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PFAS : 40 zones de distribution d’eau en Wallonie dépassent la recommandation du Conseil Supérieur de la Santé. Découvrez notre carte interactive - RTBF Actus

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PFAS : 40 zones de distribution d’eau en Wallonie dépassent la recommandation du Conseil Supérieur de la Santé. Découvrez notre carte interactive

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InfoPar Romane Bonnemé, Emmanuel Morimont et Ambroise Carton

La recommandation du Conseil Supérieur de la Santé pour un groupe de PFAS est dépassée dans 40 zones de distribution en Wallonie. Les fournisseurs d’eau ont mené des premières actions pour réduire ce nombre et restent tenus de respecter un principe de précaution.

Le 12 mars 2024, le Conseil Supérieur de la Santé se prononçait sur l’impact sanitaire des per- et polyfluoroalkylées, aussi appelées PFAS. Selon leur recommandation, un litre d’eau en bouteille – donc d’eau potable – ne devrait pas contenir plus de 4 nanogrammes (ng/L) pour la somme de quatre PFAS courants, à savoir le PFOA, PFOS, PFNA et PFHxS. Cette recommandation va donc plus loin que la future norme européenne de 100 ng/L pour la somme de 20 PFAS qui entrera en vigueur en janvier 2026. Les distributeurs d’eau flamands et bruxellois devront tendre vers cette teneur de 4 ng/L pour la somme des 4 PFAS respectivement au 20 janvier 2028 et 31 décembre 2028.

En Wallonie, le Gouvernement a chargé la Société Wallonne des Eaux (SWDE) de mener pendant six mois à compter de septembre 2023, une campagne de prélèvements afin de "dresser un état des lieux exhaustif de la teneur en PFAS dans les 641 zones de distribution". Le 12 avril 2024, la région wallonne publiait les résultats obtenus.

L’eau potable wallonne respecte-t-elle la recommandation du Conseil Supérieur de la Santé ? Les équipes Décrypte et Investigation ont mis au point la carte ci-dessus qui reprend les dernières analyses menées dans toutes les zones de distribution d’eau en Wallonie.

Réduire au maximum l’exposition

Sur le total des prélèvements effectués par les dix distributeurs publics d’eau en Wallonie depuis septembre 2023, une quarantaine égalait ou dépassait la recommandation de 4 ng/L pour la somme des 4 PFAS.

Y figure notamment la zone de Beauvechain, la commune plus contaminée de Wallonie en raison de la présence de la base aérienne sur son territoire où étaient utilisées jusqu’en 2021 des mousses anti-incendie fortement chargées en PFAS.

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Dans les zones qui dépassent 4 ng/L, "si l’on veut protéger la santé, il faut réduire au maximum l’exposition pour éviter la susceptibilité de développer des cancers ou autres problèmes de santé", estime Catherine Bouland, docteure en sciences et Professeure de santé environnementale à l’Ecole de Santé publique de l’Université libre de Bruxelles.

Celle qui est aussi membre du Conseil Supérieur de la Santé ajoute que "cette valeur de 4 ng/L est issue d’une revue de la littérature scientifique la plus récente, qui met en avant les risques potentiels pour la santé d’une exposition à une valeur plus élevée que quatre nanogrammes par litre. […] En diminuant de plus en plus l’exposition des personnes par l’eau, on va réduire l’accumulation qui se fait dans leur corps. Et donc a priori, on peut imaginer de réduire le risque qu’il y ait un effet sur la santé."

Cette valeur de 4 ng/L pour la somme de ces 4 PFAS est basée sur la dose hebdomadaire tolérable déterminée par l’Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA). Cette dernière avait conclu en 2020 que ce quatuor de "polluants éternels" peut avoir des effets néfastes sur le développement des fœtus et sur le cholestérol sérique, sur le foie ou encore sur le système immunitaire. Depuis 2009 et 2020 respectivement, le PFOS et le PFOA sont interdits en Europe. Le second ayant été classé "cancérogène pour les humains" par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) en novembre dernier.

Traitements et filtres à charbon

Dans la grande majorité des zones de distribution en Wallonie, l’eau est conforme à la recommandation du Conseil Supérieur de la Santé de 4 ng/L pour la somme des 4 PFAS. Mais 67 d’entre elles dépassaient la recommandation du Conseil supérieur de la santé à la fin du monitoring de l’eau de distribution sur l’ensemble de la Wallonie. Les premières actions menées par les fournisseurs d’eau ont permis de réduire leur nombre à 40.

Voici une liste non exhaustive des mesures entreprises :

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Bio-monitoring et contamination "éternelle"

Malgré ces mesures, des zones d’ombre persistent. Les "polluants éternels" portent bien leur surnom car, une fois relâchés dans l’eau, le sol ou l’air, ces composés se dégradent très lentement dans l’environnement mais aussi les organismes humains.

