pas pour faire une forêt. On ne peut pas replanter une forêt ancienne. Line Burbelius est formelle : "Il faut mettre fin à cette course à la croissance et à ce modèle qui consiste à produire sans cesse des biens qui finiront brûlés."

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