La convention de Stockholm révèle que la durée de vie des PFHxS, PFOA et PFOS dans les corps intoxiqués peut atteindre plusieurs années : respectivement de 8 ans, 5,4 ans et 3,8 ans dans le sérum humain.

Des Wallons restent donc contaminés des mois après leur exposition aux PFAS, surtout lorsque celle-ci a été importante. C’est ce que montre la carte ci-dessous avec les résultats les plus élevés mesurés en Wallonie entre septembre 2023 et février 2024.

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Dans certaines zones, la concentration des 4 PFAS a atteint un maximum de 138 ng/L. Cette eau fortement contaminée a été distribuée aux habitants de Nandrin, Tinlot et Modave. À Florennes, les teneurs pour les 4 PFAS ont aussi atteint 60 et 57 ng/L dans les deux captages qui alimentent cette zone de distribution. Le gestionnaire a by-passé la conduite des captages problématiques en décembre 2023.

En janvier 2024, l’Institut Scientifique de Service Public (ISSeP) a lancé un bio monitoring dans la zone de Chièvres, suivi ensuite de la zone de Ronquières, puis Florennes et Nandrin. Ces campagnes de prise de sang sont terminées, ou en voie de l’être pour Nandrin, mais l’Institut "attend de recevoir tous les résultats des dosages d’une zone pour communiquer aux participants de cette zone leurs résultats personnels", lit-on sur leur site.

Vendredi 19 avril, quatre habitants de Chièvres ont fait part de leur inquiétude en commission environnement face à la ministre Céline Tellier, à propos de ces résultats qui n’arrivent pas. Ils ne sont pas les seuls à s’impatienter. Lors du dernier conseil communal à Ath, le bourgmestre interpellé a indiqué que "des tests ont encore été réalisés à la mi-mars, il y a un délai d’analyse assez long pour le prestataire puis un délai d’interprétation des résultats pour mettre tout cela en perspective et éviter les mauvaises interprétations", rapporte SudInfo ce 29 avril.

Au total, pour les communes d’Ath, Beloeil, Chièvres et Leuze-en-Hainaut, ce sont 2506 citoyens qui ont participé à ces analyses et qui attendent toujours les résultats.

Législation wallonne et obligation de précaution

La ministre Tellier prône la patience sur les résultats de ces analyses et se veut rassurante dans le suivi de la pollution aux PFAS en Wallonie. Dans son rapport publié ce 12 avril, l’administration wallonne indique que des "contrôles sont périodiques et répartis dans l’espace et dans le temps conformément à la législation wallonne".

Le Gouvernement wallon a transposé en avril 2023 la directive européenne imposant une limite de 100 ng/L pour la somme des 20 PFAS à compter de janvier 2026. En date du 11 décembre 2023, l’ensemble du réseau de distribution d’eau wallon respecte la future norme européenne de 100 ng/L pour la somme des 20 PFAS.

En ce qui concerne la recommandation du Conseil Supérieur de la Santé de 4 ng/L pour la somme du PFOA, PFOS, PFNA et PFHxS, les distributeurs d’eau wallons ne sont, pour l’heure, pas obligés de la suivre.

Si vous ne prenez pas les mesures destinées à protéger la santé de l’homme […] cela peut s’assimiler à un comportement négligeant.

Me Luc Depré, avocat en droit de l’environnement

Par contre, les distributeurs d’eau sont tenus de respecter le Code de l’eau wallon, et plus particulièrement ses articles 180 et 183Ce dernier dispose que les eaux destinées à la consommation humaine "ne contiennent pas un nombre ou une concentration de micro-organismes, de parasites ou de substances constituant un danger potentiel pour la santé humaine". En d’autres termes, les distributeurs d’eaux doivent non seulement respecter les normes en vigueur mais aussi respecter une obligation de précaution.

Selon l’avocat en droit de l’environnement Me Luc Depré, "si vous ne prenez pas les mesures destinées à protéger la santé de l’homme – puisqu’ici elle semble être en danger au vu de la recommandation - cela peut s’assimiler à un comportement négligeant. Un comportement négligeant est une faute par rapport aux objectifs de santé publique qui peut être sanctionnée."

Concrètement, un riverain qui saisirait le tribunal de première instance pour comportement négligeant d’un distributeur d’eau qui ne respecterait pas la recommandation du Conseil Supérieur de la Santé pourrait éventuellement être dédommagé "soit en nature – en distribuant de l’eau non polluée par exemple – soit en espèce", explique Me Depré.

Aucun tribunal belge n’a jusqu’à présent eu à statuer sur ce type de litiges.

Me Luc Depré : "Il y a une obligation de précaution pour ces autorités publiques"

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